750 milliards d’euros et après ?

Certains commentateurs n’ont pas lésiné sur la dithyrambe à la suite de l’adoption par l’Union européenne d’un plan de sauvetage de 750 milliards

Certains commentateurs n’ont pas lésiné sur la dithyrambe à la suite de l’adoption par l’Union européenne d’un plan de sauvetage de 750 milliards d’euros en faveur de pays qui pourraient rencontrer des difficultés financières. Il s’agirait d’un événement “historique”. En fait d’histoire, c’est une mesure d’urgence.

La crise qui frappe la Grèce depuis plusieurs mois menaçait de s’étendre au Portugal, à l’Espagne, voire à l’Italie. Cette perspective a fait fortement baisser l’euro face au dollar. Sans intervention de l’UE, les pays européens auraient eu de plus en plus de mal à accéder aux marchés financiers. Cela aurait affaibli considérablement l’Europe et aurait pu provoquer un éclatement de la zone euro.

En créant un fonds destiné à prêter à des pays membres, l’UE se donne une bouée de sauvetage. Mais, comme chacun sait, à la suite d’un naufrage il ne s’agit pas seulement d’avoir une bouée, il faut encore bénéficier de l’aide d’un bateau de secours ou de nager jusqu’à la terre ferme.

L’UE est aujourd’hui dans cette situation : elle a échappé au naufrage, elle est au milieu de l’océan, elle a une bouée qui lui permet de ne pas couler mais sait-elle où aller ? Une question d’autant plus importante qu’elle se plaint d’être entourée de requins (les spéculateurs) qui veulent la dépecer.

Force est de constater que l’Europe n’a pas de boussole. La Commission européenne est historiquement faible avec des personnalités de faible envergure, à commencer par le président José Manuel Barroso. A Bruxelles et dans certaines capitales, on assure que c’est voulu car la France et l’Allemagne ne voulaient pas s’encombrer d’un exécutif européen fort et capable de prendre des initiatives.

Mais ces jeux de pouvoir devront bien laisser place à une réflexion sur l’avenir de la zone euro. Les 750 milliards d’euros risquent d’être bien vite insuffisants si les Etats membres ne changent pas rapidement de politique et si l’UE ne se dote pas de mécanismes plus rigoureux. Il faut prendre exemple sur le Fonds monétaire international (FMI), qui apporte une aide financière en échange de réformes structurelles souvent douloureuses. Pour l’instant, dans l’UE, les chefs d’Etat et de gouvernement se contentent de prendre acte des promesses des uns et des autres de réduire leurs déficits d’ici 2013. Mais ces promesses reposent parfois sur des hypothèses de croissance économique jugées irréalistes par la Commission européenne elle-même. C’est le cas pour le plan français par exemple.

L’UE fonctionne uniquement avec des carottes et n’a pas de bâton pour sanctionner ceux qui ne respectent pas les règles. Dans ce contexte, le bâton, ce sont les marchés financiers surtout quand on est endetté et qu’on doit aller voir les investisseurs chaque semaine pour leur demander de l’argent pour boucler les fins de mois. Il ne faut pas oublier que le capital est mobile dans un monde globalisé dont les frontières économiques ont été supprimées. Pourquoi les investisseurs prêteraient-ils à des pays qui ne cessent de cumuler des déficits sans trop se soucier du long terme alors que des pays émergents comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie ont des projets de développement ambitieux qui promettent un beau retour sur investissement ?

Au lieu de s’en prendre régulièrement aux spéculateurs, les gouvernements européens devraient mettre en oeuvre rapidement des plans de rigueur voire d’austérité.

Evidemment, il faut faire en sorte que les efforts ne pénalisent pas les plus pauvres. Mais, les gisements d’économies au niveau des Etats sont nombreux. Un travail d’audit doit être mené rapidement et mis sur la place publique afin qu’un débat s’engage. Si les gouvernements européens se contentent de mesures symboliques en espérant que la croissance économique permettra de résoudre les problèmes budgétaires dans quelques années, ils se trompent lourdement. Les 750 milliards d’euros mobilisés risquent d’être insuffisants et les marchés financiers se rappelleront alors à leur bon souvenir. Et plus tôt qu’on ne le pense…