Et dire que certains se demandent pourquoi les Européens ont boudé les urnes lors des dernières élections européennes.
Et dire que certains se demandent pourquoi les Européens ont boudé les urnes lors des dernières élections européennes. La bureaucratie européenne montre régulièrement qu’elle est déconnectée de la réalité. Un jour, il s’agit d’autoriser le mélange du vin rouge et du vin blanc pour avoir du vin rosé. Un autre jour, il s’agit d’autoriser la commercialisation du poulet américain traité à l’eau de javel. Parfois, les décisions peuvent avoir des conséquences autrement plus graves pour l’économie. Prenons la directive Solvabilité II, qui a été adoptée par le Parlement européen fin avril. L’intention est louable : il s’agit, après la crise financière, de renforcer les règles prudentielles des compagnies d’assurance. Pour pouvoir détenir 100 euros d’actions, il faut ainsi avoir 40 euros de fonds propres (le ratio étant de 45 euros pour les actifs non cotés, notamment le Private Equity).
Cette mesure est donc conçue pour éviter une trop grande prise de risque. Mais les effets pervers sont nombreux. Les assureurs français vont continuer à réduire leurs investissements en actions. Et ce n’est pas la décision de Standard & Poor’s de dégrader la note de crédit de Groupama SA de “A+” à “A” qui va les faire changer d’avis. L’agence de notation a fait part de ses craintes sur le niveau des fonds propres (Capital Adequacy) en raison de la baisse de la valeur des actions, Groupama ayant investi 20% de ses avoirs en actions en 2008. Elle a aussi évoqué ses interrogations sur les résultats futurs même si elle a salué les efforts de restructuration.
Selon des investisseurs, d’autres assureurs risquent de subir le même sort prochainement. Face à cette double pression, on ne voit pas comment ces acteurs essentiels de l’épargne en France – l’assurance-vie représentait 1.409 milliards d’euros l’an dernier après une baisse de 5,5% – pourraient continuer à investir dans des actions cotées ou non en bourse. Certains d’entre eux, notamment Groupama et Axa, ont d’ailleurs déjà annoncé ces derniers mois qu’ils réduiraient leur exposition aux actions.
C’est une très mauvaise nouvelle pour l’économie française. La sortie de ces acteurs essentiels pèsent sur l’évolution des cours à court et moyen terme car il y a peu d’alternative. La France s’est toujours refusée à autoriser les fonds de pension or ceux-ci peuvent orienter l’argent de leurs cotisants vers les marchés boursiers et ils ne sont pas soumis aux règles de la directive Solvabilité II. Un rendez-vous doublement manqué qui risque d’avoir des conséquences désastreuses.
Plusieurs entreprises françaises ont procédé à des augmentations de capital ces derniers mois. Les opérations ont été couronnées de succès grâce aux investisseurs étrangers. Mais cette situation n’est pas saine. Le capital des entreprises membres de l’indice CAC 40 de la Bourse de Paris est déjà contrôlé à 40% par des actionnaires non-résidents, selon les données officielles. Cela signifie qu’une part significative des dividendes quitte la France pour financer notamment les pensions de retraite au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Aller au-delà se révélerait périlleux car ces actionnaires n’ont qu’un objectif : la rentabilité de leurs placements. Ce qui est compréhensible de leur point de vue mais qui risque de créer une pression énorme sur les directions des entreprises concernées.
La directive Solvabilité II mine donc la bourse et, partant, l’économie toute entière. Pour sortir de cette situation, la France doit mettre en oeuvre rapidement des mécanismes permettant aux investisseurs institutionnels, dont les compagnies d’assurance, et particuliers d’investir dans des actions.