La crise que nous vivons depuis bientôt deux ans est financière et économique mais il s’agit avant tout d’une crise de confiance. La confian
La crise que nous vivons depuis bientôt deux ans est financière et économique mais il s’agit avant tout d’une crise de confiance. La confiance dans capitalisme est d’autant plus atteinte que c’est le coeur du système – les banques et les institutions financières – qui sont touchées. Cette crise intervient après d’autres crises emblématiques qui ont mis à mal la confiance des citoyens depuis deux décennies. Nous avons connu en France l’affaire du sang contaminé, qui a montré une dérive inquiétante du partie du système sanitaire puisqu’on a continué à transfuser à des malades du sang infecté par le virus HIV.
Nous avons subi ensuite la crise de la vache folle qui a ébranlé la confiance dans les circuits d’alimentation. On a appris alors que des aliments “carnés” étaient donnés à des animaux, ce qui a provoqué une épidémie et des scientifiques ont souligné que la consommation de viande de “vache folle” pouvait expliquer la maladie de Creutzfeldt-Jakob, une maladie neurologique fatale.
Et nous avons découvert en 2007 avec les “subprime loans” – ces prêts immobiliers accordés à des ménages sans ressources puis transformés en titres commercialisés auprès des investisseurs – que des produits financiers pourris, pardon “toxiques”, pouvait provoquer une crise financière mondiale. La globalisation de l’économie ces 15 dernières années a favorisé la dissémination de ces produits.
Ces trois crises – sanitaire, alimentaire et financière – ont-elles un lien ? Oui. Dans les trois cas, ce qui prédomine, c’est l’appât du gain. Pour gagner plus d’argent, on est prêt, consciemment ou pas, à fermer les yeux sur la qualité des produits que l’on commercialise. L’appât du gain est consubstantiel au capitalisme. L’objectif est en effet la recherche du profit. Un investisseur place son argent dans une entreprise s’il pense qu’il a une bonne chance d’accroître son pécule. A n’importe quelles conditions ? Lénine le croyait, qui disait dans les années : “Les capitalistes finiront par nous vendre la corde avec laquelle on les pendra”. A la lumière de la crise actuelle, cette phrase est à méditer. Car, contrairement à ce que beaucoup, en particulier en France, croient, le capitalisme n’est pas la loi de la jungle.
Le capitalisme, on l’a dit plus haut, consiste à mobiliser de l’argent pour mener à bien des projets de toutes sortes. Hier, le train, le réseau électrique, plus récemment l’informatique et aujourd’hui l’internet et les énergies renouvelables. Nulle part dans le monde aujourd’hui, ce système fonctionne aussi bien que dans la Silicon Valley, aux Etats-Unis. Dans cette région de Californie, de nombreux étudiants sortis des meilleures universités, notamment Stanford, élaborent régulièrement des projets, dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication notamment. Ils vont ensuite voir des “Venture Capitalists” qui acceptent ou non de financer le projet en prenant une part du capital. Si le projet se concrétise et rencontre le succès, l’entreprise grandit, embauche, et se développe dans le monde entier. Les exemples ne manquent pas : Google, Yahoo!, eBay, Amazon, etc.
Le système dérape quand les financiers et les entrepreneurs estiment qu’il n’y a plus aucune règle ou quand ils pensent que personne ne s’apercevra de leur tricherie. La crise des “subprime loans” ressemble bien à de la tricherie même si ses promoteurs ont assuré qu’ils avaient “titrisé”, c’est-à-dire créé des parts (des titres) multiples, afin de neutraliser le risque. Pour un chef d’entreprise, ce raisonnement ne tient pas : “c’est comme si on disait aux Français : l’usine de retraitement nucléaire de La Hague contient des substances radioactives. On va vous donner à chacun un petit bout de La Hague et ainsi il n’y aura plus aucun risque. C’est n’importe quoi. On se retrouverait avec tous les Français contaminés”. Toutes proportions gardées, c’est ce qui s’est passé avec les “subprime loans”. Ce faisant, les promoteurs de ce montage ont abusé de la confiance de ceux qui achetaient des titres même si l’appât du gain fait que tous les investisseurs réclamaient un tel produit très rentable.
Pas d’auto-régulation. Cette crise de confiance porte un coup terrible au capitalisme mais est-ce la mort du capitalisme ? Si Lénine n’avait pas tort sur les dérives des capitalistes, force est de constaté que c’est son système qui s’est éteint le premier. Car il n’y a pas d’alternative à un système qui permet la propriété privée et la liberté d’entreprendre. A deux ou trois exceptions, toute la planète a adopté le système capitaliste, les Chinois parvenant à maintenir un régime politique communiste à la tête d’un pays où le développement du capitalisme rappelle furieusement le capitalisme occidental du XIXe siècle, quand aucune loi ne protégeait les plus salariés.
Est-ce à dire que le capitalisme peut être maintenu en l’état ? Certainement pas. D’ores et déjà, une remise en cause profonde est à l’oeuvre. Ainsi, l’effet de levier qui permettait aux banques et autres institutions financières de mobiliser jusqu’à 40 fois les sommes qu’elles avaient réellement a déjà été abaissé et va l’être encore à mesure que les banques feront le ménage dans leurs bilans. Plus fondamentalement, le capitalisme est incapable d’auto-régulation, contrairement à ce que pensent les tenants du libre-échange total.
Le capitalisme ne peut se développer que s’il y a des règles. Sous l’impulsion des Etats-Unis et du Royaume-Uni, la plupart des règles avaient été supprimées à partir du début des années 1980. Les gouvernements, y compris aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, ont commencé à rétablir les règles. L’heure est à la régulation. C’est uniquement en imposant une régulation efficace que nous sortirons de la crise actuelle. Quand les gouvernements doivent faire face à une crise sanitaire ou alimentaire, ils imposent des mesures visant à protéger l’ensemble des citoyens. Dans le cas de la crise financière, de telles mesures doivent être prises au nom de l’intérêt général. C’est uniquement à cette condition que l’on pourra rétablir la confiance.