La chute des marchés boursiers internationaux depuis l’an dernier pourrait avoir des conséquences inattendues : du fait des pertes massives des fonds de pension, les Etats-Unis
La chute des marchés boursiers internationaux depuis l’an dernier pourrait avoir des conséquences inattendues : du fait des pertes massives des fonds de pension, les Etats-Unis vont probablement devoir réexaminer le financement de leur système de retraite, qui repose essentiellement sur la capitalisation, tandis que les pays européens vont être amenés à réfléchir aux meilleurs moyens de stimuler l’épargne longue. Le débat est capital car il s’agit de savoir comment orienter les flux financiers au service de l’économie. Dans l’immédiat, la mauvaise passe des fonds de pension risque de peser sur les marchés boursiers car ce sont de gros investisseurs.
L’indice S&P 500 de la Bourse de New York a perdu 38% en 2008. Conséquence : les fonds de pension publics américains, qui couvrent 14 millions de salariés des administrations locales et nationales et qui ont versé 163 millions de dollars à sept millions de bénéficiaires sur l’année 2006-2007, ont perdu 1.000 milliards de dollars. Une somme gigantesque qui menace leur existence. Pour faire face à leurs obligations, ces fonds auraient besoin de 270 millions de dollars de souscriptions nouvelles au cours des quatre prochaines années et 100 millions par an sur les deux décennies suivantes, selon le Center for Retirement Research du Boston College. Les fonds de pension du secteur privé – regroupant 1.500 entreprises américaines -accuseraient un déficit de financement de 400 millions de dollars à la fin 2008, selon le cabinet de conseil Mercer. De nombreuses entreprises avaient des fonds de pension correctement capitalisés début 2008 mais avec la chute des marchés boursiers le déséquilibre s’installe. Toujours selon Mercer, les 700 premiers fonds de pension d’entreprise ne seraient plus couverts qu’à hauteur de 83%. Il faudra sans doute augmenter les cotisations et/ou réduire les pensions de retraite car beaucoup d’entreprises n’auront sans doute pas les moyens de renflouer le système
Cela pose une question à laquelle les Américains devront répondre rapidement : faut-il maintenir des fonds de pension d’entreprise ou créer des fonds de pension de branche ? Surtout, ne serait-il pas temps de mettre en place un régime général géré par l’Etat afin d’offrir un filet de sécurité aux Américains ? Après tout, les Occidentaux ont expliqué récemment que la Chine devait adopter un tel dispositif pour inciter ses citoyens à puiser dans leur épargne pour consommer. Les Américains ont besoin d’un tel filet car l’effondrement des marchés boursiers a un impact immédiat sur leur vie quotidienne. De nombreux retraités ont vu leurs pensions réduites dans des proportions gigantesques ces derniers mois. Les plus pauvres ont dû abandonner leur logement. Depuis le début de la crise des subprimes, chaque mois qui passe ébranle un peu plus le modèle économique développé depuis le début des années 1980. La régulation passe aussi par la réforme des fonds de pension.
Et en Europe ? Les fonds de pension sont très peu répandus sur le Vieux continent. En France, seuls les fonctionnaires et assimilés bénéficient de ce dispositif (Préfon). Les Français sont particulièrement méfiants vis-à-vis de la retraite par capitalisation, ayant encore le souvenir collectif de leur ruine au début du XXe siècle quand l’inflation avait laminé les rentes. Ils préfèrent les produits financiers réglementés de type Livret A et les contrats d’assurance-vie, surtout si ceux-ci sont uniquement en euros. Or, le pays a besoin d’épargne longue pour soutenir ses entreprises. Le gouvernement a dû créer récemment un Fonds stratégique d’investissement (FSI) dont l’une des missions est de protéger les entreprises françaises de certains secteurs jugés stratégiques des appétits d’intérêts étrangers. Les investisseurs étrangers détiennent plus de la moitié des actions des sociétés cotées à la Bourse de Paris. C’est le cas notamment des fonds de pension américains qui ont profité ces dernières années des bonnes performances des grands groupes français pour empocher des dividendes servant à financer les pensions de retraite aux Etats-Unis. La situation est donc paradoxale : les Français ne veulent pas de fonds de pension, qu’ils assimilent à tort à des fonds d’investissement spéculatifs, mais ils ne se rendent pas compte que leur travail profite aux adhérents des fonds de pension américains.
Des fonds de pension à la française sont donc souhaitables avec des garde-fous. Les cotisants doivent avoir le choix entre sortie en capital ou en rente. Ils doivent aussi pouvoir choisir une durée de cotisation à condition que celle-ci soit longue (plus longue que la durée de huit ans des contrats d’assurance-vie). En outre, les fonds de pension doivent concerner au minimum une branche professionnelle car on voit avec la crise actuelle la fragilité de fonds de pension exerçant dans une seule entreprise. Enfin, les fonds doivent avoir un comité de gestion réunissant des représentants des entreprises et des salariés. Si ces conditions sont respectées, les Français auraient tout à gagner à cotiser à des fonds de pension. Et l’économie française ne s’en portera que mieux.