Les investisseurs mènent une campagne acharnée depuis quelques semaines contre les banques françaises. La raison ?
Les investisseurs mènent une campagne acharnée depuis quelques semaines contre les banques françaises. La raison ? Ils jugent qu’elles seront contraintes de procéder à des augmentations de capital massives après la décision surprise du géant espagnol Santander de renforcer ses fonds propres de 7,2 milliards d’euros afin de porter son ratio de solvabilité “Core Tier One” à 7% contre 6,31%. Or, les ratios “Core Tier One” de BNP Paribas et de Société Générale sont respectivement de 5,7% et de 6,7%, le Crédit Agricole étant à 6,8%, Barclays à 6,7%, HSBC à 7,9%, Deutsche Bank à 7,7%, Unicredit à 6,5% et Crédit Suisse culminant à 10,5% (données publiées par La Tribune du 18/11).
Plusieurs établissements européens, en particulier en Grande-Bretagne et en Suisse, ont déjà levé du capital. Les banques françaises ont bénéficié globalement de 10,5 milliards d’euros de titres subordonnés de la part de l’Etat. Mais, pour les investisseurs, il ne s’agit pas de vrais fonds propres, ces obligations devant être remboursées.
Conséquence : entre le 7 novembre, juste avant l’annonce de Santander, et le 18 novembre, le cours de bourse BNP Paribas accuse une baisse de plus de 27% et Société Générale de 25% alors que la banque espagnole a perdu 28% sur la période. Prenons le cas de BNP Paribas. La direction de ce groupe est connue pour son extrême prudence. Contrairement à d’autres, elle n’a pas massivement misé sur les activités de banque de financement et d’investissement, préférant privilégier la banque de détail. Même prudence dans sa politique d’acquisition. Quand la Société Générale a été en difficulté en début d’année, après l’affaire Kerviel, elle a longuement hésité puis renoncé à lancer une offre d’achat. Plus récemment, comme le relèvent plusieurs analystes financiers, elle a attendu le dernier moment pour racheter les activités belges et luxembourgeoises de Fortis et obtenant que les autorités publiques prennent à leur charge certains engagements risqués. Bref, BNP Paribas a tout pour plaire aux marchés en ces temps troublés. Mais même ce groupe solide est pris dans la tourmente. Il a beau assurer que le niveau de ses fonds propres est suffisant pour continuer ses activités, rien n’y fait. Un bras de fer s’est donc engagé entre BNP Paribas et les marchés. Pour la plupart des observateurs, les marchés ont la main et la banque sera contrainte de composer en acceptant une augmentation de capital même si cette levée de fond n’atteindra sans doute pas les quelque 6 à 7 milliards d’euros évoqués par des investisseurs.
Quelle que soit l’issue de ce bras de fer, on constate que les acteurs des marchés conservent une puissance de feu considérable. Car BNP Paribas et Société Générale n’ont pas été les seules valeurs bancaires malmenées ces derniers jours. C’est tout le secteur qui a été pénalisé. Le marché a toujours raison ? En fait, dans les circonstances actuelles, le marché a peur. Depuis le début de la crise financière, les investisseurs sanctionnent toutes les valeurs qui présentent un risque potentiel. Bien entendu, les valeurs bancaires sont parmi les plus pénalisées. La faillite de Lehman Brothers, à la mi-septembre, est passée par là. Comme le dit un banquier, “depuis la chute de Lehman, plus aucune banque n’inspire vraiment confiance”.
La décision de plusieurs Etats, au premier rang desquels les Etats-Unis et le Royaume-Uni, d’entrer au capital des banques a renforcé l’idée que la crise était profonde et que les établissements financiers pouvaient faire faillite les uns après les autres. Les investisseurs ne reprendront confiance que lorsqu’ils auront la certitude qu’il n’y a plus de risque important de perte lié à des actifs toxiques. Combien de temps cela peut-il prendre ? Tout dépendra de la volonté des dirigeants des banques. D’ici là, ils risquent de perdre leur bras de fer face au marché.