Les dirigeants chinois sont pleins de sollicitude pour l’Union européenne depuis quelques mois et se permettent même de faire la leçon au Vieux continent.
Les dirigeants chinois sont pleins de sollicitude pour l’Union européenne depuis quelques mois et se permettent même de faire la leçon au Vieux continent. Le quotidien financier Financial Times vient de rapporter que la Chine s’était engagée à prendre de nouvelles initiatives pour soutenir la stabilisation financière.
La Chine pourrait aussi acheter des emprunts (on parle de 3 à 5 milliards d’euros) du Portugal, un pays qui a du mal à accéder aux marchés financiers. Elle avait déjà fait de même avec la Grèce.
Mais cette aide s’accompagne d’une mise en garde. La Chine veut que les Européens montrent leur capacité à maîtriser les problèmes de dette publique dans plusieurs pays de la zone euro.
« Nous sommes très préoccupés de savoir si la crise de la dette européenne peut être contrôlée », a dit le ministre chinois du Commerce, Chen Deming, lors d'une réunion, mardi 21 décembre, sur le commerce avec l'Union européenne. « Nous voulons voir si l'Union européenne est capable de contrôler les risques de la dette souveraine et si un consensus peut être traduit en acte réel pour permettre à l'Europe d'émerger de la crise financière rapidement et en bon état », a-t-il souligné.
Pour résumer, la Chine apporte donc une aide conditionnelle à l’Europe. Dans quel but ? La Chine sait que ses relations seront de plus en plus tendues avec les Etats-Unis où la classe politique semble déterminée à imposer des mesures visant à réduire le déficit commercial avec la Chine (299 milliards de dollars pour les 10 premiers mois de l’année). Ce n’est pas un hasard si le gouvernement chinois a indiqué mercredi 22 décembre qu’il souhaitait rééquilibrer sa balance commerciale en 2011 en augmentant ses importations.
En aidant l’Union européenne, la Chine cherche donc à sortir de son face-à-face commercial avec les Etats-Unis tout en stabilisant une zone importante pour elle. Elle enregistre un excédent commercial de 130 milliards de dollars avec l’UE sur les 11 premiers mois de 2010.
Mais cette sollicitude a deux autres objectifs
1) La Chine, qui détient environ 2.700 milliards de dollars de réserve de changes, cherche à investir une partie de cette somme dans des actifs physiques alors que les placements sur les marchés financiers connaissent des fluctuations brutales. En Europe, elle a déjà pris le contrôle d’une partie du port du Pirée en Grèce. Elle cherche désormais d’autres entreprises à acheter. Il s’agit d’un processus normal de montée en gamme : après avoir servi de sous-traitant pour les multinationales occidentales, la Chine veut toucher directement les clients occidentaux afin d’accroître les marges. Et pour y parvenir, le moyen le plus rapide est de prendre le contrôle de sociétés disposant déjà de solides parts de marché.
En se présentant comme l’amie de l’Europe, la Chine pense qu’elle sera mieux accueillie si elle veut prendre le contrôle d’une grande société. Que pourrait-on opposer à un pays qui nous a gentiment prêté de l’argent quand on en avait besoin ?
2) La Chine annonce clairement qu’elle souhaite acquérir des technologies. Le pays est aujourd’hui dans une logique de copiage. Elle exige des entreprises voulant s’implanter sur son territoire des transferts de technologie puis crée ses propres sociétés pour servir son marché domestique et pour conquérir les marchés internationaux. Les dirigeants politiques occidentaux ont longtemps cru qu’ils conserveraient une avance telle que cela ne posait aucun problème de fournir des secrets industriels à la Chine. Or, ce pays avance à une vitesse extraordinaire. Il est ainsi devenu un leader mondial dans les secteurs de l’énergie éolienne et du photovoltaïque.
Il lui manque encore certaines technologies, les Américains bloquant tout transfert de technologies duales, c’est-à-dire pouvant servir à des fins aussi bien civiles que militaires. Mais cela ne décourage pas les responsables chinois qui expliquent régulièrement que les Etats-Unis et l’Europe pourraient réduire leur déficit commercial avec la Chine s’ils acceptaient d’exporter des technologies.
L’effacement progressif de l’Europe
Le fait d’accepter l’aide financière de la Chine en faveur de certains de ses Etats membres signe un échec retentissant de l’Union européenne. Plus de deux ans après le déclenchement de la crise financière, l’UE n’est toujours pas en mesure de voler au secours d’un de ses membres sans l’aide du Fonds monétaire international (FMI) ou d’une puissance émergente comme la Chine. C’est très inquiétant : même si la zone euro ne risque pas d’exploser à ce stade, elle semble désormais sous influence extérieure. De quoi limiter ses marges de manœuvre et son rôle sur la scène internationale. En d’autres termes, l’Union européenne se limitera de plus en plus à une zone de libre échange et ses Etats-membres seront moins enclins à renforcer leurs liens, ce qui était pourtant au cœur de la construction européenne.
Si elle décide prochainement, comme c’est prévisible, de lever les interdictions de transfert de certaines technologies vers la Chine, l’Union européenne montrera qu’elle accepte son effacement progressif dans les affaires économiques du monde.