Les plans de sauvetage des banques se suivent depuis le début de la crise financière.
Les plans de sauvetage des banques se suivent depuis le début de la crise financière. Après avoir nationalisé Northern Rock et Bradford & Bingley, deux établissements spécialisés dans le crédit immobilier, l’Etat britannique vient de prendre le contrôle (à 57,9%) du géant Royal Bank of Scotland, dont l’augmentation de capital a été boudée par les investisseurs privés. Aux Etats-Unis, l’administration vient de sauver Citigroup après avoir volé au secours de Freddie Mac et Fannie Mae et d’avoir organiser la reprise de Merrill Lynch par Bank of America, de Bear Stearns par JP Morgan Chase. Sans oublier Wachovia, cinquième banque du pays, et l’assureur AIG. Pour quel résultat ? Les cours de bourse des banques demeurent en net recul depuis le début de l’année : entre -60% et -70% pour les principaux établissements occidentaux. Surtout, la confiance n’est pas revenue. Les banques ont toujours des difficultés à se prêter entre elles.
La raison en est simple : plus d’un an après le début de la crise financière, les investisseurs assurent ne pas savoir exactement quel est le montant des risques du secteur financier. Le Fonds monétaire international (FMI) estimait récemment que les pertes potentielles des groupes financiers étaient de 1.405 milliards de dollars et que les dépréciations n’avaient atteint que 580 milliards, les augmentations de capital totalisant 430 milliards. Selon Christophe Bernard, Chief Investment Officer du géant suisse de la gestion d’actifs Union Bancaire Privée, le FMI devrait revoir bientôt son estimation des pertes à 1.800 milliards de dollars. Les banques devront alors porter les dépréciations à 800 milliards et les levées d’argent frais à 800 milliards également. Qui est prêt à remettre de l’argent dans des banques aujourd’hui ? Les fonds souverains ont développé ces dernières semaines une forte aversion au risque du fait de la baisse du prix du pétrole qui pèse sur les rentrées de la plupart d’entre eux. Les gestionnaires de fonds préfèrent aujourd’hui garder un maximum de liquidités et les particuliers se montrent particulièrement prudents alors que la récession frappe quasiment tous les pays occidentaux. Dans ce contexte, les banques ne peuvent compter que sur leurs seules forces.
C’est la raison pour laquelle elles durcissent les conditions d’octroi de crédit aux entreprises comme aux particuliers. Ce faisant, elles risquent d’accentuer la récession qui pourrait alors se muer en dépression, selon plusieurs experts. Les dirigeants politiques s’en émeuvent. Le gouvernement français a nommé un “médiateur du crédit” pour vérifier que les banques continuent à prêter. Au Royaume-Uni, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mervyn King, a déclaré récemment que le maintien du crédit pour les entreprises, en particulier les PME, était la condition la plus importante pour pouvoir envisager une reprise économique. Si les mesures déjà prises par les pouvoirs publiques ne suffisent pas, il a lâché que les nationalisations ne pouvaient pas être exclues. Christophe Bernard va dans le même sens : “Les Etats ne vont pas tolérer que le chômage atteigne 13% ou 14%. Nous pensons donc qu’il pourrait y avoir une nationalisation du crédit”. C’est du reste cette perspective d’un retour en force de la puissance publique dans le secteur financier qui conduit les experts de l’UBP d’évaluer à un tiers le risque d’une dépression. Si on ne pouvait pas anticiper un rôle plus important de l’Etat, le risque serait, selon eux, de l’ordre de 50%.
Nationaliser les banques soulève toutefois plusieurs questions : faut-il prendre le contrôle de toutes les banques ou seulement les banques commerciales, combien pourrait coûter une telle opération, dans quel horizon s’inscrit-on, etc ? Dans un pays comme la France, la prise de contrôle de BNP Paribas, de Société Générale et de Crédit Agricole – pour ne citer que les groupes généralistes cotés – se traduirait par une facture de l’ordre de 75 milliards d’euros au cours actuels. Un montant à rapprocher du chiffre du déficit de l’Etat attendu pour 2008 (51,4 milliards d’euros) et pour 2009 (57,6 milliards). En Allemagne, où le Land de Bavière va prendre le contrôle de BayernLB, le rachat de Deutsche Bank et de Commerzbank coûteraient une vingtaine de milliards. Au Royaume-Uni, où près de 60 milliards d’euros ont déjà été mobilisés par l’Etat pour entrer au capital des banques, il faudrait plus d’une centaine de milliards de plus. Aux Etats-Unis, les montants seraient encore plus importants.
Les sommes en jeu sont colossales et les Etats devraient probablement solliciter les contribuables en augmentant les impôts. Mais des experts soulignent que plusieurs gouvernements pourraient être tentés car le coût d’une dépression économique est incalculable. En outre, compte tenu de la faiblesse actuelle des cours, il n’est exclu que cela se révèle une excellente opération pour les Etats qui contrairement aux autres agents économiques ont deux atouts essentiels : la durée et la capacité à lever l’impôt. Si la récession s’achève en 2010 et qu’il y a une reprise économique à partir de 2011, comme le supposent certains économistes, les bénéfices augmenteront de nouveau, ce qui fera monter les cours de bourse.