Pays émergents : fin de cycle

Le Brésil est en récession, la croissance en Chine ralentit, la Russie est confrontée à des difficultés financières, seule l’Inde connaît une petite embellie : 15 ans après l’apparition de l’acronyme BRIC, synonyme d’une nouvelle ère, les pays émergents ne sont plus aussi flamboyants. C’est la fin d’un cycle lourd de conséquences pour la croissance mondiale.
 
Ce coup d’arrêt intervient dans un contexte compliqué avec des risques divers : géopolitiques avec la crise ukrainienne, le conflit en Syrie et le terrorisme ; politico-économiques avec la Grèce dont la dette colossale suscite toujours des inquiétudes malgré un accord européen, l’absence de réformes dans des pays comme la France et l’Italie, ainsi que la montée d’un populisme anti-européen.
 
Il est certain que les BRIC en tant que bloc homogène n’existent plus. Quand Jim O’Neill, alors président de Goldman Sachs Asset Management, a associé ces quatre lettres en 2001, l’avenir s’annonçait radieux. La Chine était admise au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les échanges mondiaux s’envolaient.
 
Pendant une décennie, les pays émergents ont tiré la croissance mondiale. Mais cette évolution était déséquilibrée. Le développement de la Chine cachait les faiblesses des autres : le Brésil et la Russie tiraient leurs recettes essentiellement des matières premières, dont la Chine avait tant besoin, tandis que l’Inde se débattait dans ses lourdeurs bureaucratiques.
 
Si les BRIC n’existent plus, le basculement du monde de l’Atlantique nord vers le Pacifique a bel et bien eu lieu. Les pays baignés par le plus grand océan de la planète (Etats-Unis, Chine, Japon, Russie, Canada, Australie, etc.) représentent la moitié du PIB mondial. Dans cet ensemble, la Chine joue un rôle considérable.
 
Les inquiétudes sur l’économie chinoise en août, après une communication surprenante de Pékin sur la dévaluation du yuan, ont provoqué une panique mondiale et plusieurs places mondiales n’ont pas effacé leurs pertes. 
 
Pourtant, pour reprendre l’expression de Jean-Marie Mercadal, Directeur Général délégué d’OFI AM en charge des gestions, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’un krach « Made in China », en référence à la qualité supposée moindre des produits fabriqués dans l’Empire du Milieu. Un vrai faux krach en quelque sorte.
 
Car, à mesure qu’elle se développe (elle représente désormais 15% du PIB mondial), la Chine connaît un ralentissement, avec un taux de croissance qui est passé en quelques années de 10% à 7%. N’oublions pas qu’au début du XXIème siècle, la Chine représentait la moitié seulement du PIB de l’Allemagne et un quart de celui du Japon. En 2005, elle faisait son entrée dans le Top 5 mondial, dépassant la France et l’Italie. En 2009, elle prenait la place de numéro deux derrière les Etats-Unis. 
 
Selon les données d’Amundi, en termes réels, la devise chinoise s’est appréciée de 38% depuis août 2008 contre 13% pour le dollar tandis que l’euro est en baisse de 18%.
 
Philippe Brugère-Trélat, Vice-président exécutif de Franklin Mutual Series, dit rester « constructif » à l’égard de la transition chinoise, d’une économie bâtie sur les investissements et les exportations à une économie axée sur la consommation. « La croissance économique chinoise est probablement plus faible que ce que suggèrent les données officielles. De combien ? Difficile à dire. Mais, même si la croissance est autour de 5%, la Chine demeure un grand pays croissant à un rythme plutôt solide. »
 
Le concept de « Global Emerging » a volé en éclats. Pascal Blanqué, directeur des investissements d’Amundi, souligne qu’on ne sait pas encore quel sera le nouveau paradigme des pays émergents, confrontés à un processus d’ajustement des devises et qui doivent offrir une prime de risque obligataire et une prime de risque actions. « La question est : suis-je suffisamment rémunéré pour prendre ce risque ? »
 
Cette interrogation explique que les investisseurs se tiennent à l’écart des pays émergents. Si la Brésil ne fait plus rêver, tout le monde s’attend à ce que la Russie se redresse, surtout si les sanctions occidentales imposées après la crise ukrainienne sont levées. L’Inde poursuivra à son rythme chaotique. Tous les espoirs reposent donc sur la Chine car, après sept années d’expansion, il est probable que les Etats-Unis entrent dans une période de ralentissement. Reste à savoir que l’activité chinoise sera suffisante pour empêcher le monde de tomber en récession…