Pourquoi les impôts augmenteront

Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, apprécie plus que tout son rôle de gardien du temple monétaire.

Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, apprécie plus que tout son rôle de gardien du temple monétaire. Intervenant sur une radio française récemment, il a mis en garde contre l’accumulation de la dette publique, critiqué toute éventuelle augmentation des impôts pour y faire face et réaffirmé sa volonté de lutter contre l’inflation. Dans la situation que connaissent les pays européens, confrontés à leur plus grave récession économique depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, un tel discours peut paraître paradoxal.

La dérive des comptes publics s’explique en effet par la mise en oeuvre de plans de relance pour soutenir l’activité mais aussi par l’effondrement des recettes fiscales. Cette dette, il faudra bien la rembourser un jour. Les Etats concernés peuvent être tentés de se livrer à une sorte de cavalerie mais cela aura deux conséquences : les taux d’intérêt risquent de monter en flèche face à la crainte d’une faillite étatique et, surtout, ce serait condamner les générations futures.

Pour réduire la dette, personne ne peut compter sur la seule reprise économique. Cela ne suffira pas. Il n’y a que deux solutions : les impôts et l’inflation. Dans un pays comme la France, augmenter encore la pression fiscale serait difficile mais c’est tout à fait envisageable, ne serait-ce que pour une période limitée. Il reste l’inflation, qui permettrait d’atténuer l’impact douloureux des remboursements. Evidemment, cela pénaliserait les créanciers. Mais des économistes jugent que les rentiers ont particulièrement bien profité de l’envolée des actifs financiers et immobiliers au cours du dernier cycle d’expansion économique et qu’ils pourraient subir une érosion de leurs avoirs sans que cela entame sérieusement leur patrimoine.

Le problème c’est que l’inflation est à un niveau historiquement bas et qu’on ne voit pas comment elle pourrait repartir brutalement dans les prochaines années. Les multiples fermetures d’usines et suppressions d’emplois enlèvent toute pression salariale. Les entreprises sont contraintes actuellement d’écouler des stocks avec une décote. Bref, nous sommes plus proches de la déflation que de l’inflation. Toutefois, certains n’excluent pas le retour de l’inflation du fait des dépenses publiques massives engagées depuis quelques mois. La masse monétaire, pour reprendre un terme utilisé par les économistes, atteint des proportions énormes. Et chacun sait que quand on fait fonctionner la planche à billets, cela finit toujours par l’inflation. Traumatisée par l’hyper-inflation des années 1920 et 1930, l’Allemagne le comprend mieux que quiconque et ce n’est pas un hasard si la chancelière Angela Merkel est hostile à des plans de relance massifs. Et ce n’est pas un hasard non plus si Jean-Claude Trichet lance des mises en garde préventives sur le sujet.

Dans ce contexte, quelle solution ? Le président de la BCE évoque régulièrement des réformes de structure. Il s’agit du terme consacré pour signifier économies. A titre d’exemple, l’Etat français dépense depuis plus de 30 ans systématiquement plus que ce qu’il reçoit comme recettes. D’où les déficits publics et l’accumulation de la dette. Tout le monde sait à peu ce qu’il faut faire : restructurer en profondeur l’appareil administratif afin qu’il coûte moins cher. L’effort doit être partagé par tous, du sommet à la base. Ainsi, un gouvernement réduit à 15 ministères peut très bien fonctionner comme le montrent les Espagnols. Ainsi, le fait de prélever l’impôt sur le revenu à la source – en transférant le coût de la collecte aux entreprises – permettrait réduire les effectifs de la direction des impôts. Les exemples sont multiples.

Reste à savoir si dans les circonstances actuelles une réduction du nombre des actifs dans la fonction publique ne pèserait pas sur la consommation et ne dégraderait pas davantage la situation économique. En outre, si les réformes de structure sont indispensables, elles ne feront sentir leurs effets qu’à moyen terme.

De fait, il n’y a qu’une solution à court terme pour essayer de rétablir les finances publiques : une augmentation sensible des impôts qui pèsent sur les entreprises et sur les particuliers. C’est difficile à assumer politiquement mais les pays qui ont laissé filer les déficits n’ont tout simplement pas le choix.