Two Dip or not Two Dip ?

La croissance de l’économie américaine a accéléré au troisième trimestre avec un taux annualisé de 2% après 1,7% au deuxième tri

La croissance de l’économie américaine a accéléré au troisième trimestre avec un taux annualisé de 2% après 1,7% au deuxième trimestre. Peut-on dire pour autant que les Etats-Unis sont sortis d’affaire et qu’ils vont reprendre leur rôle de locomotive de l’économie mondiale ? Pour nombre d’experts – économistes et investisseurs – il est encore trop tôt pour l’assurer. Si la consommation des ménages semble repartir, l’investissement et le commerce extérieur suscite toujours des inquiétudes. Et certains redoutent une nouvelle récession alors que celle qui a débuté en décembre 2007 a pris fin en juin 2009.

Sur les marchés financiers, la question est toujours : « Two Dip or not Two Dip », selon la formule d’Ali Ould Rouis, président de Robeco Gestions.

Cette crainte explique par exemple pourquoi les places boursières restent prudentes : les entreprises sont très peu valorisées alors qu’elles ne cessent d’améliorer leurs résultats financiers. « Depuis cinq trimestres, les sociétés sont en bonne santé », souligne Philippe Brugere-Trelat, gérant chez Franklin Templeton Investments, qui dit ne pas croire au « Douple Dip ».

On assiste à ce paradoxe : le rendement des dividendes est supérieur à celui des obligations d’Etat. Il est ainsi de plus de 7% pour plusieurs entreprises des secteurs des télécoms ou des services aux collectivités alors que les obligations allemandes et françaises à 10 ans offrent moins de 3%. En dépit de cet écart, il n’y a « pas d’acheteurs finaux », se plaignent les spécialistes.

Mais est-ce si surprenant ? Si les entreprises ont amélioré leurs résultats, elles le doivent à leurs efforts de restructuration et à la bonne santé des pays émergents, qui sont toujours en croissance. La demande interne aux Etats-Unis comme en Europe demeure faible, de laisser augurer une période de croissance molle.

Les plus pessimistes pensent que le « Double Dip » est certain. Plusieurs experts jugent même que les Etats-Unis sont probablement déjà en récession et que l’Europe risque de suivre dans les prochains mois. Il faut dire qu’outre-Atlantique, le chômage reste autour de 10% de la population active et que le modèle américain, basé sur la mobilité des travailleurs, est bloqué.

Comme l’explique Andreas Höfert, chef économiste chez UBS, jusqu’ici un Américain qui perdait son emploi pouvait envisager d’aller dans un autre Etat. Il pouvait vendre son logement et partir s’installer ailleurs. Aujourd’hui, le marché immobilier est bloqué : les prix continuent de baisser et le nombre de transactions reste à un niveau modeste. Du coup, toute transaction est impossible pour des millions d’Américains voulant bouger pour retrouver un emploi.

En Europe, l’activité économique ne repart pas franchement, ce qui ne permet pas de lutter contre le chômage. Le pays qui s’en sort le mieux est l’Allemagne, dont le modèle repose sur les exportations. Les autres souffrent d’autant plus qu’il faut dans le même temps assainir des finances publiques fortement dégradées depuis le début de la crise financière.

Une nouvelle récession semble donc inéluctable. C’est la raison pour laquelle la Réserve fédérale envisage aux Etats-Unis un nouveau programme d’assouplissement monétaire qui consisterait à injecter de l’argent massivement dans le système. En Europe, la Banque centrale européenne (BCE) est soumise à des tensions internes sur la question du rachat des obligations d’Etat. Dans ces conditions, on la voit mal proposer de faire tourner la planche aux billets.

Alors « Two Dip or not Two Dip » ? Objectivement, tout est réuni pour une nouvelle récession de part et d’autre de l’Atlantique. Mais on peut aussi avoir une situation à la japonaise : une croissance molle avec en toile de fond la crainte de la déflation. Les pays occidentaux peuvent continuer à profiter de la croissance des pays émergents mais cette période doit être mise à profit pour des réformes structurelles car les pays émergents auront fini d’émerger un jour.