Un monde post-américain ?

La question est de nouveau à la mode : quand prendra fin la domination politique, économique, technologique et militaire des Etats-Unis ?

La question est de nouveau à la mode : quand prendra fin la domination politique, économique, technologique et militaire des Etats-Unis ? On pourrait mettre un terme au débat naissant en rappelant que dans les années 1980, tout le monde pariait sur le déclin inexorable de la superpuissance américaine face à un Japon que rien alors ne semblait pouvoir arrêter. Depuis, le Japon a sombré dans une crise économique dont on ne voit toujours pas la fin. Entre temps, l’Union soviétique s’est effondré, laissant un espace politique considérable aux Américains au point que certains ont pu prédire « la fin de l’histoire. »

Les nouvelles interrogations sur le déclin des Etats-Unis sont liées à l’émergence de la Chine, devenue deuxième puissance économique de la planète. De nombreux experts prédisent que l’Empire du Milieu va supplanter l’Empire américain.

Est-ce si sûr ? A l’occasion de la sortie du dernier numéro de Ramses, son rapport annuel sur les questions géopolitiques et économiques, l’Institut français des relations internationales (IFRI) aborde la question : « un monde post-américain ? » Mais le directeur général de l’IFRI, Thierry de Montbrial livre une analyse nuancée. Il souligne que les Etats-Unis sont dans une situation économique difficile, qu’ils sont enlisés en Irak et en Afghanistan, et qu’ils ont peu de marge de manœuvre pour résoudre le conflit israélo-palestinien. De ce point de vue, estime-t-il, « l’expression de super-puissance n’a plus grand sens ».

Si les Etats-Unis ont des difficultés, on ne voit toutefois pas qui pourrait les concurrencer sérieusement. La Chine, pour reprendre la formule de Thierry de Montbrial, est « une puissance escomptée ». Qui sait ce que sera ce pays dans 10 ou 20 ans ? Il est évident que de nouvelles puissances émergent (Chine, Inde, Brésil essentiellement) mais si elles pèsent de plus en plus sur le plan économique, aucune d’elle ne peut rivaliser avec les Etats-Unis à échéance prévisible.

Prenons le cas de la Chine. Son Produit intérieur brut (PIB) ne représente pour l’heure qu’entre un quart et un tiers de celui des Etats-Unis. En dépit des investissements colossaux, ce pays manque encore d’infrastructures. Enfin, la demande intérieure demeure faible pour cette puissance essentiellement exportatrice. Elle s’impose sur les marchés internationaux uniquement parce qu’elle propose des prix inférieurs à ceux des concurrents occidentaux. Aucune rupture technologique (de type ordinateur personnel ou réseau Internet) n’est encore venue de Chine. Les Etats-Unis sont l’épicentre de l’innovation technologique et des dizaines de milliers de jeunes diplômés de toute la planète s’installent dans ce pays pour travailler sur des projets novateurs.

Surtout, la Chine, qui est toujours une dictature, peut-elle être un modèle ? L’Empire du Milieu inspire la peur chez ses voisins (Japon, Inde notamment) et il ne semble pas en mesure de proposer un mode de vie pouvant concurrencer l’ « American Way of Life ». Car si les Etats-Unis restent une grande puissance, c’est en grande partie à son « soft power » : le monde entier regarde des films américains, écoute des artistes américains, etc.

Tout empire périra mais à échéance de quelques décennies, et sauf catastrophe exceptionnelle, on ne voit pas quand prendra fin le monde américain.