Coup de frein à la croissance

par Werner Perdrizet, économiste au Crédit Agricole

Après des rythmes de progression très faibles au second semestre 2011, la croissance pourrait se redresser courant 2012. Cette reprise serait néanmoins lente et progressive, du fait des perspectives économiques mondiales revues à la baisse et des mesures de resserrement budgétaires qui vont probablement alimenter les craintes des agents et les comportements attentistes. L’activité économique progresserait de 1,6% en 2011 et de seulement 1,3% en 2012.

Au deuxième trimestre, le ralentissement de l’activité française a été plus prononcé qu’anticipé, puisque le PIB s’est stabilisé en volume. Cette stagnation s’explique principalement par un net recul de la consommation privée à -0,7% t/t, dû notamment à la fin des effets de la prime à la casse. De plus, la contribution des variations de stocks à la croissance a été nulle (après +0,8 point au premier trimestre). Malgré la stabilité des exportations, le commerce extérieur a contribué positivement à la croissance, suite au fort recul des importations. L’investissement a également soutenu l’activité et limité la contribution négative de la demande intérieure.

Au second semestre, la croissance restera très modérée (+0,2% en moyenne par trimestre avec un biais haussier au troisième trimestre et baissier au quatrième). Les enquêtes confirment ce ralentissement de l’activité conjoncturelle, avec une dégradation sensible du climat des affaires dans l’industrie manufacturière. La consommation privée se redresserait légèrement. Les achats de voitures neuves ont augmenté de 2,6% au troisième trimestre par rapport au deuxième trimestre, après une chute de 16% au deuxième trimestre (t/t). La consommation des ménages en biens progresse de 0,5% en juillet-août, par rapport au deuxième trimestre.

Malgré la hausse de la masse salariale d’environ 3,4% en 2011, l’inflation (prévue à 2,1% en moyenne en 2011) va continuer de peser -s1ur le pouvoir d’achat des ménages. Les récentes mesures d’assainissement budgétaire associées à un niveau très élevé du chômage (attendu à 9,1% en 2011, après 9,4% en 2010) pourraient alimenter des comportements de précaution et maintenir le taux d’épargne des ménages à un niveau élevé.

Certaines de ces mesures, dont notamment la possibilité maintenant limitée pour les entreprises bénéficiaires de reporter leurs déficits, affecteront l’investissement. Des perspectives de débouchés intérieurs en demi-teinte, les craintes sur la croissance mondiale, les récentes tensions financières et une profitabilité dégradée devraient favoriser des comportements attentistes de la part des entrepreneurs qui vont freiner sensiblement leurs dépenses. Une demande mondiale revue à la baisse associée au niveau élevé de l’euro ralentirait, par ailleurs, le volume des exportations. La contraction des importations consécutive au ralentissement de la demande intérieure devrait permettre de limiter la contribution négative du commerce extérieur.

Ce freinage marqué de l’activité devrait se poursuivre au début d’année 2012, suivi par un redressement très graduel. Le pouvoir d’achat des ménages s’améliorera en raison du net ralentissement prévisible de l’inflation. Ceci devrait soutenir la consommation privée, malgré les mesures d’assainissement des finances publiques (les réductions de niches fiscales, les probables mesures supplémentaires et la décélération annoncée des dépenses de santé) et le maintien à un niveau élevé du chômage (stable à 9,2%). En revanche, l’investissement résidentiel fléchirait (prix très élevés, remontée des taux de crédit, alourdissement de la fiscalité).

Les entreprises devraient connaître une légère amélioration de leur situation financière, portée notamment par le tassement des coûts intermédiaires (conséquence de la réduction des prix des matières premières), la politique accommodante de la BCE et la poursuite du rebond de la productivité. Les entreprises vont continuer à s’efforcer de restaurer leur taux de marge qui reste encore en deçà de leur niveau d’avant 2008. Le manque de visibilité sur l’environnement économique et financier mondial et la détérioration des perspectives de débouchés, seront en revanche synonymes de prudence. Au total, les entreprises vont peu investir et ce malgré les besoins de renouvellement et de modernisation de leurs équipements. Le mouvement de restockage très net observé au premier semestre 2011 serait également réduit et cela dès le début 2012, d’où une contribution négative des variations de stocks à la croissance en 2012. Le commerce extérieur pourrait bénéficier un peu de la dépréciation anticipée de l’euro, mais devrait souffrir d’une demande mondiale affaiblie avec au final une légère contribution positive à la croissance (attendue à 0,2 point en 2012).

Les incertitudes sur les perspectives économiques mondiales et le redressement des finances publiques devraient déboucher sur des rythmes de croissance trimestrielle modérés (de 0,3 à 0,4% en moyenne par trimestre). La croissance française devrait ralentir en moyenne annuelle, avec une progression du PIB de seulement 1,3% en 2012. Ces prévisions sont assorties d’un risque baissier important.

La gestion de la crise de la dette souveraine européenne jouera un rôle majeur dans les perspectives de croissance française et européenne. Une réponse crédible et convaincante devrait permettre de stabiliser les anticipations de marchés et restaurer un climat de confiance. La conjoncture américaine est aussi à risque.

Le plan de relance d’Obama proposé en septembre devrait permettre un redressement graduel de l’économie, mais le fort partisanisme, avec une frange dure républicaine hostile à toute nouvelle relance budgétaire, rend sa mise en œuvre incertaine. Enfin, les enquêtes les plus récentes (octobre)suggèrent un ralentissement de la croissance fin 2011.

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