Crise de la zone euro : où en est-on ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Deux ans et demi après son commencement, la crise des dettes souveraines de la zone euro continue d’être l’une des principales sources de préoccupation et d’incertitude pesant sur les perspectives économiques et financières mondiales1. Nous l’avons bien vu récemment, le problème grec n’est toujours pas réglé avec la décision de la Troïka de repousser la tranche d’aide2, la résolution du cas espagnol est également entourée de nombreuses incertitudes (demande d’aide ou non, recapitalisation directe des banques ou non, modalités de la « bad bank »), Chypre est dans une situation très compliquée3.

Tous ces éléments ont ravivé les interrogations des investisseurs quant à l’issue de la crise de la zone euro et ont donc conduit à une remontée de l’aversion pour le risque et à un nouvel écartement des primes de risque payés par les pays périphériques.

Pourtant depuis deux ans, les avancées ont été nombreuses pour tenter de stabiliser l’environnement financier de la zone euro permettant une réduction du risque bancaire et souverain. Il faut toutefois noter que cela n’a pas permis jusqu’à présent d’arrêter le mouvement de désintégration financière visible depuis le début de la crise.

  • La mise en place de Facilité Européenne de Stabilité Financière (FESF) et du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) avec des capacités d’intervention de respectivement 440Md$ et 500Md$ et des possibilités d’intervention assez larges (recapitalisation du secteur bancaire en direct pour le MES – lorsque la BCE sera le superviseur unique européen-, achats de titres souverains sur le primaire ou secondaire). Ainsi, plusieurs pays ont été financés par le FMI/zone euro pour bénéficier de conditions plus favorables (plans de sauvetage successifs).
  • Les décisions de la Banque Centrale Européenne d’aider les banques via des allocations de liquidité à 3 ans et d’intervenir pour faire baisser les taux des pays périphériques qui en font la demande (avec pour objectif officiel de rétablir les canaux de transmission de la politique monétaire) en achetant des titres souverains sur le marché primaire (Outright Monetary Transactions). Même si ces opérations seraient stérilisées, elles s’apparentent à une certaine monétisation de la dette publique qui est d’ailleurs largement rejetée par les allemands.
  • La mise en place d’une union bancaire reposant sur quatre grands piliers : une réglementation commune, un superviseur unique (la BCE), des systèmes de garantie des dépôts et de liquidation communs et non plus des systèmes nationaux. Le timing de sa mise en place et les modalités ne sont pas encore complètement déterminés mais à ce stade, le projet ne nous semble pas aller suffisamment loin dans la mutualisation des risques (chaque pays gère les difficultés de son secteur bancaire, l’Europe intervient en dernier recours)4.
  • Renforcement du système bancaire européen via une hausse des ratios de liquidités, la mise en place de plan de restructuration bancaire et l’assainissement de certains marchés via la création de « bad banks » (Espagne).

Si le risque financier a sensiblement baissé depuis un an, les risques portant sur la croissance sont encore importants.

Le traitement de la crise, cette dernière s’apparentant à une crise de balance des paiements, a consisté à réduire les déficits publics et courants des pays en difficulté. La réduction des déséquilibres est bien avancée dans un certain nombre de pays, l’Espagne revenant quasiment à l’équilibre de ses comptes courants mi-2012 contre un déficit de 10pts de PIB en 2008, mais la contrepartie est la chute de la croissance. Cette stratégie, qui trouve sa limite dans la capacité des économies à supporter une baisse de la demande intérieure et à accepter une forte augmentation de leur taux de chômage, commence à être remise en cause par les institutions internationale (FMI) et européennes. Sans abandonner l’objectif de consolidation budgétaire à moyen terme, l’idée est de donner plus de temps aux économies pour opérer leur ajustement de façon à le rendre moins douloureux.

Ce changement de stratégie que nous défendons depuis déjà longtemps serait un premier pas pour atténuer le risque économique en zone euro. Pour autant, cela ne sera pas suffisant, l’amélioration de la croissance potentielle des pays restant une condition indispensable.

Sur les trois issues possibles à la crise (éclatement, fédéralisme, ajustements des pays en difficulté), si le chemin reste celui de l’ajustement de chacun des pays pour restaurer sa solvabilité extérieure avec une dose minimale de fédéralisme, la croissance de la zone euro risque de rester faible pendant encore assez longtemps malgré la baisse des risques financiers.

NOTES

  1. On peut également mentionner le « fiscal cliff » américain ;
  2. Cf. ci-après « Eurogroupe du 12 novembre : vers un second tour de négociations »;
  3. Cf. Flash n°2012- 768 « Retour sur la crise chypriote » ;
  4. Cf. Flash n°2012-604 « Union bancaire européenne : une union non consommée »

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