par Ariel Bezalel, Directeur de la stratégie obligataire de Jupiter AM
L’année dernière fut marquée par un enthousiasme autour de ce qui semble être une croissance mondiale synchronisée. Cette année a commencé sur le même ton, mais les données de l’économie mondiale se sont rapidement détériorées. Les marchés sont aussi devenus de plus en plus sensibles aux évolutions politiques, que ce soit concernant les limites auxquelles le Président Donald Trump compte mener sa guerre commerciale, les menaces contre la coalition d'Angela Merkel en Allemagne, les futures relations commerciales du Royaume-Uni avec l'UE ou l'émergence du premier gouvernement populiste d'Europe occidentale en Italie. Le krach des crypto monnaies en février, la faiblesse généralisée des marchés émergents, et la vente massive des actifs italiens, tous illustrent l’importante nervosité des marchés cette année.
A mon avis, la hausse de la volatilité est entrainée par la baisse de liquidité, à un moment où il y a de nombreux signes qui nous indiquent que les Etats-Unis sont à un stade avancé de leur cycle économique. Le resserrement de la politique monétaire de la Fed, l’assouplissement quantitatif réduit par la BCE, l’augmentation des taux du LIBOR, et le déclin de la croissance des réserves monétaires commencent aujourd’hui à peser sur l’économie mondiale.
Bien que le programme de resserrement quantitatif de le Fed ait été glacial jusqu’à présent, ils prévoient d’intensifier le rythme sur le second semestre de cette année, encouragés par une croissance américaine solide et les inquiétudes sur une accumulation de pressions inflationnistes. Au troisième trimestre, la Fed essaiera de réduire son bilan de 40 milliards de dollars par mois puis de 50 milliards par mois au quatrième trimestre – ce qui représente presque 3 mille milliards de resserrement quantitatif sur toute l’année 2018. Je pense que ceci, en plus de nouvelles hausses des taux d’intérêt, sera trop important pour être supporté par le marché. Le marché prévoit deux autres hausses des taux d’intérêts cette année et trois autres en 2019. Mais je pense que la Fed sera en difficulté au-delà de ces deux années, car le resserrement de la politique monétaire peut simplement induire une volatilité trop importante sur les marchés financiers et en retour avoir un effet négatif sur la croissance mondiale.
Ceci sans même mentionner la guerre commerciale grandissante menée par les Etats-Unis, que le FMI a récemment identifié comme un risque clé pour la croissance mondiale et le prix des actifs. En effet, la croissance mondiale à été beaucoup plus mitigée qu’en 2017. Beaucoup d’économies asiatiques ont ralenti, à la suite du resserrement de la politique chinoise. C’est ce qui a entrainé une baisse du renminbi, un cours faible du prix du cuivre et du fer, et semble avoir eu un effet négatif sur la croissance européenne. Par exemple, les exportations allemandes sont corrélées à la dynamique du crédit en Chine et mois après mois le carnet de commandes des usines allemandes se sont contractés sur quatre mois d’affilés cette année.
Le marché haussier est loin d’être fini
Pour toutes ces raisons, je pense que le marché haussier du Bon du Trésor américain est loin d’être fini. La courbe des rendements américains est la plus plate depuis 2007, et des parties de la courbe des swaps du Trésor américain se sont maintenant inversées. De plus, les forts niveaux de dette mondiale, le vieillissement de la population et les nouvelles technologies se combinent à une croissance faible, un environnement d’investissement à faible inflation. En tant qu'investisseur en obligations flexibles au niveau mondial, je pense qu'une approche conservatrice, incluant une exposition aux Bons du Trésor américain à moyen et à long terme et une approche très sélective de l'investissement au capital des entreprises, est une façon judicieuse d'investir dans l'environnement actuel. Dans un marché que nous croyons vulnérable à des chocs imprévus, la prudence demeure notre mot d'ordre.