par Esty Dwek, Responsable de la stratégie de marché chez Natixis IM Solutions
L'année a commencé là où 2019 s'était arrêtée, avec une amélioration continue de la croissance et des marchés porteurs. Les actions ont ignoré les gros titres lorsque les États-Unis ont tué un général iranien avec un drone et elles ont jusqu'à présent montré une certaine résistance à l’épidémie du coronavirus. Toutefois, la volatilité a augmenté et elle restera élevée pendant un certain temps. En effet, pour l'instant, il est impossible de connaître l'ampleur du virus ou son impact économique, au-delà d'une forte incidence sur les données du premier trimestre, en particulier en Chine. Pour l'instant, nous pensons que le contexte mondial reste favorable (une fois l'épidémie contenue) et nous maintenons nos perspectives constructives à long terme, même si nous avons réduit le risque.
Plusieurs facteurs expliquent cette vue. Selon nous, le facteur de soutien le plus important demeure l’amélioration des relations commerciales entre les États-Unis et la Chine. La « phase 1 » de l’accord s’est révélée être plus large que prévu et des négociations en vue d’une « phase 2 » sont attendues, laissant ainsi entrevoir un risque bien moindre d’une nouvelle intensification. Cela rassure les investisseurs quant au fait que le commerce mondial a atteint le creux de la vague à la fin 2019 et devrait enregistrer un rebond au cours des prochains trimestres – bien que l'impact de l'épidémie sur le commerce mondial soit encore inconnu.
Les données économiques ont continué d’indiquer un rebondissement modéré de l’activité, bien que l’épidémie pourrait freiner l’élan. Jusqu’à présent, l’économie mondiale semblait avoir atteint un point d’inflexion, même si les données restent quelque peu contrastées, ce qui n’est pas surprenant dans la mesure où nous ne prévoyons qu’une embellie modérée. L’économie américaine devrait continuer de profiter d’une croissance soutenue par des consommateurs résistants, un marché du travail vigoureux et un rebond du marché immobilier grâce aux baisses de taux de la Réserve fédérale. L’Europe devrait bénéficier de la trêve commerciale, bien qu’un différend commercial avec les États-Unis ne puisse être exclu. Nous nous attendons à un impact important sur les données chinoises au 1er trimestre en raison du coronavirus, mais au-delà, nous prévoyons une reprise au sein des segments plus cycliques. Toutefois, le ralentissement structurel actuel sous-entend que la croissance n’accélérera pas, même sans les effets de l’épidémie.
Enfin, des liquidités abondantes et à durée indéterminée et des banques centrales accommodantes restent un soutien majeur. Les principales banques centrales ont déjà annoncé qu’elles demeureraient accommodantes, très probablement « on hold » – sauf détérioration importante, ce qui inciterait alors à une baisse des taux, déjà une possibilité pour la Banque d’Angleterre étant donné la fragilité de l’économie britannique.
Dans ce contexte, les marchés actions devraient continuer de bien se comporter et nous conservons notre surpondération par rapport aux obligations, bien que nous ayons réduit notre allocation en prévision de volatilité à court terme. Les valorisations ne sont pas bon marché, mais elles restent comparativement moins chères que celles des obligations.
Les rendements souverains ont fortement baissé, mais nous pensons qu’ils renoueront graduellement avec leur tendance haussière. En effet, la croissance ne devrait pas être exceptionnelle et des risques subsistent : les discussions commerciales (China/États- Unis, Royaume-Uni/Europe, États-Unis/Europe) et l’élection présidentielle aux États-Unis. Ce faisant, nous pensons que les rendements vont rester plafonnés, mais à des niveaux plus élevés qu’à l’heure actuelle.
Actions
Les marchés actions ont plutôt bien résisté à l’actualité de janvier, même si la propagation du coronavirus a fini par avoir un impact sur les performances en fin de mois. Nous pensons que l’environnement mondial demeure positif compte tenu des améliorations sur le front du commerce entre les États-Unis et la Chine, ainsi que du soutien continu des banques centrales. Nous avons tout de même réduit nos allocations en prévision d’une augmentation de la volatilité au cours des prochaines semaines.
Si la saison des bénéfices au 4ème trimestre témoigne de résultats mitigés, les investisseurs ont toutefois déjà tourné leur attention vers les bénéfices de 2020, une année durant laquelle la croissance devrait revenir. Nous pensons que la croissance américaine peut excéder les attentes, ce qui devrait soutenir ces anticipations. Compte tenu du niveau élevé des valorisations, nous pensons qu’une croissance satisfaisante des bénéfices sera nécessaire à une nouvelle appréciation des marchés. En effet, si les multiples peuvent encore s’accroître, des valorisations relativement élevées pourraient finir par agir comme un plafond sur les performances.
Nous maintenons pour le moment notre surpondération des actifs européens. Mais, à moyen terme, nous pensons que le niveau plus élevé de la croissance et des bénéfices aux États-Unis soutiendra les marchés outre-Atlantique. Les marchés émergents devraient continuer de bénéficier de l’amélioration de l’environnement commercial, mais pourraient se révéler plus vulnérables aux inquiétudes liées au coronavirus.
Obligations
Nous nous attendons à voir les rendements souverains à nouveau s’orienter à la hausse une fois que les craintes liées au virus de Wuhan se seront dissipées, même si cela pourrait prendre un certain temps. En effet, les rendements s’étaient déjà stabilisés à des niveaux inférieurs avant l’épidémie. Les prévisions de croissance se sont améliorées, mais elles demeurent plutôt modestes, et les anticipations d’inflation n’ont que légèrement augmenté, ce qui implique que les rendements vont probablement être plafonnés.
Nous conservons notre préférence pour le crédit par rapport à la dette souveraine qui demeure surévaluée. Après avoir baissé de 20 points de base, le rendement à 10 ans américain s’établit actuellement aux alentours de 1,62 %, tandis que celui du Bund allemand à 10 ans demeure négatif à environ -0,37 %. Les spreads de crédit ont fait preuve d’une certaine résistance, même si les spreads du high yield aux États-Unis se sont davantage élargis sous l’effet de la baisse du prix du pétrole. Au cours des prochains mois, nous pensons que le crédit IG va mieux se comporter que le segment HY dans la mesure où le cycle est déjà bien avancé et que les inquiétudes entourant la croissance ne disparaîtront probablement pas à court terme ; nous n’identifions toutefois pas de risque systémique pour les titres moins bien notés pour l’instant.
Malgré quelques événements spécifiques, les spreads sur la dette émergente ont bien résisté. Nous maintenons notre préférence pour les obligations d’entreprises émergentes en devise forte qui offrent un portage attractif assorti d’une volatilité réduite, comme en a témoigné la résistance des spreads.
Devises
Les récents événements ont conduit à un rebond du dollar, mais nous pensons qu’il devrait rester contenu à mesure que l’appétit pour le risque reprend. L’euro a souffert, tout comme la livre sterling qui a pâti des anticipations d’une baisse des taux d’intérêt par la Banque d’Angleterre. Selon nous, les deux devises peuvent se redresser, mais nous nous attendons à ce qu’elles évoluent peu dans la mesure où nous pensons que le niveau plus élevé de la croissance et des taux d’intérêt outre- Atlantique devrait continuer d’offrir un soutien au billet vert. Les devises émergentes continuent d’offrir un portage intéressant, lequel va toutefois de pair avec une volatilité plus élevée et des risques idiosyncratiques.
Matières premières
Le prix du pétrole s’est effondré sous l’effet des craintes liées à l’impact sur la croissance chinoise et mondiale – ainsi que sur le tourisme – de l’épidémie de Wuhan. Les tensions au Moyen-Orient ont été reléguées au second rang, mais le prix de l’or noir devrait se redresser à mesure que les inquiétudes s’atténuent. Toutefois, le volume de l’offre à moyen terme va probablement rester élevé en raison de la production de pétrole de schiste, et donc plafonner les prix.
L’or a été l’un des principaux bénéficiaires de la récente volatilité et de la baisse des rendements. Nous n’entrevoyons pas beaucoup de potentiel d’appréciation à l’avenir, mais nous reconnaissons que la dynamique est actuellement favorable.
Stratégies alternatives
Les investissements alternatifs, et notamment les plus liquides d’entre eux, ont toujours leur place dans les portefeuilles, car ils offrent des stratégies de décorrélation et de diversification complémentaires aux classes d’actifs traditionnelles. Selon nous, les actifs réels peuvent également constituer une source de revenu dans un environnement de rendements faibles.