« Don’t fight the BCE ? »

par Jean-Marie Mercadal, Directeur Général Adjoint en charge des gestions chez OFI AM

Ce célèbre adage boursier s’applique traditionnellement à la Réserve fédérale américaine. Mais les temps semblent changer : sous l’impulsion de son nouveau président, La BCE devient moins orthodoxe… et les bourses se redressent. Alors, simple rattrapage ou début d’une nouvelle phase plus positive ?

La BCE a décidé, en décembre, de prêter aux banques européennes à 3 ans au taux fixe très faible de 1 % pour des « montants illimités ». la seule contrainte évoquée serait le risque d’inflation, jugé très faible.

Les banques de la zone se sont donc présentées naturellement pour environ 500 Mds€ jusqu’à présent (en comparaison, la capitalisation boursière des banques européennes s’élève actuellement à près de 256 Mds€).

Depuis que ce mécanisme a été adopté, le « stress » des marchés a nettement baissé. Le risque systémique craint par la planète financière de voir l’euro exploser et des banques de la zone faire faillite s’est éloigné un peu plus… le début d’année boursier est donc bon : les actions européennes et américaines progressent de près de 5 %, avec + 11 % pour le secteur financier européen. Les actions émergentes s’inscrivent en hausse de près de 10 %, les obligations « High Yield » européennes de près de 6 %, les convertibles de 3 %… de même, les « spreads obligataires gouvernementaux » entre les pays du « sud » et l’Allemagne se sont resserrés, même pour la France en dépit de la perte du triple A largement médiatisé.

Statistiquement depuis 1953, l’indice S&P 500 a progressé de plus de 4 % en janvier à 9 reprises. Une seule fois, l’indice a fini l’année en repli, en 1987. Sinon, dans tous les autres cas, l’indice a clôturé l’année en progression de 11 à 45 %…. Encourageant.

Alors simple rattrapage ou retournement haussier majeur ?

L’action de la BCE a apporté des acheteurs de dettes là où il n’y en avait plus, ce qui a créé un nouvel équilibre offre/demande plus favorable. Ce soutien va probablement se poursuivre à l’occasion de nouvelles opérations de prêts aux banques contre pratiquement tout type de collatéral (opération LTRO). La prochaine aura lieu en mars. Par ailleurs la BCE, dirigée par son nouveau président Mario Draghi, semble avoir changé : elle apparaît moins dogmatique et plus orientée vers un soutien concret aux problèmes du moment. De même, elle « a l’air » plus indépendante que précédemment, particulièrement vis-à-vis de l’Allemagne.

Dans l’ensemble, les marchés ont été pris « à contre-pied » : les investisseurs étaient, et sont probablement encore, très prudents dans leurs stratégies d’investissement. La part des actions détenue par les compagnies d’assurance est proche des plus bas historiques en France. Ne parlons pas des particuliers dégoutés des actions. On sait que dans cette situation, la hausse alimente la hausse et des situations de « panic buying » peuvent se produire. D’autant plus que les valorisations des actions sont historiquement dans des zones basses avec des multiples de capitalisation des bénéfices proches de 10/12 sur les grands indices occidentaux et émergents. La situation « technique » du marché s’est donc améliorée. 

Reste la conjoncture économique. De ce point de vue, les perspectives demeurent encore assez opaques. L’action de la BCE a soulagé le secteur financier, c’est déjà bien, mais les banques ne recyclent pas leurs financements dans l’économie réelle : les crédits aux entreprises ne sont pas encore repartis. Par ailleurs, les taux italiens à long terme sont encore proches de 6 %, ce qui est difficilement tenable à moyen terme… et de ce fait, au vu de cette conjoncture économique morose, le mouvement de révisions à la baisse des estimations de bénéfices des entreprises n’est pas terminé. Traditionnellement, ce momentum n’est pas positif pour les marchés actions. Il faut plutôt les acheter quand le mouvement de révisions touche à sa fin.

Au final, le mouvement de reprise actuel est assez puissant et alimenté par « la peur de manquer la hausse ». Il peut durer encore quelques semaines. Mais au final, il n’y a pas encore assez de certitudes ni de visibilité pour repasser franchement positif. On est donc a priori encore dans une phase de rattrapage.