par David Taieb, CIO – Listed Assets au sein de Sienna IM
L’hypothèse d’une victoire du RN aux élections législatives inquiète logiquement les marchés sans qu’il faille pour autant retenir le scénario du pire.
A l’heure où je rédige cette note, l’Assemblée nationale a bien été dissoute et les alliances entre les partis politiques se négocient, abandonnant au passage l’ensemble de leurs valeurs morales et historiques pour accéder au plus vite au pouvoir. Si l’hypothèse du RN à Matignon est plausible, la gouvernance future de la France reste à ce stade encore très incertaine post élection législative.
Alors oui, les marchés ont réagi bien logiquement, reflétant ce moment d’incertitude, l’indice CAC40 a d’avantage baissé que ses homologues européens, l’Euro tend à s’affaiblir face aux grandes devises mondiales et les taux d’emprunt français (OAT) ont décalé pour se retrouver au même niveau que les taux d’emprunt du Portugal ! La France a changé de bord aux yeux du monde et est maintenant considéré comme un pays du sud de l’Europe.
Le risque imaginé par les marchés financiers serait un programme RN accentuant le déficit public. Alors que Bruno Le Maire s’attache à convaincre, depuis des mois, la Commission européenne de sa capacité à réduire le déficit français sous la barre des 3% du PIB, voilà « potentiellement » le programme du RN qui pourrait dépenser plus et encore plus provoquant un accroissement de la dette française et une envolée du déficit vers les 6% du PIB. On pourrait alors imaginer allégrement que les taux d’emprunt français à 10 ans atteindraient la barre symbolique des 4% (niveau de soutenabilité indicatif), entraînant un choc sur l’économie française, notamment l’environnement bancaire et le financement des PME-TPE.
Les exemples italien et grec au secours du principe de réalité
Ce scénario nous semble pour le moment exagéré car si l’incertitude demeure, le principe de réalité demeure aussi. Deux exemples pour appuyer ce sentiment. Tout d’abord, l’Italie où Mme Meloni a rapidement compris qu’elle ne pourrait pas appliquer son programme initialement très déficitaire sur lequel elle a été élue (Merci Mario Draghi !) et a su trouver des compromis, notamment avec l’Europe. Enfin,…. la Grèce, il y a quelques années, où le parti « SYRIZA » pourtant de gauche qui avait promis de redonner du pouvoir d’achat aux classes les plus populaires en brandissant même la menace de sortir de l’Europe, a finalement, baissé les pensions des fonctionnaires et eu recours au levier des licenciements.
Le principe de réalité l’a emporté. On ne peut pas faire tout ce qu’on avait prévu.
Par ailleurs, rappelons que la Banque Centrale Européenne dispose d’un programme d’achat de dettes appelé TPI (Transmission Protection Instrument) ayant pour objectif d’apporter une aide aux pays en difficulté de l’union afin d’éviter une fragmentation de la zone. De plus, elle pourra toujours continuer à baisser ses taux directeurs si nécessaire en lien avec la dégradation de l’environnement économique.
Voila pourquoi, la réaction des marchés nous semble clairement justifiée, elle reflète correctement l’incertitude actuelle mais nous n’adhérons pas au scénario du pire qui ferait basculer le France en état de choc économique. Pour nous, la volatilité actuelle révèle même quelques opportunités.