par Didier Borowski, Responsable de la Recherche Macroéconomique, Monica Defend, Responsable de la Stratégie, Adjointe au Directeur de la Recherche, Philippe Ithurbide, Directeur de la Recherche chez Amundi
L’année avait commencé par une reprise mondiale synchronisée. La plupart des économies bénéficiaient alors d’un environnement porteur. Si bien que le risque inflationniste et le risque « d’erreur de politique monétaire » dominaient les craintes des investisseurs. Depuis le printemps, les nuages se sont accumulés à l’échelle mondiale. Le 2nd semestre a débuté sous des auspices moins heureux, avec une conjoncture moins porteuse et de nombreux foyers de risques.
D’une part, la croissance en zone euro s’est avérée plus faible que prévu au S1 (après toutefois un 2nd semestre 2017 très vigoureux). D’autre part, de grands pays émergents ont vu leur situation macrofinancière se détériorer avec l’appréciation généralisée du dollar, qui met en difficulté les pays où le secteur privé s’est endetté en dollar. L’Argentine et la Turquie sont aujourd’hui en crise. Ce sont des chocs idiosyncratiques qui n’ont pas de raison de se propager. Toutefois, de nombreuses économies émergentes ont subi la défiance des investisseurs durant l’été (parfois sans raison).
En outre, les menaces protectionnistes de Donald Trump se sont multipliées. La proximité des élections de mi- mandat (6 novembre) encourage Donald Trump à mettre en œuvre ses promesses de la campagne présidentielle sur le commerce. L’Europe a été relativement épargnée pour le moment. Mais au vu des déclarations récentes de Donald Trump, on ne peut exclure une taxation sur les importations d’automobiles. Ceci dit, pour l’heure, c’est la Chine qui fait l’objet des mesures protectionnistes les plus agressives.
Aux menaces de guerre commerciale s’ajoutent des risques de nature très différente :
- Les sanctions américaines sur l’Iran qui tendent à faire monter le prix du baril.
- Le dérapage budgétaire en Italie. Les relations sont tendues au sein de la coalition gouvernementale sur la stratégie à suivre et sur l’ampleur du déficit budgétaire. Une clarification est attendue dans les prochaines semaines.
- Les négociations sur le Brexit piétinent et les gouvernements (au Royaume-Uni et dans le reste de l’UE) préparent ouvertement des plans d’urgence en cas d’absence d’accord et de sortie brutale du Royaume-Uni de l’UE au 31 mars 2019 (« Hard Brexit »).
- La crise financière turque peut encore s’aggraver (nous anticipons une récession en Turquie dans les prochains trimestres).
La multiplication des foyers de risque accroît l’incertitude globale. Si nous continuons d’anticiper la poursuite de l’expansion mondiale, c’est à un rythme légèrement plus faible en zone euro, en Chine et en moyenne dans les pays émergents. L’économie américaine demeure, quant à elle, soutenue par une politique fiscale dont l’effet devrait s’essouffler en 2019. Les risques sont clairement baissiers sur la croissance à l’horizon des 18 prochains mois. Quant au risque inflationniste, sans avoir disparu, il s’est affaibli (sauf naturellement dans les pays où la devise chute) : l’inflation est un indicateur retardé de l’activité. Une surprise inflationniste serait de courte durée si, comme nous le pensons, la croissance mondiale se tasse.