par Randeep Somel, Equipe Actions M&G Investments
Interrogé sur ce qu’était selon lui le sujet de préoccupation majeur des électeurs au cours des élections américaines en 1992, James Carville, alors conseiller en stratégie du candidat Bill Clinton, avait répondu : "C'est l'économie, idiot !" S’il est vrai que le président sortant George W.H. Bush avait vu les chiffres des sondages augmenter considérablement en sa faveur après le succès de l'opération Tempête du désert au Koweït, l'économie américaine, quant à elle, commençait doucement à glisser vers une récession. Et pour M. Carville, chaque occasion était bonne pour mettre l'accent sur la "récession Bush".
Bush a perdu les élections de 1992, tout comme Jimmy Carter en 1980 qui avait également échoué dans sa tentative de réélection à cause de mauvaises performances économiques. En périodes de croissance économique en revanche, tous les présidents ont facilement remporté leur second mandat : Reagan (1984), Clinton (1996), Bush II (2004) et Obama (2012).
En politique, un trimestre c'est long
Jusqu'en janvier 2020, Donald Trump n'a raté aucune occasion de se vanter du dynamisme de l'économie et de la bourse américaines au cours de son mandat. A l’instar de Carville en 1992, Donald Trump, conscient de l'importance d'une économie solide et en pleine croissance, entend s'en servir comme d’un tremplin pour une campagne de réélection réussie en novembre prochain. En dépit des guerres commerciales avec la Chine et l'UE, il a su démontrer que le chômage atteignait un plancher record de 3,5 %. Depuis, la situation a beaucoup changé. Avec une économie américaine au point mort et un chômage en augmentation, Donald Trump se trouve dans une situation peu enviable où l'économie a subi des pertes nettes d'emplois durant son mandat.
Si l'histoire est un indicateur pour l'avenir, aucun président ne serait réélu sur la base de ces chiffres.
Le génie de la stabilité ?
Trois éléments essentiels méritent d'être étudiés pour tenter d'anticiper le résultat de novembre :
Quelle perception l'électorat américain aura-t-il eu de la crise du coronavirus ? Sera-t-elle considérée comme une situation que le gouvernement aurait dû prévoir et à laquelle il aurait dû être mieux préparé ; ou sera-t-elle considérée comme une catastrophe naturelle, pour laquelle un effort national est nécessaire afin de reconstruire l'économie ? En tenant la Chine pour responsable, le président tentera de promouvoir l'unité contre une entité extérieure. Par ailleurs, si sa réaction initiale à la pandémie a été lente, l'administration soulignera qu'elle a pris des mesures décisives pour l'économie et qu'elle a lancé des fonds de relance aux proportions record.
Le redémarrage. Partout dans le monde, les économies ont commencé à lever progressivement le confinement pour redémarrer l’activité. L'administration est déterminée à commencer à en faire autant afin de limiter le nombre croissant de chômeurs permanents. Si la population constate que l'économie reprend à l'approche du mois de novembre et que le chômage commence à baisser, cela sera favorable à Trump. L'indice S&P 500, qui a chuté de 31 % cette année par rapport à ses sommets historiques, s'est depuis redressé. En revanche, si l'administration est accusée d’avoir levé le confinement trop tôt et qu'une augmentation des cas ou une deuxième vague de confinement s’en suit, cela risque d'être fatal pour les chances de réélection de Trump.
L'autre candidat
Joe Biden n'est pas le candidat le plus convaincant que le Parti démocrate ait présenté. Avant 2020, il avait fait deux tentatives infructueuses de course à la présidence, dont l'une s'était terminée en 1987 lorsqu'il avait été pris en train de plagier le discours du leader du parti travailliste britannique Neil Kinnock. Réputé pour ses gaffes et les problèmes liés à l'implication de ses fils dans des sociétés ukrainiennes et chinoises, Biden ne sera pas aidé. Il doit encore convaincre l'électorat américain qu'il peut être un dirigeant solide et compétent. Ronald Reagan, Bill Clinton et Barack Obama avaient des plans crédibles pour sortir l'économie américaine du marasme lorsqu'ils ont brigué le bureau oval. Joe Biden aura besoin de son propre plan.
Les récents sondages semblent favorables à Joe Biden, en particulier dans les États stratégiques de Pennsylvanie, du Michigan et de l'Ohio, mais la préoccupation actuelle est à la pandémie et non aux prochaines élections. Autre élément à ne pas négliger, la popularité d'un président auprès de sa base. La nouvelle candidature de Jimmy Carter et George W.H. Bush avaient toutes les deux été remises en question par des membres de leur propre parti, or aucun des présidents réélus n'avait de challenger. Donald Trump n'a pas affronté de challenger crédible pour la candidature républicaine de 2020. Il est essentiel de conserver la loyauté de la base pour obtenir un bon taux de participation le jour de l'élection.
2020 n'est pas une année ordinaire et l’élection présidentielle américaine ne devrait pas l’être non plus. De nombreux facteurs entreront en jeu pour déterminer si Donald Trump réussira dans ses efforts de réélection, mais l'économie sera l’enjeu déterminant. Si le marché boursier tient compte d'une reprise économique, il sera crucial de voir dans les prochains mois si on assiste à une reprise suffisamment rapide de l'économie réelle.