par Lysu Paez Cortez, Economiste chez Natixis
La campagne électorale brésilienne 2018 a officiellement démarré le 16 août. Les deux tours des élections législatives, présidentielles et des gouverneurs auront lieu les dimanches 7 octobre et le 28 octobre. Parmi les treize candidats inscrits – et au moment de la rédaction de cette note – l’ancien président Lula da Silva du Parti des travailleurs (PT) était à la tête des derniers sondages avec une confortable avance.Le candidat conservateur aux opinions radicales sur les questions se rapportant aux droits de l’homme, Jair Bolsonaro, arrivait en seconde position.
Geraldo Alckmin, le candidat centriste favori des marchés, est largement devancé. Actuellement incarcéré après avoir été inculpé pour corruption en 2017 dans l’affaire Lava Jato, Lula vient d’être écarte de la course présidentielle le vendredi 31 août par le Tribunal Supérieur électoral (TSE), rendant l’issue de la course à la présidence complètement incertaine.
Après un mois d’agitation riche en évènements pour les EM – d’abord la crise turque puis l’effondrement de la devise argentine vendredi dernier – la montée des incertitudes politiques au Brésil pèse fortement sur les actifs du pays et accentue la pression sur l’ensemble des pays émergents.
Sur le seul mois d’août, le real brésilien (BRL) s’est déprécié de 10% contre le dollar américain, atteignant même son plus bas niveau depuis janvier 2016 (4,16 le 29 août). En recul de 20%, le BRL enregistre la troisième pire performance contre l’USD depuis le début de 2018, derrière le peso argentin (-52%) et la livre turque (-43,25%). Si les CDS 5A brésiliens se sont élargis de 85pb en un mois, passant de 217pts à 300pts, l'indice Bovespa a bien résisté malgré une volatilité accrue. Jusqu'à 33 Md$ de transactions sont en attente, les sociétés étrangères attendant la levée d’une partie des incertitudes sur l’issue des élections présidentielles.
La principale question pour les investisseurs est de savoir si le prochain président parviendra à appliquer les politiques d'ajustement budgétaire indispensables et attendues pour redresser la situation économique du pays.
Historiquement, l’influence du facteur politique dans le risque perçu au Brésil a toujours été élevée. De fait, au cours des prochaines semaines, l’évolution du marché domestique et la performance des actifs des pays émergents dépendront en grande partie de la tournure que prendra la campagne électorale brésilienne. Paré pour l’aventure ?
Après une période de forte instabilité politique qui a miné la confiance des investisseurs dans le géant sud-américain, la campagne électorale brésilienne 2018 a officiellement démarré le 16 août. Les deux tours des élections législatives, présidentielles et des gouverneurs auront lieu le dimanche 7 octobre et le 28 octobre. Les résultats des derniers sondages sont assez illisibles et ne lèvent pas l’incertitude, ce qui ne manque pas d’inquiéter les investisseurs déjà préoccupés par les pays émergents. La principale question pour les investisseurs est de savoir si le prochain président parviendra à appliquer les politiques d'ajustement budgétaire indispensables et attendues pour redresser la situation économique du pays et le faire sortir de la récession.
Le BRL dévisse, les CDS s'élargissent et les marchés actions sont sous pression
Jusqu'à présent, dans un contexte déjà agité pour les pays émergents, l'incertitude politique au Brésil pèse fortement sur les actifs du pays. La volatilité du taux de change s'est accentuée : sur le seul mois d’août, le real brésilien (BRL) s’est déprécié de 10% contre le dollar américain, atteignant le 30 août son plus bas niveau depuis janvier 2016 à 4,21.
En recul de 20%, le BRL enregistre la troisième pire performance contre l’USD depuis le début de 2018, derrière le peso argentin (-52% après la forte correction du vendredi 30) et la livre turque (-43,25%).
Les CDS 5A brésiliens se sont élargis de 85pb en un mois, passant de 217pts à 300pts.
Dans le même temps, l'indice Bovespa a plutôt bien résisté malgré une volatilité accrue.
Il importe de garder à l'esprit qu’historiquement, le facteur politique a toujours eu un impact considérable sur la conjoncture et les actifs financiers brésiliens, entraînant une forte volatilité de la devise et une hausse du risque perçu dans le pays. Chaque fois que le contexte politique devient plus incertain, le marché réagit assez violemment et la volatilité augmente en flèche.
De fait, au cours des prochaines semaines, la tournure que prendra la campagne électorale brésilienne devrait nettement accentuer la nervosité sur l’ensemble des marchés domestiques. En fonction des l’identité des participants qui resteront en lice après le verdict du TSE du 17 septembre qui scellera le sort de la candidature de Lula, la pression sur les actifs brésiliens va augmenter, et aura certainement un effet sur l'ensemble des EM, ajoutant de l’incertitude à un scénario déjà mouvementé.
Bref résumé du passé politique récent …
Après une période de stabilisation économique, de réformes réussies et d’ouverture aux marchés mondiaux entre 1995 et 2011 sous les présidences de Fernando Henrique Cardoso et de Luiz Inácio Lula Da Silva, le Brésil connaît une période de forte instabilité politique depuis deux ans.
Prenant la succession de Lula, la candidate du PT, Dilma Rousseff, a été réélue pour un second mandat à la présidence du pays en 2014. Dès mai 2015, une procédure d'impeachment était lancée contre elle pour non-respect des règles budgétaires, conduisant à sa suspension temporaire en mai 2016 et, enfin, à sa destitution en août 2016. Depuis lors, le vice-président de l'époque, Michel Temer, qui l'avait remplacée alors qu'elle était suspendue, lui a succédé.
Dans le même temps, une enquête sur des allégations de corruption et de trafic d'influence a été ouverte en avril 2015 contre l'ex-président Lula dans le cadre de l'opération Lava Jato. Reconnu coupable, Lula a été condamné à douze ans de prison en avril 2018, une peine qu'il continue de purger.
Afin d’anticiper l'issue possible des prochaines élections, ce bref rappel des faits nous paraît essentiel pour comprendre la rupture dans la société brésilienne provoquée par toutes ces affaires de corruption impliquant le Parti des travailleurs. Pour faire court, dans un pays présentant un taux d'inégalités parmi les plus élevés au monde, les classes populaires qui ont bénéficié des programmes sociaux des années Lula ont perçu l’ensemble de ces évènements comme une injustice politique envers le PT (un parti de gauche). Bien qu'en prison, Lula bénéficie donc toujours d’une forte popularité. Toujours candidat inscrit pour le PT, il devra désormais laisser la place à un successeur.
Mode d'emploi des élections
Allant du 16 août au 28 octobre, l’agenda des élections sera très rythmé. Le 15 août dernier, date de clôture des inscriptions, treize partis ont enregistré leurs candidats au Tribunal supérieur électoral (TSE). Entre le 16 août et le 2 octobre, les candidats peuvent activement faire campagne et tenir des débats. Rassemblements et réunions publiques peuvent être organisés jusqu’au 4 octobre.
Entre le 31 août et le 29 septembre, chaque candidat bénéficie gratuitement d’un temps de parole à la télévision et à la radio calculé sur la base du score de son parti lors des dernières législatives. Pour être fortement présent dans les médias publics, les candidats doivent être soutenus par les grands partis.
Le 17 septembre prochain, le TSE s’appuiera sur la « clean record law » pour se prononcer sur la validité des différentes candidatures. Cette loi interdit à tout candidat de postuler à un poste de la fonction publique pour une période de huit ans s'il a été condamné pour crime grave, corruption ou s’il a démissionné pour éviter une procédure de destitution. Reste dionc à voir si d’autres candidats que Lula pourraient donc se voir officiellement interdits de participer aux élections.
Qui sont les principaux candidats ?
Sur les 13 candidats inscrits, seuls six ont une réelle chance de remporter l’élection. Le Partido dos Trabalhadores (PT) a fait un choix risqué en investissant l'ancien président Lula alors qu’il est incarcéré. La candidature de ce dernier risque étant invalidée, pourrait être remplacé par son colistier, l'ancien maire de Sao Paulo, Fernando Haddad, ou par Manuela d’Avila du Parti communiste.
Compte tenu de la forte popularité de Lula (39% des intentions de vote au 21 août), quel que soit son éventuel remplaçant, il bénéficiera de ses voix et pourra facilement se qualifier pour le deuxième tour. Le programme économique du parti pourrait ne pas être spécialement enthousiasmant pour les investisseurs. Il prévoit de s’appuyer sur les dépenses publiques, de faire baisser les taux d’intérêt pour relancer la croissance et d’instaurer un contrôle des capitaux pour limiter la volatilité du taux de change.
Situé à l’opposé de l’échiquier politique, ancien capitaine de l’armée et membre du Congrès ultra conservateur et nationaliste, Jair Boslonaro du PSL, arrive en deuxième position dans les intentions de vote derrière Lula (20,5% au 21 août). Il occupe même la première place les sondages Datafolha dans l’hypothèse d’une non-participation de Lula (22%). Ses déclarations choquantes sur la sécurité nationale et les politiques en matière de droits de l’homme lui ont valu d’être taxé de racisme, d’homophobie et de misogynie – il est souvent comparé au président américain Trump dans la presse locale. Comme conseiller économique, il a choisi de s’entourer du libéral Paulo Guedes, diplômé de l’Université de Chicago.
Le 29 août dernier, Bolsonaro fait une intervention très musclée dans l’émission d'information quotidienne de Globo TV, réaffirmant ses principales lubies telles que le recours à la force meurtrière par la police et ses conceptions sur les questions de genre. Sa performance laisse planer un certain nombre de doutes sur le score qu’il pourrait atteindre lors d'un éventuel second tour, son programme très à droite empêchant les reports de voix.
Marina Silva de Rede présente sa candidature pour la troisième fois. Ex-membre du PT, elle a rejoint le PV (parti vert) en 2009 et s'est présentée comme candidate à l'élection de 2010 arrivant à la troisième place avec 19% des voix. Dans un scénario sans Lula, elle occupe la deuxième place des sondages derrière Bolsonaro avec 12% des intentions de vote.
Situé au centre de l’échiquier électoral, son programme est plutôt orthodoxe sur le plan économique. Si elle préconise une réforme du système des retraites pour rééquilibrer les finances publiques et une plus grande ouverture du pays au commerce international, elle prévoit de plafonner les dépenses à 50% du PIB. Gratifiée du taux de rejet le plus faible, elle est très peu soutenue en termes de structure.
Le candidat préféré des investisseurs, Geraldo Alckmin du PSDB, un centriste favorable au marché, a du mal à décoller dans les sondages avec seulement 7,5% des intentions de vote au 21 août. Ancien gouverneur de Sao Paulo, il s’est déjà présenté contre Lula en 2006. Il est le seul candidat à se déclarer ouvertement favorable à la réforme des régimes de retraite (la question la plus épineuse de l’agenda économique). Il prévoit de réduire le déficit budgétaire en deux ans et encourage la privatisation des entreprises publiques.
À gauche, Ciro Gomes se positionne comme une alternative. Il souligne l'importance de rééquilibrer les comptes publics au moyen d'une réforme fiscale et des régimes de retraite et de mettre en place une politique monétaire accommodante. Il est crédité de 7,5% des intentions de vote.
Les sondages Datafolha observent depuis peu un rebond des intentions de vote pour les deux leaders Lula et Bolsonaro au détriment de Marina Silva et Geraldo Alckmin. Reste à savoir comment la répartition des votes sera modifiée par le verdict du TSE de vendredi dernier.
Le PT a 8 jours pour nommer son nouveau candidat à la présidentielle, Haddad pouvant être nommé aujourd’hui même lors d’une réunion du parti à Curitiba.