par Xavier Lépine, Président du Directoire de La Française
Emmanuel Macron est le plus jeune président des grandes nations occidentales. Ni de droite, ni de gauche, ou à l’inverse, de droite et de gauche, la réalité de l’intention c’est l’acte par lequel les Français ont porté Emmanuel Macron à la Présidence de la 5e puissance mondiale, membre du Conseil de Sécurité, co-fondatrice de l’Europe… ce dont on ne peut que se féliciter.
En effet, 8 ans après la pire récession depuis la deuxième guerre mondiale, force est de constater que nous avons deux cycles qui fonctionnent en sens opposés : une économie mondiale qui sort par le haut que ce soit aux Etats-Unis comme dans les pays émergents et dans la zone euro ; le retour en arrière d’une politique mondiale marquée par la montée du populisme, de droite comme de gauche et qui craint l’avenir : le Brexit, Donald Trump, l’Autriche, l’Italie, l’Allemagne, la montée islamiste au moyen orient, la Corée du Nord… ! Une critique généralisée des choix de mondialisation issus de l’après-guerre : accords internationaux, libre échange… La sortie de la pauvreté de milliards d’habitants dans le "tiers monde" et singulièrement la Chine est désormais occultée par la croissance des inégalités, la perte des identités nationales et les restructurations industrielles dans les pays occidentaux.
Autrement dit, deux directions inverses entre une économie mondiale qui corrige ses excès et repart "à la hausse" et une politique mondiale qui se détériore et prône le retour en arrière et in ne un protectionnisme qui s’avèrerait être tout sauf une protection.
A ce titre l’élection d’Emmanuel Macron dépasse largement le seul contexte Français et l’enjeu du prochain quinquennat est que les divisions actuelles ne nous fassent pas rater la reconstruction européenne et donc l’adaptation de la France aux réalités du XXIe siècle.
Les oppositions aux réformes sont aujourd’hui exacerbées, que ce soit les Luddites de Ricardo, comme le rappelle Daniel Cohen, qui se sentent menacés par l’arrivée des nouvelles technologies qui menacent leurs emplois et souhaitent que l’on taxe les robots, ou les rentiers qui ont peur de la concurrence qui vient briser leur rente et qui verraient d’un bon œil le retour à un protectionnisme protégeant leurs marges. D’une manière générale les deux "partis" voient en Bruxelles l’incarnation de leur maux ; les ennemis héréditaires se rejoignent aujourd’hui et se sont retrouvés autour de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen.
L’ubérisation de la société est en quelque sorte la quintessence de ces évolutions où le nouveau cadre de travail, porté par la technologie exacerbe la concurrence et s’attaque de front à la rente. Le "travailleur de demain" sera plus face à des clients et non à des employeurs !
Les Luddites et les rentiers se retrouvent ainsi pour la première fois de l’Histoire à faire front commun contre les réformes imposées (et facilitées) par les évolutions technologiques et sociétales sur fond d’hypocrisie pour les rentiers qui veulent donner une dimension sociale à leur combat protectionniste.
Notre nouveau Président progressiste, par définition très controversé par les Luddites et les rentiers, porte donc une responsabilité clé dans les évolutions à venir et le résultat des législatives facilitera, ou non, la transformation de la France et l’adaptation de l’Europe aux nouveaux changements de paradigme : après le chômage occidental lié aux délocalisations, l’adaptation de nos Sociétés à la digitalisation, l’intelligence artificielle, la robotisation et la nécessité vitale de transformation de nos économies face aux dé s environnementaux.
En ce qui concerne les marchés financiers, ce qui me frappe le plus depuis un peu plus d’un an c’est la force acheteuse des marchés… toute information négative est de plus en plus rapidement interprétée positivement : la correction post-Brexit au printemps dernier, alors que le Out n’était pas attendu, a été éliminée en moins d’un mois ; les élections américaines, histoire identique, et correction de la correction en moins d’une semaine, le référendum négatif italien est passé inaperçu et les menaces sur le résultat des élections françaises ont à peine tendu les taux longs français vis-à-vis de l’Allemagne et la baisse relative des financières pré-élection a disparu dès le résultat connu du premier tour.
On peut donc logiquement penser que la Présidence française étant assumée par un pro- européen progressiste au sens profond du terme fera converger les évolutions politiques et économiques en Europe, créant ainsi un marché d’action résolument haussier sur l’Europe. La volatilité des marchés reprendra un cours plus naturel (i.e. plus élevée que ces derniers mois où la paralysie était totale car les conséquences des élections en France étaient trop binaires en cas de victoire d’un des deux partis populistes) au gré des menaces bien réelles qui perdurent sur le plan géopolitique mondial.
Du côté des taux d’intérêt, les pays périphériques, y compris la France, verront leur spread vis-à-vis du taux allemand continuer de se contracter alors que les taux longs mondiaux poursuivront une lente normalisation à un niveau plus élevé qu’aujourd’hui…
L’immobilier de bureau en Europe continuera d’être une valeur attractive dans un environnement de taux toujours bas et, pour la France, un niveau de loyers économiques historiquement bas et un Grand Paris "simplifié" et porteur dans ce contexte politique et économique (y compris l’impact positif du Brexit sur l’attractivité de Paris).
Pour les particuliers, l’incitation à investir dans l’économie est clairement un axe du nouveau Président :
- une flat tax** qui incitera à la rémunération de la prise de risque,
- une relance de l’actionnariat salarié et d’une manière générale de l’association des salariés à la création de valeur des entreprises par des dispositifs fiscaux incitatifs,
- une réforme de l’ISF qui se limitera à l’investissement dans la rente (immobilier des résidences principale et secondaires, l’immobilier d’investissement – habitation et tertiaire – étant a priori et logiquement exclu de l’assiette au même titre que des actions ou des obligations), …
Restera à trouver un complément/substitut au dispositif TEPA pour investir dans les PME, l’innovation voire l’immobilier d’investissement mais nul ne doute que le pragmatisme des anglais fera école sur les dispositifs français. Ainsi, à titre d’illustration, on pourrait très bien envisager un système à l’anglaise sur l’investissement en actions avec une déduction de l’IRPP, la suppression temporaire des permis de construire dans le cadre de la transformation de bureaux en logements pour créer un choc de l’offre ! Des chocs de simplification !
NOTES
Un luddite était un membre d’une des bandes d’ouvriers du textile anglais, menés par Ned Ludd, qui, de 1811 à 1813 et en 1816, s’organisèrent pour détruire les machines, accusées de provoquer le chômage.