par César Pérez Ruiz, Responsable des investissements et CIO Pictet Wealth Management
Depuis le début de l’année, l’environnement macroéconomique et de marché est dominé par des dynamiques apparemment contradictoires. Alors que les indicateurs macroéconomiques appellent à la prudence, les marchés montrent des signes d’euphorie, les actions américaines enregistrant notamment l’un de leurs meilleurs débuts d’année en termes historiques.
Le paysage macroéconomique actuel est inquiétant. En zone euro, les économies italienne et allemande sont au bord de la récession, tandis qu’en Chine, deuxième économie du monde, la croissance marque clairement le pas. Une analyse approfondie révèle toutefois une demande domestique toujours robuste dans de nombreuses régions, si l’on ne tient pas compte de l’impact négatif du ralentissement des échanges. Ainsi, l’indice des directeurs d’achat (PMI) des services (axé sur la consommation intérieure) de la zone euro a rebondi, alors que le PMI du secteur manufacturier (axé sur l’extérieur) continue de se tasser.
Aux Etats-Unis, le revenu disponible des ménages augmente au rythme confortable de 3% hors inflation, ce qui devrait soutenir les dépenses de consommation, alors que le commerce international fléchit. Dans ce contexte, un retournement de l’économie mondiale nous semble possible au deuxième semestre, lorsque les difficultés à l’origine de l’incertitude ambiante – des tensions commerciales sino-américaines au Brexit – se seront dissipées et que les fondamentaux sous-jacents pourront pleinement produire leurs effets.
De leur côté, les marchés ont dans l’ensemble repris le terrain cédé en décembre, à la faveur d’un rallye alimenté par un regain de confiance plus que par des données objectives. Les valorisations paraissent généreuses, le retour du «Powell put» ayant incité les investisseurs qui craignaient qu’une poursuite des relèvements de taux de la Réserve fédérale américaine mette à mal le cycle économique à revenir sur les marchés actions. Le marché obligataire et le marché actions reflètent toutefois des paysages contrastés: tous deux progressent depuis le début de l’année, mais la courbe des rendements ne s’est pas redressée pour autant, laissant penser que les investisseurs continuent d’anticiper une récession. Le revirement de la Fed a soutenu les marchés, mais place la banque centrale face un dilemme. En effet, une reprise des relèvements de taux pourrait favoriser une récession, tandis que le statu quo présente un risque de surchauffe à terme pour l’économie, sachant que les conditions financières se sont d’ores et déjà améliorées. La Banque centrale européenne a elle aussi amorcé un virage accommodant, déclenchant toutefois une réaction différente des investisseurs qui, redoutant un ralentissement de l’économie en zone euro, se sont détournés des marchés actions.
Les marchés devraient rester volatils en attendant la résolution de divers foyers d’incertitude, parmi lesquels le commerce, le Brexit, la crise politique au Venezuela et les élections législatives en Europe. Pour notre part, nous prendrons des bénéfices au sein des portefeuilles, au gré des opportunités. Par la suite, une reprise de l’activité économique et une stabilisation des révisions de bénéfices au semestre prochain seront nécessaires pour permettre aux marchés de poursuivre leur rallye. Au vu des fondamentaux sous-jacents, nous restons prudemment optimistes pour le deuxième semestre 2019, en particulier si le commerce mondial n’est pas entravé et si les mesures de relance annoncées parviennent à empêcher un ralentissement massif de l’économie en chinoise.