par Marie-Pierre Peillon, Directrice de la Recherche de Groupama AM
Etats-Unis : Une reprise sous contrainte
Le Congrès américain a finalement réussi à s’accorder sur un plan visant à éviter la falaise fiscale. Un accord sur les dépenses reste à venir d’ici fin février qui conditionnera les négociations relatives à l’augmentation du plafond de la dette. Cet accord a minima pèsera sur la croissance, entre 1%-1,5% du PIB, très largement inférieur à l’impact initial soit environ 4% du PIB. La menace du mur budgétaire passée, la reprise de l’économie américaine restera néanmoins sous contrainte cette année et la croissance ne devrait pas dépasser les 2%.
L’activité au cours du premier semestre sera vraisemblablement affectée par la hausse de la fiscalité des ménages (en particulier le relèvement du taux de cotisation salariale) qui pèsera sur le revenu disponible, et donc sur la consommation. De plus, la détérioration des perspectives d’investissement reste incompatible avec une amélioration des gains de productivité nécessaire pour une réelle embellie du marché de l’emploi. Toutefois, l’économie américaine pourra compter sur la reprise du marché immobilier entamée depuis plusieurs trimestres, même si les retombées sur l’ensemble de l’activité sont encore ténues. Le profil de croissance devrait s’améliorer progressivement au second semestre : l’avancée du processus de désendettement, le maintien d’une politique monétaire très accommodante, et une moindre confiscation fiscale vont permettre une embellie progressive.
Zone euro : Encore une année difficile
Les récentes enquêtes tendent à valider l’analyse selon laquelle l’activité, bien que très affaiblie au second semestre 2012, devrait bénéficier d’une lente amélioration au cours de l’année 2013. Mais il est important de retenir que les niveaux auxquels sont tombés les indicateurs de confiance et d’activité sont faibles et le retour à la croissance ne pourra être que très progressif et vraisemblablement pas avant le milieu de l’année. Le désendettement dans le secteur privé (ménages et entreprises) freine la reprise ; l’emploi continue de reculer et le taux de chômage va donc encore sensiblement augmenter. De nombreux pays poursuivront cette année des efforts de réduction des déficits publics qui pèseront sur la demande intérieure.
Quant à la crise de la dette souveraine, les progrès accomplis en 2012 sont cruciaux et ont permis d’évacuer le risque extrême mais les efforts à accomplir demeurent et ne pourront se faire que dans la durée. Les risques de blocage politiques et/ou sociaux existent et sont susceptibles de ralentir le processus. En particulier, les élections italienne et allemande pourraient freiner les avancées politiques cette année.
La zone euro devrait sortir de récession en 2013 mais les ressorts de la croissance sont durablement entamés, particulièrement dans les pays d’Europe du sud.
Pays émergents : Une croissance durablement plus modérée
Les dernières évolutions suggèrent que le creux conjoncturel est derrière nous dans la plupart des pays émergents. Cependant, l’amélioration conjoncturelle en cours est modérée au regard du passé et suggère que la croissance ne re-accélérera que modérément par rapport au plus bas atteint en 2012.
En 2012, la croissance a été proche de 8% en Chine, un plus bas depuis 1999, et de 5% en Inde, un plus bas depuis 2002. La croissance s’est également affaiblie au Brésil et en Russie. Durant les dix dernières années, les niveaux de revenu des BRIC se sont rapprochés de ceux des économies avancées. Au Brésil et en Russie, un boom de la consommation s’est appuyé sur l’accroissement du revenu de la classe moyenne. En Chine et en Inde, le processus de développement s’est fondé sur une ouverture et des réformes croissantes, et en conséquence sur l’investissement, même si l’Inde a pâti d’une gouvernance plus mauvaise et n’a finalement pas pu aller au bout de cette logique.
Désormais, ces modèles de croissance ont donné la majeure partie de leurs fruits. La Russie, le Brésil et la Chine sont des pays à revenu intermédiaire et ne peuvent plus soutenir le même rythme de croissance sans réformes. L’Inde reste un pays à faible revenu et affaibli par son niveau d’inflation et son déficit public. Au Brésil et en Russie, des réformes signifient plus d’investissement, et en Chine davantage de consommation. Cependant, ces évolutions ne devraient pas se matérialiser en 2013, d’où notre anticipation d’un rebond modéré de la croissance.