par Christophe Morel, Chef Economiste de Groupama AM
Le milieu d’année est l’occasion de faire un point sur la situation économique et financière. Notre appréciation de l’environnement a peu changé par rapport au début d’année. Cependant, l’excès d’endettement public en Zone euro, comme aux Etats-Unis et au Japon, reste un frein à la croissance et rend ces économies très vulnérables à tout nouveau choc. L’objectif premier reste le désendettement, ce qui en retour pénalise l’investissement privé et entraîne une amélioration seulement graduelle du marché de l’emploi aux US.
Parallèlement, la situation économique dans les pays émergents est plutôt décevante. En définitive, l’activité mondiale peine à accélérer : elle se trouve confrontée au « plafond de verre ». Nous révisons à la baisse notre prévision de croissance aux Etats-Unis en 2014 et nos prévisions de croissance pour les principaux pays émergents.
Un « policy-mix » qui restera favorable dans les pays développés
Dans ce contexte, les politiques économiques resteront accommodantes dans les pays développés. Les banques centrales maintiendront durablement leur politique monétaire accommodante, même si la Fed prépare déjà les marchés à une sortie très progressive de sa politique monétaire non conventionnelle. Les ajustements budgétaires seront aussi plus graduels pour ne pas handicaper la reprise. Le rééquilibrage de la croissance mondiale va ainsi pouvoir se poursuivre. Les Etats-Unis seront le « maillon fort » de l’économie mondiale. Mais la croissance américaine est essentiellement de nature domestique, soutenue par la consommation et l’activité dans la construction.
A contrario, l’investissement des entreprises est peu dynamique, et limite la reprise du marché de l’emploi et les perspectives de croissance. La situation en Zone euro s’améliore progressivement, avec des disparités : l’écart conjoncturel entre l’Allemagne et la France devrait se maintenir. Les enjeux majeurs pour la Zone euro seront le retour à la croissance, la mise en place des réformes structurelles et la poursuite des avancées institutionnelles. Enfin, le Japon bénéficie d’un « policy-mix » très favorable, ce qui soutiendra l’activité à court-moyen terme.
Une croissance décevante dans les pays émergents
Les pays émergents n’ont pas connu au premier semestre 2013 le rebond de la croissance qui avait été espéré. Cette dernière a continué de décélérer en Russie, tandis qu’elle s’est quasiment stabilisée en Chine et en Inde, et qu’un rebond modeste a eu lieu au Brésil. Au global, ces tendances devraient se prolonger sur le reste de l’année. Cependant, même stabilisée, la croissance des pays émergents déçoit les attentes, qui étaient à une ré-accélération.
Les limites entraperçues sont de deux natures différentes. En Chine, la croissance ne peut retrouver son rythme antérieur car celui-ci reposait sur un investissement et un rythme d’endettement qui ne sont plus soutenables au même niveau. Dans les autres pays émergents, la croissance avait reposé davantage sur la consommation, ainsi que sur une diminution du chômage. Ce dernier est aujourd’hui assez bas pour induire des tensions inflationnistes, renforcées par le sous-investissement chronique dans les infrastructures : d’où une inflation sans croissance.
Cela a deux implications :
- pour les populations, des pertes de pouvoir d’achat et une contestation sociale plus intense, comme au Brésil.
- pour les investisseurs, un appétit pour les actifs émergents qui s’est étiolé à partir de mi-mai au travers d’une prise de conscience brutale, engendrant des mouvements conséquents sur les devises, les taux et les matières premières.