par Laurent Berrebi, Directeur des études économiques de Groupama AM
Affichée à 2,0% après +0,7%, la croissance a repris des couleurs au troisième trimestre grâce à l’investissement et à la consommation qui ont bénéficié de la baisse des taux longs.
Mais, les renégociations de crédits hypothécaires, dont la sensible augmentation est à l’origine de la forte baisse du taux d’épargne des ménages à 3,5%, ont atteint leur pic. Face à des revenus nominaux qui n’augmentent plus depuis 3 à 4 mois et à un marché du crédit toujours fermé pour une bonne partie des ménages, leur consommation devrait alors se contracter d’ici le début de l’année prochaine. Le pessimisme croissant des ménages devrait être confirmé par trois facteurs possibles.
D’abord, le taux de chômage devrait augmenter sensiblement à cause de l’affaiblissement des créations d’emplois de 100 000 à moins de 50 000 par mois, conséquence du durcissement des conditions de crédit pour les PME et du cycle normal de productivité pour les grandes entreprises. Ensuite, la remontée des prix du baril (+30% en un mois) devrait ponctionner sensiblement le pouvoir d’achat. Enfin, une absence d’accord budgétaire entre démocrates et républicains assombrit davantage la gouvernance américaine et entretient le pessimisme des ménages. Les indicateurs avancés devraient alors se détériorer d’autant plus que l’économie européenne se dégradera et une nouvelle récession, douce, devrait s’enclencher.
Zone euro : entrée en récession
La croissance s’est maintenue à 0,2% au troisième trimestre, grâce à la France (+0,4%) et à l’Allemagne (+0,5%) qui ont bénéficié de la bonne tenue de la consommation pour la première et de l’investissement pour la seconde. En revanche, en dépit du soutien de l’extérieur, l’Espagne a enregistré une stabilité de son activité et le PIB s’est contracté dans les petits pays comme probablement en Italie, qui est entrée en récession.
La demande intérieure de l’ensemble de la zone euro est profondément affectée par l’attentisme des agents en prise à trop d’incertitude concernant la résolution de la crise de gouvernance européenne. Nous anticipons pour l’heure une récession douce, confirmée par le nouveau président de la BCE, Mario Draghi. Dès le quatrième trimestre, la zone euro devrait ainsi enregistrer une contraction de son activité qui devrait se poursuivre au premier semestre 2012, comme le suggèrent les indicateurs avancés. La France n’y échappera pas. L’Allemagne devrait être touchée avec un trimestre de retard. Si les tensions ne s’apaisent pas sur le marché de la dette publique, une pénurie du crédit (credit crunch) sera alors d’autant plus probable que le système bancaire devra réduire la taille de son bilan pour renforcer sa solvabilité : dans ce cas, la récession sera bien plus sévère.
Chine : un yuan en voie de stopper son appréciation face au dollar
L’activité poursuit une trajectoire de « soft landing ». Les composantes de la demande qui s’affaiblissent sont le commerce extérieur et l’immobilier. Toutefois les risques d’une chute violente des prix immobiliers sont surestimés car la demande reste globalement solide en dépit des difficultés que connaissent certains promoteurs immobiliers. La consommation demeure le point fort de la demande, d’autant que la hausse des salaires maintient son rythme et que l’inflation devrait baisser. Les PME restent en revanche le sujet de préoccupation majeur : elles enregistrent un sensible ralentissement de leur activité et voient leur accès au crédit bancaire se restreindre.
C’est pourquoi le gouvernement a décidé d’augmenter les plafonds de crédit bancaire vers ces emprunteurs, même si la politique monétaire est dans une phase d’attentisme face aux incertitudes concernant l’ampleur du retournement de l’inflation et de la décélération de l’activité à venir. Il est en revanche probable que la Chine stoppe l’appréciation de sa devise face au dollar compte tenu de la forte augmentation de son taux de change réel due à la dépréciation des monnaies des émergents.