par Laurent Berrebi, directeur des études économiques de Groupama AM
La chute historique de l’investissement privé de près de 50% en rythme annualisé (RA) a fait plonger le PIB de 6,3% en T1 2009 : les dépenses d’investissement des entreprises y ont contribué à hauteur de 5 points et celles des ménages à hauteur de 1,3 point.
La pénurie de cash provenant d’une contraction du PIB nominal de 4,5%, d’un niveau de dette sans précédent, d’un crédit très cher et peu accessible pousse les entreprises à couper leurs dépenses de capacité (-70% en rythme annualisé) et leurs effectifs, de 600 000 en avril. L’envolée du chômage à 8,9% en avril et à 11% d’ici fin 2009 entretient la spirale baissière immobilière et rend précaire la stabilisation de la consommation des ménages qui semble se dessiner à la lumière des futures réductions d’impôts. D’ailleurs, la hausse de la consommation des ménages de 2% (RA) en T1 2009 fait illusion : le très bon mois de janvier soutenu par les aides sociales a été suivi par 3 baisses mensuelles consécutives.
La crise bilancielle durable de tous les agents privés provoquera de nouvelles vagues de provisions du système bancaire évaluées entre 500 et 600 Md$ par le FMI, comme par l’administration Obama, qui en revanche, limite le besoin de recapitalisation des banques à 75 Md$ contre 300 Md$, selon les estimations du FMI et les nôtres.
Dans ce contexte, l’amélioration des indicateurs avancés ne signifie pas la fin de la récession en T2, mais plutôt une stabilisation du PIB en S2, ce qui reste notre scénario central : une croissance tirée par les stocks qui demeurent aujourd’hui considérables est exclue jusqu’en 2010.
Zone euro : craintes de déflation
Le PIB s’est effondré de 2,5% soit 10% en rythme annualisé en T1 2009 avant de réduire son rythme de contraction de moitié en T2 2009. La cause : une situation financière catastrophique force les entreprises à couper leurs dépenses. La dette représente près de 120% de leur valeur ajoutée, contre 90% en 2000, alors que le coût de financement est très élevé et que les conditions d’emprunt sont excessivement difficiles.
Avec un taux d’utilisation des capacités de production tombé à un plus bas historique depuis la fin de la seconde guerre mondiale à près de 70%, contre un précédent plus bas à 74% en 1974, les surcapacités considérables ôtent tout pouvoir de marché aux entreprises qui accentuent leurs suppressions d’emplois. Le taux de chômage remonte à 8,9% en mars, soit près de 14,5 millions de demandeurs d’emplois et 1,2 million de demandeurs d’emplois supplémentaire sur les 3 premiers mois de 2009. Alors que les conditions de crédit aux ménages restent très difficiles avec une dette représentant près de 85% de leur revenu disponible contre 65% en 2004, les ventes au détail accentuent leur repli (-0,6% en mars, après -0,3% le mois précédent) ; le marché automobile s’est stabilisé en mars grâce à la prime à la casse en Allemagne, tous les autres marchés continuant de plonger. Dans ce contexte, la déflation semble poindre : l’inflation sous-jacente est maintenant en-dessous de 1,5% pour tous les pays excepté la Belgique et chute dans les pays à culture inflationniste.
Japon : des plans de relance vitaux
Le rythme de contraction du PIB a probablement été autour de 16% en RA en T1, mais devrait se réduire sensiblement en T2 : grâce au retour de la demande étrangère asiatique, la production industrielle a enregistré sa première hausse mensuelle (+1,6%) en mars après 2 mois de chute de 10%. Cependant, la récession est loin d’être terminée. Les échanges extérieurs vont continuer à souffrir d’un commerce mondial anémique et de la force du yen. L’excès de stock reste considérable et leur contribution à la croissance restera sensiblement négative. L’investissement privé restera fortement pénalisé par des surcapacités considérables et une situation financière des entreprises très dégradée. Le taux de chômage devrait dépasser son record historique de l’après-seconde guerre mondiale à 5,5%. Enfin, la baisse des revenus salariaux des ménages, déjà de 3% sur un an, devrait s’accentuer. Le Japon s’enfonce alors dans la déflation : à Tokyo, l’inflation sous-jacente est tombée de +0,2% fin 2008 à -0,6% en avril.
Seuls les plans de relance semblent en mesure de stopper la chute de l’activité. Comme en 1999, le développement de garanties publiques sur le crédit de toutes les entreprises, y compris les petites et moyennes, limite les faillites. La distribution de cash, les extensions des indemnisations chômage et dans une moindre mesure les avantages fiscaux, empêchent la consommation privée de s’effondrer. Enfin, les commandes à la construction de la part du secteur public sont en nette hausse en mars.