par Laurent Berrebi, Directeur des Etudes Economiques de Groupama Asset Management
Affichant un taux de croissance de 4%, inconnu depuis près de 4 ans, la consommation des ménages dynamise l’activité du quatrième trimestre. Elle a bénéficié de la vague de renégociations des crédits immobiliers, provoquée par la baisse des taux longs enregistrée sur les deux trimestres précédents. Mais, cette baisse sensible du taux d’épargne est ponctuelle, car peu justifiée par les fondamentaux : le niveau du patrimoine justifie un taux d’épargne autour de 7%, les ménages continuent à se désendetter sur un rythme élevé de 2,4 points de revenu annuel, alors qu’ils perçoivent la poursuite de la dégradation du marché de l’emploi. La consommation devrait retrouver un taux de croissance de 2%.
La remontée des taux longs devrait également entraîner de nouvelles baisses des ventes et des prix dans l’immobilier résidentiel, comme l’annonce la dégradation des perspectives à long terme des promoteurs. Enfin, le rythme de restockage qui a dépassé 120 Md$ par an au troisième trimestre devrait retrouver son niveau « normal » autour de 50 Md$. Sous l’impact du retournement du cycle des stocks, de la remontée du taux d‘épargne et des taux longs, la croissance devrait alors s’affaiblir au-delà de T1. Le point fondamentalement positif est le dégel progressif du marché du crédit pour les PME, parallèlement au retour des non-résidents sur le marché de la dette privée américaine : la réduction des contraintes de financement devrait ainsi entraîner à terme une amélioration des créations d’emplois et de l’investissement de la part des PME.
Zone euro : en dépit de la vigueur allemande, la croissance demeure terne
La croissance a été révisée de 0,3% à 0,2% en raison notamment de la consommation qui a finalement augmenté d’un maigre 0,1% (au lieu de 0,3% précédemment estimé), et ce en dépit des hausses de 0,4% et de 0,5% en Allemagne et en France respectivement. Au quatrième trimestre, la demande intérieure reste pénalisée par les pays périphériques, en récession. La consommation allemande ne donne pas de signes clairs de reprise, pénalisée par de faibles gains de pouvoir d’achat et un processus de désendettement des ménages toujours en cours. La France fait partie des rares pays où la consommation a été vigoureuse, avant l’arrêt programmé de la prime à la casse. La croissance devrait rester d’autant plus terne au quatrième trimestre que le commerce extérieur allemand a ralenti à cause de la baisse de la demande dans les pays périphériques.
Au premier trimestre, la croissance devrait bénéficier du rebond en cours de la croissance mondiale comme en témoigne la vigueur des indicateurs d’activité dans l’industrie. Au- delà, les perspectives sont obscurcies par les plans d’austérité et la hausse des taux longs. Cette dernière aura un impact sensible sur l’immobilier, notamment en France, et sur l’Italie dont la croissance hors stocks était déjà négative au troisième trimestre. La demande intérieure italienne se retourne comme le montre la dégradation nette des indices d’activité dans les services et la construction alors que le taux de chômage augmente.
Chine : durcissement monétaire calibré pour faire refluer l’inflation et calmer la bulle immobilière
L’activité reste soutenue à court terme par le restockage mais elle devrait décélérer après le premier trimestre sous l’impact du durcissement de la politique monétaire dont l’objectif est double.
D’abord, même si une spirale inflationniste n’est pas en cours, la Banque Centrale va chercher à juguler l’inflation à l’origine du ralentissement de la consommation des ménages, inquiets de la flambée des prix agroalimentaires. La Chine pourrait à ce titre accepter une appréciation du yuan supérieure aux 5% anticipés.
Ensuite, la Banque de Chine veut ralentir la distribution de crédits afin de calmer le marché de l’immobilier dont l’éclatement de la bulle pourrait avoir de graves répercussions sur le système bancaire. Pour réduire la surchauffe immobilière, le gouvernement compte également construire 10 millions de logements sociaux. La poursuite de la remontée des taux de réserves obligatoires et des taux directeurs, qui ont été relevés respectivement de 350 et près de 100 points de base en 1 an, sera néanmoins en partie compensée par le creusement du déficit budgétaire : en 2010, le déficit budgétaire de l’Etat central se creuse d’1 point de PIB sous l’impact de la progression des dépenses sociales (éducation, santé, transferts), favorable à la baisse du taux d’épargne des ménages et à leurs perspectives de consommation.