par Alexandra Estiot, économiste chez BNP Paribas
Les données publiées cette semaine ont confirmé que l’économie américaine ne croît que lentement. Si ce rythme est suffisant pour ne pas conduire à des destructions d’emplois, il ne permet pas d’en créer suffisamment pour abaisser durablement le taux de chômage.
L’ISM manufacturier n’a que marginalement reculé en août (-0,2point, à 49,6). Cependant, les détails n'étaient pas encourageants. Tout d'abord, la composante nouvelles commandes reste déprimée, à 47,1 (contre 48 en juillet).
Deuxièmement, l'indice production est tombé à 47,2, au plus bas depuis mai 2009. Troisièmement, l’indice des stocks a gagné 4 points, une augmentation qui l’a amené à son plus haut niveau depuis août de l'année dernière. Une telle augmentation du niveau des stocks dans le contexte d’actuelle atonie de la demande s’explique certainement par une reconstitution involontaire des stocks, annonçant une réduction de la production, dans les mois à venir. Finalement, en ligne avec la remontée des prix du pétrole, l'indice des prix payés a rebondi, gagnant 14,5 points pour s’inscrire à 54 en août.
Bien sûr, le secteur non manufacturier résiste mieux, l'indice ISM rebondissant à 53,7 en d'août, après 52,6 en juillet. Mais conjointement, ces deux enquêtes annoncent une croissance du PIB pour le T3 2012 aux environs de celle du T2 (+1,7%).
Le rapport emploi du mois d’août a également apporté son lot de déception. S’il a confirmé la ré-accélération des créations d'emplois dans le secteur privé des services, il a aussi mis en valeur des destructions de postes dans le secteur manufacturier. L’emploi non agricole n’a ainsi progressé que de 96 000 postes. Dans le même temps, un nombre important de chômeurs se sont découragés et ont quitté le marché, ce qui a conduit à une chute de la population active. Le taux d’activité a ainsi une fois de plus reculé (à 63,5%), expliquant à lui seul celui du taux de chômage de 8,3% à 8,1%.
La semaine dernière, Ben Bernanke, le Président la Fed, a clairement exprimé son inquiétude quant à la situation de l’emploi, avec un taux de chômage plus de deux points supérieur à son niveau naturel estimé. Il a par ailleurs exclu la possibilité que ce niveau élevé corresponde à une hausse structurelle du chômage, tout en insistant sur le fait qu’une période prolongée de chômage élevé pourrait avoir des conséquences négatives sur la croissance potentielle de l'économie. Il est très clair que la Fed est prête à davantage d’assouplissement monétaire, la réunion de septembre constituant une parfaite occasion de l’annoncer. Elle sera en effet suivie de la publication des nouvelles prévisions des membres du FOMC ainsi que d’une conférence de presse de Ben Bernanke. Le discours de Jackson Hole nous a fourni des indices quant aux possibles modalités de cet assouplissement.
Tout d'abord, Ben Bernanke ne s’est pas contenté de souligner l’efficacité des mesures quantitatives. Il a également souligné celle de la lisibilité. C’est pourquoi nous attendons que la Fed se dise prête à garder sa politique montéaire accommodante jusqu’à la mi-2015, repoussant une fois de plus la « forward guidance ».
De plus, Ben Bernanke a rappelé ce que la Fed peut et ne peut pas acheter, excluant les achats de titres autres que des Treasuries, des Agencies ou des MBS. L'accent mis sur la faible contribution du secteur du logement à la reprise tend à nous faire anticiper d’importants achats de ces deux dernières classes d’actifs. En ce qui concerne les titres du Trésor, les achats se concentreront certainement sur la partie médiane de la courbe. En effet, même si les détentions de la Fed restent limitées et donc peu susceptibles d’entraver le bon fonctionnement du marché, sur la partie la plus longue de la courbe, nous nous approchons dangereusement de ce niveau.
La question qui reste sans réponse est la possibilité d'un programme ouvert, aussi bien en termes de montants qu’en termes de durée. Il serait pertinent, aussi bien pour les Colombes que pour les Faucons, de lier directement l’assouplissement quantitatif aux conditions économiques. Le candidat serait le taux de chômage, du moins sa trajectoire. Récemment, la Fed a exclu la possibilité de fixer une cible permanente pour le taux de chômage, comme il l'a fait avec l'inflation. Mais fixer un rythme satisfaisant de baisse à court/moyen terme semble raisonnable.