États-Unis : mauvais augure

par Isabelle Job et Cécile Duquesnay, économistes au Crédit Agricole

  • Rechute inquiétante de la confiance des ménages en février.
  • Ventes immobilières plombées par les mauvaises conditions météo.
  • Rebond en trompe l’œil des commandes de biens durables.

Contre toute attente, l’enquête de confiance des ménages du Conference Board s’est inscrite en net recul en février, perdant plus de 10 points en un mois. Cette chute de moral touche tant le jugement sur la situation présente que les anticipations. La composante courante atteint même un point bas historique (19,5), du jamais vu depuis 27 ans.

Les ménages ont le sentiment que la situation sur le marché du travail s’est à nouveau détériorée, ce qui n’augure rien de bon pour les statistiques d’emploi de février attendues en fin de mois. Ainsi, 47,7% d’entre eux considèrent qu’il est difficile de trouver un emploi. La perspective de hausse d’impôts pour apurer les comptes publics, l’échec patent de la réforme de la santé, le tout dans un climat politique tendu, sont autant d’éléments qui ont pu également peser sur le moral des américains. Les mauvaises conditions climatiques et le regain de volatilité sur les marchés financiers n’ont pas non plus aidé. Mais, objectivement, tant que l’économie américaine ne se remettra pas à créer des emplois, il y a fort à penser que les ménages vont continuer à broyer du noir.

Les statistiques immobilières ont également déçu. Tout laissait présager une reprise des ventes grâce au nouveau crédit d’impôt. Celui-ci a non seulement été prolongé dans le temps (30 avril 2010 pour la signature de la promesse et 30 juin 2010 pour la signature définitive du contrat de vente), mais les conditions d’éligibilité ont été également assouplies. Et pourtant, les ventes dans le neuf ont fortement chuté en janvier (-11,2%). Avec 309 000 ventes en rythme annuel, le marché du neuf enregistre là un nouveau record de faiblesse. Ce plongeon est en partie imputable aux mauvaises conditions météorologiques avec notamment un effondrement des ventes de l’ordre de 35% dans le nord-est du pays. Mais les fondamentaux ne sont pas non plus porteurs. Côté offre, la spirale des saisies n’est pas enrayée et alimente les stocks d’invendus. Côté demande, la baisse des prix et le coup de pouce de l’Etat permettent d’améliorer les conditions d’accès à la propriété mais encore faut-il pour en profiter avoir un emploi et obtenir un crédit…

Enfin, le bond de 3% des nouvelles commandes de bien durables paraît à première vue flatteur. Mais expurgée de ses composantes volatiles (saut de 15,6% des commandes du secteur des transports), cette statistique perd de sa superbe.

En particulier, les commandes de bien en capital (hors avions), qui donnent une image plus fidèle des dépenses d’investissement au sens de la comptabilité nationale, reculent de 2,9% sur le mois. Néanmoins, grâce à un effet de base favorable, le total des commandes rebondit de 9,9% par rapport à janvier 2009, en ligne avec le signal envoyé par la composante « nouvelles commandes » de l’enquête ISM dans le secteur manufacturier. Quoique leur ampleur soit difficile à estimer, les surcapacités héritées de la crise vont durablement brider la dynamique d’investissement.

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