Etats-Unis : mollement mais sûrement !

par Isabelle Job et Laure Nguyen, économistes au Crédit Agricole

  • Après avoir subi le contrecoup de l’expiration du crédit d’impôt, le marché immobilier donne des signes de stabilisation avec en particulier un rebond des ventes dans le neuf comme dans l’ancien.
  • Les ménages ne pêchent pas par excès de pessimisme, mais leur moral continue de souffrir de la précarité de la reprise sur le marché de l’emploi.
  • 2% de croissance au troisième trimestre, c’est conforme aux attentes et en ligne avec un schéma de reprise molle post-bulle.

 

Après avoir subi le contrecoup de l’expiration du crédit d’impôt avec une chute marquée des ventes, le marché immobilier donne des signes de stabilisation. Le ventes dans l’ancien et le neuf ont rebondi de respectivement 10% et 6,6% en septembre et ce pour le deuxième mois consécutif. La prudence reste néanmoins de mise puisque cette stabilisation du secteur intervient à un niveau particulièrement bas. Les prix qui ont repris le chemin de la baisse atteste de cette reprise chaotique et laborieuse (-0,28% m/m pour l’indice Case Shiller d’août). Les conditions d’accès à la propriété sont favorables (taux et prix bas), ce qui aide traditionnellement à faire redémarrer la demande, mais elles ont du mal à mordre dans un environnement de chômage élevé et de confiance basse. La multiplication des plaintes sur l’irrégularité de certaines procédures de saisies et les comportements de défaut stratégique (ménages solvables ne payant plus leurs traites) sont des facteurs d’incertitude supplémentaire.

La confiance des consommateurs selon l’enquête du Conference Board s’est légèrement redressée en octobre (50,2, après 48,6) surtout tirée par la remontée de la composante « anticipations », elle-même alimentée par les gains récents sur les marchés actions. Le jugement sur la situation économique présente est quasi-stable (23,9 versus 23,3), reflet d’un marché de l’emploi encore convalescent. Plus de 46% des personnes interrogées jugent toujours aussi difficile de trouver un emploi aux Etats-Unis, une proportion en légère hausse par rapport au mois de septembre. Si ce message côté ménages ne prête pas à l’optimisme, les enquêtes menées auprès des entreprises sont mieux orientées. Les composantes « emplois » des enquêtes régionales de la Fed de New York et de Philadelphie dans le secteur manufacturier ont augmenté. Autre signal positif, les nouvelles demandes hebdomadaires d’inscription au chômage se sont inscrites en légère baisse ces dernières semaines. Conclusion, l’économie américaine créée des emplois, mais pas en quantité suffisante pour enclencher une vraie dynamique de reprise.

La publication de la première estimation du PIB est toujours un temps fort. Elle permet de prendre le pouls de l’économie et d’esquisser des tendances pour demain. La croissance de 2% en rythme annualisé est conforme aux attentes et le détail permet de juger de sa qualité. Cette croissance est tirée par la consommation (2,6% t/ta), ce qui est une bonne nouvelle pour une économie très dépendante de ce moteur. Ensuite, l’investissement privé reste bien orienté (+12% t/ta), preuve que les entreprises en bonne santé financière peuvent préparer l’avenir. Vous ajoutez des stocks (1,4 pp), en phase avec le cycle, et vous avez les ingrédients de la reprise. En revanche, l’investissement résidentiel a fortement reculé (-29,1%), un contrecoup naturel, après l’expiration du crédit d’impôt sachant que le marché immobilier donne depuis des signes de stabilisation. Le commerce extérieur pèse également lourde- ment et ampute la croissance de 2 pp, plus de demande domestique et du restockage étant synonymes de plus d’importations. Conclusion, la reprise est là, mais elle est toujours aussi molle. Un constat qui n’évolue guère et ne change pas la donne pour la Fed qui s’apprête à entamer un nouveau cycle d’assouplissement quantitatif. Sauf que les tenants d’une thérapie de choc risquent d’être déçus, rien ne justifiant une démarche agressive. Gradualisme et prudence s’imposent avec du QE certes, mais de taille modeste et ajustable au fil du temps.

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