par Laurent Berrebi, directeur des études économiques de Groupama Asset Management
La croissance demeure tirée par le secteur manufacturier qui bénéficie toujours de la croissance solide du commerce mondial et d’un fort restockage à court terme. C’est cette dynamique qui est à l’origine du retour des créations d’emplois dans le secteur privé, en commençant même à se propager au secteur non-manufacturier. Une hausse solide de la consommation privée de 3% au premier trimestre et la poursuite de l’amélioration de la rentabilité complètent ce tableau de reprise cyclique classique.
Cependant, le secteur manufacturier devrait connaître un ralentissement marqué de son activité dans les prochains mois en raison d’un nouveau déstockage. De plus, la croissance restera handicapée par la pénurie structurelle de crédits, signe d’une solvabilité des emprunteurs toujours défaillante. De cette déflation financière découle une déflation immobilière durable et des pressions déflationnistes sensibles dans le reste de l’économie.
La baisse du prix des actifs immobiliers est une puissante force de désendettement, en particulier, pour les ménages. La remontée de leur taux d’épargne qui est redescendu jusqu’à 3% devrait être sensible : leur consommation connaîtra des bas. La reprise cyclique sera au mieux modérée.
Zone euro : la reprise peine à s’affirmer
Après un essoufflement au dernier trimestre 2009, le PIB devrait croître légèrement au premier trimestre 2010. Le secteur industriel demeurera le moteur de la croissance, grâce au cycle favorable des stocks et au dynamisme des exportations, surtout en Allemagne, qui demeure l’élément clef de la poursuite du redressement à plus long terme.
En revanche, l’activité dans les services cale, souffrant de la faiblesse de la demande intérieure. Plus particulièrement, la consommation des ménages amputera la croissance au premier trimestre, comme l’indique la stagnation, depuis plusieurs mois, de la confiance des ménages, très inquiets de la dégradation du marché de l’emploi : le taux de chômage a atteint 10%, son niveau le plus élevé depuis août 1998.
De plus, le secteur de la construction souffre durablement de la crise immobilière dans plusieurs pays, et ponctuellement des très mauvaises conditions climatiques en Allemagne où l’activité s’effondre de 15% au premier trimestre 2010. Enfin, les inquiétudes persistantes autour de la dette souveraine, grecque notamment, continueront de peser sur l’ensemble de l’économie de la zone euro à moyen terme. Dans ce contexte d’une demande intérieure affaiblie, l’inflation rebondit ponctuellement en mars, à cause des effets de base sur les prix alimentaires et énergétiques : elle devrait reprendre le chemin de la baisse dès le mois prochain.
Chine : croissance robuste et restructuration en marche
Après +11,9% au premier trimestre 2010, la croissance chinoise est en voie de consolidation, se réorientant de l’investissement vers la consommation. C’est bien la politique économique qui en est à l’origine. D’un côté, les ventes au détail accélèrent en dépit de la remontée de l’inflation de 1,9% à 2,7% due aux prix agroalimentaires. La politique budgétaire augmente de 8% les transferts sociaux et de 80% les dépenses pour le logement social, avec pour objectif de réduire le taux d’épargne des ménages.
En revanche, l’investissement tant résidentiel que non-résidentiel décélère sensiblement : le durcissement de la politique monétaire, avec une observation stricte des quotas des crédits alloués aux différentes banques et provinces, a entraîné un ralentissement très marqué des crédits, qui n’augmentent plus que de 21% sur un an en mars, contre près de 35% fin 2009.
Après l’accalmie des tensions sino-américaines, la voie semble ouverte à une appréciation du yuan vis-à-vis du dollar, qui participerait à la réorientation indispensable de la croissance de l’investissement vers la consommation.