par Laurent Berrebi, directeur des études économiques de Groupama Asset Management
La chute de la production industrielle en mai annonce une contraction du PIB de l’ordre de 4% en T2. Le retour de la croissance au cours du second semestre n’est cependant pas remis en cause, comme l’indique la poursuite de l’amélioration des indicateurs avancés. Mais, il n’est pas définitivement acquis.
En effet, en dépit de récents signes de stabilisation, une rechute du marché de l’immobilier est d’autant plus probable que les taux ne repassent pas rapidement en-dessous de 5%. De plus, le désendettement de tous les agents du secteur privé face à la crise de solvabilité va continuer à guider leur comportement.
Les établissements de crédit, sous-capitalisés pour faire face à l’explosion des défauts, réduisent leur bilan substantiellement : leurs créances sur les agents privés ont diminué de près de 700 Md$ en T1, soit 5 points de PIB, dont près des ¾ (500 Md$) sur les entreprises.
Même si les entreprises ont pu y faire face par de massives émissions obligataires depuis le début de l’année, leur désendettement, devenu un impératif, affectera leurs dépenses d’investissement : les profits chutent toujours et leur dette représente plus de 100% de leur valeur ajoutée, record depuis l’après seconde-guerre mondiale.
Enfin, la hausse du taux d’épargne des ménages à 6,9% en mai, dont 2 points servent à la réduction de la dette, devrait encore se poursuivre mais la consommation se stabiliser grâce aux réductions d’impôts et aux aides sociales supplémentaires.
Zone euro : fragile amélioration des anticipations
La production industrielle baisse sur un rythme mensuel de 1,3% en avril pour le deuxième mois consécutif au lieu du double en début d’année. Les indicateurs avancés poursuivent leur amélioration dans tous les pays : l’Italie et la France sont même bien positionnées pour enregistrer une augmentation de l’activité industrielle compte tenu de stocks insuffisants dans l’industrie, ce qui n’est absolument pas le cas de l’Allemagne. Cependant, la perception de la situation actuelle demeure toujours aussi mauvaise et les carnets de commandes tant étrangers que domestiques des industriels continuent à se dégarnir. De plus, les profits des entreprises se sont effondrés en T1, en raison du retard de l’ajustement de l’emploi qui devrait continuer à se contracter sur un rythme trimestriel de 1,2% comme en T1 2009.
En effet, sous l’impact de l’effondrement de la productivité du travail, le coût salarial unitaire accélère vivement passant d’une hausse annuelle de +4,3% en T4 2008 à +5,6% en T1 2009, alors que les prix de la valeur ajoutée des entreprises ont baissé de 0,2% en T1, ce qui est exceptionnel dans le contexte de chute des prix de matières premières : les entreprises ne peuvent pas répercuter l’explosion de leurs coûts salariaux sur leurs prix de vente en raison des pressions déflationnistes, que la hausse exponentielle du chômage de 9,4% aujourd’hui à 11% d’ici la fin de l’année devrait intensifier. Le PIB devrait réduire sensiblement son rythme de contraction de -2,5% à -1,5%.
Japon : une croissance tirée par la relance publique, mais une situation financière des entreprises inquiétante
Le rythme de contraction du PIB devrait sensiblement se réduire passant de 16% T/T annualisé en T1 à moins de 2% en T2. Les indicateurs avancés et la production industrielle (+5,9%) ont affiché de belles hausses sur le mois. La croissance est soutenue par les échanges extérieurs qui ramènent la balance commerciale en territoire positif et par la consommation qui bénéficie des aides publiques, notamment celles liées à l’achat d’une automobile neuve.
Cependant, l’investissement en construction continue de baisser, les dépenses du secteur public ne compensant que partiellement l’effondrement du secteur privé. Les excès de stocks restent considérables et devraient pénaliser la croissance pendant plusieurs trimestres.
Enfin et surtout, l’état de la situation des entreprises empêche d’imaginer toute croissance durable au Japon. Leur situation financière et leur rentabilité se dégradent fortement en dépit de la sévère contraction de la masse salariale. Fait unique, l’ensemble du secteur manufacturier est en perte en T1. Les très difficiles conditions de crédit poussent les entreprises à couper leurs investissements et leur masse salariale sur un rythme sans précédent. Face à des offres d’emplois de 58% insuffisantes aux demandes en mai, le taux de chômage va continuer son ascension fulgurante (5,2%) et les salaires fortement baisser. Au total, le Japon s’enfonce dans la déflation : à -1,5% en juin à Tokyo, le taux d’inflation annuel est proche de son record bas enregistré en février 2008 à -1,7%.