par Laurent Berrebi, directeur des études économiques de Groupama Asset Management
La politique économique a réussi à enrayer la chute libre de l’activité. La forte augmentation des prestations sociales en début d’année et l’abaissement des taux hypothécaires à des minima historiques grâce aux actions de la Réserve Fédérale, ont permis une légère croissance de la consommation en T1, après deux trimestres de forte contraction. Mais, la récession est loin d’être terminée. Les surcapacités sont considérables, le taux d’utilisation des capacités de production est tombé à près de 70 %, un plus bas historique.
Les grandes entreprises ont continué en T4 à distribuer une masse de revenus démesurée aux actionnaires, alors que les PME voient le robinet du crédit se fermer à cause d’une situation financière désastreuse. Enfin, les ménages qui souffrent d’un marché de l’emploi apocalyptique sont tombés dans la trappe à liquidités : la moitié du taux d’épargne actuel (4,5 %) sert au désendettement, l’autre moitié à l’augmentation des liquidités. La hausse fulgurante du chômage (8,5 %) qui va se poursuivre, empêche toute réanimation de l’immobilier résidentiel. Les banques vont avoir un besoin énorme de recapitalisations que nous évaluons autour de 300 Md$, compte tenu de l’implosion du système financier et de l’explosion des défauts sur les créances du secteur privé. À ce titre, le plan Geithner de révélation des actifs toxiques est absolument nécessaire mais insuffisant.
Zone euro : un premier trimestre désastreux
La production industrielle dégringole de 3,2 % en janvier. En quelques mois, la récession a effacé 10 (Allemagne), 15 (France), voire 20 (Italie) années de croissance pour la première fois depuis la grande dépression. Le PIB devrait se contracter de 2 % en T1 après – 1,6 % en T4 2008. Dans les pays périphériques (Pays-Bas, Belgique, Espagne, Irlande), le plongeon des crédits aux entreprises inquiète à raison : les entreprises européennes sont prises à la gorge par l’explosion des coûts salariaux que les pressions déflationnistes empêchent de répercuter. La productivité chute sous l’impact du retournement brutal de l’activité, alors que les salaires réels opèrent un rattrapage partiel, augmentant de 1 % en 2008 après 7 années de stabilité.
En France, la marge d’exploitation chute de 1,5 point en T4, le taux d’autofinancement tombe à 55 %, le besoin de financement externe remonte à près de 10 % de leur valeur ajoutée, une situation inconnue depuis le début des années 80. Les entreprises n’ont alors d’autre choix que de réduire massivement leurs dépenses d’investissement et leur masse salariale. L’emploi dans l’ensemble de la zone baisse probablement deux fois plus en T1 qu’en T4 2008 (- 0,3 %). L’explosion générale du taux de chômage de 8,1 % à 8,5 % en l’espace de deux mois coupe l’accès des ménages aux crédits, notamment immobiliers qui se réduisent de près de 30 % en Belgique, 10 % en Irlande, 5 % aux Pays-Bas. Le volume de nouvelles immatriculations d’automobiles revient à son niveau de 1997. Le PIB devrait chuter de 4 % en 2009.
Japon : effondrement de la situation financière des entreprises
La contraction du PIB devrait être de l’ordre de 5 % en T1 2009 après – 3 % le trimestre précédent. En l’espace de quelques mois, la production industrielle a effacé 25 ans de croissance.
Ce retournement brutal va marquer encore plusieurs mois l’économie japonaise, en raison de son impact sur le bilan des entreprises. La marge nette dans l’industrie s’est effondrée pour revenir au niveau de 1974 en T4 2008. T1 2009 verra probablement pour la première fois une masse de profits négative. Selon l’enquête du Tankan de mars, la situation financière des entreprises s’est dégradée très violemment, alors que les conditions de crédit retrouvent les niveaux critiques de la pénurie de crédit 1997. Les entreprises vont alors procéder à un ajustement encore très important de l’investissement et de l’emploi. Les offres d’emplois sont maintenant de près de 40 % insuffisantes par rapport aux demandes et les réductions d’emplois touchent davantage les employés permanents, dont le salaire moyen est 80 % plus élevé que celui des contractuels. Les bons d’achats dispensés aux ménages par les gouvernements locaux (12 000 yens par personne et 20 000 yens pour les plus de 65 ans) ne compenseront pas la perte des revenus salariaux et la consommation devrait continuer à fortement baisser. En dépit d’un autre plan de relance en cours de débat au parlement, représentant 2 % du PIB, l’évolution de la situation économique japonaise reste pour l’heure conditionnée à celle du commerce mondial. Nous tablons sur une chute historique de 8 % du PIB en 2009.