par Laurence Boone, Chef économiste France de Barclays Capital
La situation US diffère un peu de la situation de la zone euro pour sa croissance (2011 : 2.8% vs 2%), le chômage (9.1% vs 9.7%) mais est bien moins bonne pour les finances publiques (déficit de 7.1% vs 3.5% of GDP), alors même que c’est la zone euro qui est sous pression pour ses finances !
Le fait que la politique budgétaire est fédérale aux Etats-Unis et principalement nationale en zone euro implique en effet des différences importantes pour la conduite de la politique économique :
- on ne peut pas comparer des Etats d’Etats-Unis aux Etats de la zone euro (puisque une grande partie –environ 30%- du budget des premiers vient de l’Etat fédéral, alors qu’en zone euro le budget est du ressort de la souveraineté nationale –le budget de la zone euro est environ 1% du PIB de la zone) ;
- le quantitative easing à grande échelle tel qu’il est pratiqué aux Etats-Unis est quasi-impossible en zone euro.
Ceci implique que la solution à la question budgétaire de la zone, qui n’est pas plus dramatique que celle des Etats-Unis, ne peut cependant se traiter de la même façon. En outre, les Etats de la zone euro ne cessent de rappeler que le fédéralisme budgétaire n’est pas leur modèle. La solution euro doit donc pouvoir être appliquée à des pays, tout en respectant leur souveraineté mais en vue d’assurer la stabilité de la zone. Nous résumons ici les principales difficultés des pays de la zone et l’option possible pour une sortie de cette crise :
- Espagne: les problèmes bancaires sont principalement dans les prêts au secteur commercial et pas dans les prêts immobiliers. Par conséquent l’explosion du taux de chômage aurait un impact plus limité sur les prêts déficients, d’autant que des provisions significatives sur les prêts immobiliers ont été construites en période de croissance. Nos estimations des pertes à attendre et coûts pour l’Etat sont d’environ €46md ; dans l’éventualité où ces pertes seraient doublées nous estimons que la dette de l’Etat pourrait grimper jusque 84% du PIB en 2014 et décliner ensuite. Les finances espagnoles risquent cependant d’être sur une trajectoire non soutenable si les taux atteignent 7% de façon persistante.
- Portugal : le coût de recapitalisation du système bancaire serait modeste à €10md. Le Portugal souffre plus d’un problème de compétitivité qui mettra du temps à se résorber, c’est pourquoi la réduction de la dette et de déficit risque d’être plus lent que le temps du marché. Au total, notre scénario central est que le ratio dette sur PIB pourrait atteindre les 100% en 2014 ; un taux d’intérêt de 6% mettrait la soutenabilité de la dette en question ;
- Soutien européen : avec le FMI, l’ensemble du soutien européen suffirait à couvrir les besoins aujourd’hui estimés du Portugal et de l’Espagne, en plus de l’Irlande pour jusque 2013, si les taux se stabilisaient à des taux moins élevés que les courants. Dès lors que toutes ces conditions ne sont pas réunies, il faudrait envisager une extension du programme existant d’au moins €100md d’après nos calculs, l’idéal étant néanmoins une absence de limite supérieure au mécanisme de soutien, le marché ne pourrait tester une telle limite. L’émission de bonds euro nous semble difficile à mettre en place pour des raisons politiques aujourd’hui (l’appétit budgétaire que cela nécessiterait étant relativement faible). Une absence de limite aux garanties, conditionnelle bien sur, serait une « troisième voie » acceptable.