par Michel Martinez, responsable adjoint de la stratégie chez Amundi AM
La menace d’une rechute en récession de l’économie américaine a plané durant l’été et pesé sur les marchés financiers. Ce risque existe mais les fondamentaux plaident en faveur de la poursuite de la reprise et d’une amélioration tangible du marché du travail.
Après la crise, le rebond de l’économie américaine a reposé essentiellement sur des facteurs temporaires, comme la reconstitution des stocks des entreprises ou les effets du plan de relance décidé en janvier 2009. Il était attendu qu’à l’été 2010 l’impact de ces facteurs s’amenuise et qu’un tournant majeur s’opère, l’économie américaine parvenant à entretenir une dynamique autonome.
Las, les dernières statistiques économiques sur l’emploi, l’immobilier ou la consommation ont déçu. Au point que la Fed, la Banque centrale américaine, s’est engagée à réagir si la conjoncture continuait de se dégrader. Parmi les facteurs explicatifs, on relève deux surprises principales, favorables sur le moyen terme, mais qui fragilisent l’économie à court terme.
La première surprise concerne les ménages américains. Peu d’observateurs s’attendaient à ce que leur désendettement soit aussi rapide. En un an, leur dette a baissé de près de 5 % du PIB. Leur taux d’épargne a bondi, passant de 0 % avant la crise à 6 % aujourd’hui, un niveau que l’on n’avait plus observé depuis 1994. Ce processus de désendettement devrait se prolonger plusieurs années, mais les enquêtes effectuées auprès des banques sur les conditions du crédit sont rassurantes et suggèrent qu’il devrait ralentir dans les prochains mois.
La deuxième surprise est relative aux entreprises américaines, qui n’embauchent pas autant que prévu. Celles-ci ont recouvré une bonne santé financière en réalisant des gains de productivité considérables. La part des salaires dans la valeur ajoutée est tombée au deuxième trimestre 2010 à un plus bas depuis la seconde guerre mondiale.
Normalement, une telle situation ne devrait pas perdurer et l’investissement et l’emploi devraient repartir significativement. Les signes sont encourageants du côté de l’investissement, en nouvelles technologies notamment. Mais dans l’ensemble, les entreprises demeurent hésitantes à réembaucher, probablement inquiètes sur les perspectives de la demande.
À la sortie de l’été, la conjoncture américaine apparaît donc fragilisée et un scénario de rechute ne peut pas être exclu. L’incertitude pourrait se prolonger quelques semaines avant que les fondamentaux ne reprennent leurs droits et que le marché du travail ne s’améliore de façon tangible. Si jamais cette reprise tardait de nouveau, la Fed interviendrait pour faire baisser les coûts de financement de l’économie comme elle s’y est engagée. Mais un nouveau plan de relance, après les “midterm” élections de novembre serait alors requis pour soutenir la demande.