par Christophe Morel, Chef économiste chez Groupama AM
La décision du statu quo monétaire a manifestement été serrée.
• D’abord, le communiqué est clairement plus optimiste (sur l’activité globale et sur le marché du travail) et sa tonalité est globalement interprétée comme hawkish* selon notre indicateur ;
Ensuite, il y a eu 3 dissent** dont 2 ne sont pas des « faucons » structurels ; c’est seulement la 4ème fois en 30 ans qu’il y a 3 dissent dans le sens du resserrement ! Enfin, J. Yellen n’a pas été très convaincante dans la conférence de presse. Les mesures de lisibilité montrent d’ailleurs que la conférence de presse n’était pas d’une grande limpidité. Elle n’a pas vraiment expliqué pourquoi le comité n’avait pas relevé le taux directeur d’autant qu’elle a reconnu que les indicateurs économiques avaient été positifs. Son analyse sur le marché de l’emploi n’est plus cohérente puisqu’elle considère désormais qu’il y a encore une marge sensible d’amélioration alors que ses dernières interventions suggéraient que le retard d’emploi était pratiquement comblé. Elle n’a pas été précise sur les facteurs qu’elle attend pour remonter plus tard dans l’année si ce n’est une « poursuite de l’amélioration de l’emploi » et la « non matérialisation de risque nouveau ». Elle n’a pas justifié pourquoi le Brexit constituait un risque plus élevé que les élections américaines. Elle a reconnu qu’il pouvait y avoir un excès de valorisation dans l’immobilier commercial sans expliquer pourquoi les conditions monétaires actuelles permettaient de résorber plus de déséquilibres qu’ils ne pouvaient en créer.
• La Fed a davantage capitulé sur la thèse du « new normal ».
Les banquiers centraux ont abaissé leur estimation de la croissance potentielle de 2.0% à 1.8% se rapprochant ainsi de notre propre estimation à 1.6%. J. Yellen l’a justifié par une baisse de la productivité et en reconnaissant une certaine faiblesse de l’investissement. Après avoir déjà fortement ajusté à la baisse en juin la trajectoire attendue sur les Feds Funds (les dots), les banquiers centraux ont poursuivi encore sensiblement le mouvement hier. Sur 2016-2017, les banquiers centraux américains ont enlevé l’équivalent de deux hausses de 25 pdb, anticipant désormais un Fed Funds environ à 1.25% fin 2017 et 2.0% fin 2018. Désormais, le scénario moyen de la Fed est en ligne avec le nôtre, à savoir une hausse en 2016 et deux hausses en 2017.
• Au final, le plus probable reste que la Fed resserre cette année, et ce serait donc en décembre.
D’ailleurs, la balance des risques sur l’environnement économique n’est plus à la baisse, mais est devenue « globalement équilibrée ». Désormais, le scénario de la Fed est peu ou prou en ligne avec le nôtre et avec celui du marché une fois que l’on a corrigé ces anticipations d’un effet prime de terme négative.
Reste que le resserrement en 2016 n’est pas non plus acquis pour deux raisons : le momentum économique devrait être moins positif au T4 qu’au T3 tel que le suggèrent notamment les composantes « emploi » des indicateurs avancés ; ensuite, la Fed a clairement tendance à privilégier le statu quo lorsqu’il y a des signaux contradictoires, ce qui est pourtant normal même en période de croissance.
NOTES
*Stricte
** Dissident