Fed : it’s the economy, stupid !

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

On présente Alors que la Banque du Japon a récemment annoncé son objectif de multiplication par deux de sa base monétaire et que la Banque Centrale Européenne réfléchit à rendre ses conditions monétaires plus accommodantes, la Réserve Fédérale américaine entretient le doute sur l’orientation à venir de sa politique monétaire, en particulier sur l’avenir du QE31.

Ainsi, la grande question qui anime actuellement les marchés est celle de savoir quand la Fed va décider de diminuer ses achats de titres. Or les discours des différents membres de la Fed ne donnent pas une idée claire de la réponse puisqu’ils reflètent un spectre assez large de l’appréhension de l’état de l’économie et de la politique monétaire menée.

Entre certains présidents régionaux (très hawk2) qui souhaiteraient un arrêt immédiat des achats et des membres du Board des gouverneurs (très dove) qui pourraient envisager une augmentation des montants, les avis divergent fortement. Dans son discours devant le Joint Economic Committee, B. Bernanke n’a pas donné de réponse claire, mettant en avant que leur décision dépendra de l’évolution de l’économie… En d’autres termes, si les créations d’emplois restent dynamiques (200 000 par mois semblent faire consensus) alors la Fed pourrait réduire ses achats.

Nous ne voyons pas de sortie très rapide (dès l’été) du QE3 pour plusieurs raisons, la principale étant le souhait de la Fed de contrecarrer les effets adverses de la réduction du déficit public en gardant un policy-mix très accommodant.

• La politique budgétaire devient en effet plus restrictive même si pour le moment les effets sur la croissance ont été limités. Les Etats-Unis vont probablement enregistrer une baisse de leur déficit public de 3pts en 2013 le ramenant à 4% du PIB. Cette très nette réduction, le déficit serait de l’ordre de 660Md$ en 2013 après 1087Md$ en 2012, s’explique par la baisse combinée des déficits structurel et conjoncturel. En effet, le « fiscal cliff »3 représente environ 1,5pt de PIB et est constitué d’un mélange de hausses d’impôts (payroll tax, hausse des taux d’imposition sur les hauts revenus,…) et de baisses de dépenses (sequestration, unemployment benefit,…). Le reste de l’amélioration du déficit est imputable au retour de la croissance auquel il faut rajouter le paiement exceptionnel d’un dividende de 95 Md$ des deux agences, Freddie Mac et Fannie Mae, qui avaient été mises sous tutelle de l’Etat en 2008.

• De plus, le dollar a tendance à s’apprécier ce qui est défavorable pour les exportateurs américains, le dollar effectif (principales devises) ayant gagné 6% depuis début 2013.

• Dans ce contexte, la croissance américaine devrait avoir tendance à ralentir dans les mois qui viennent impliquant une très faible baisse du taux de chômage (7,3% à l’automne selon nos prévisions vs 7,5% en avril). L’inflation restera, quant à elle, bien en deçà de l’objectif de 2%.

• La Fed n’est pas insensible aux risques associés au QE3 qui sont la création de bulles sur certains marchés et donc le risque d’une baisse brutale dans le futur. Pour autant, elle les juge encore acceptables, pensant pouvoir les maîtriser par sa stratégie de sortie des politiques non conventionnelles qui privilégie une sortie en douceur avec probablement une extinction progressive (les titres arrivant à maturité). Par ailleurs, la baisse du déficit et donc du besoin de financement de l’Etat rendra moins nécessaire les achats de titres d’Etat.

• Enfin, les membres votants cette année sont plutôt considérés comme des « doves » (cf. Hawk-o-meter classant les participants en fonction de leur orientation).

La Fed pourrait ainsi attendre l’automne pour annoncer une diminution des achats qui concernerait d’abord les titres MBS et s’étendrait ensuite aux titres du Trésor fin 2013.

NOTES

  1. QE3 : programme d’achats de titres de 85 Md$ par mois (MBS : 40Md$ et titres du Trésor : 45Md$).
  2. Hawks : en faveur d’une politique plus restrictive ; doves : en faveur d’une politique plus expansionniste.
  3. Falaise budgétaire

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