par William de Vijlder, Chef économiste de BNP Paribas
Serait-ce une perte de temps de regarder en direct les conférences de presse des présidents de banque centrale ? Je me posais la question en suivant, mercredi dernier, la séance des questions-réponses de Jerome Powell avec les journalistes sur YouTube. Les questions étaient claires mais les réponses souvent vagues. Cela m’a rappelé les conférences de presse de Mario Draghi. « Il n’en a pas été question » est une réponse que l’on retrouve fréquemment dans les FAQ. Mais peut-on véritablement s’attendre à autre chose ? Après tout, les opérateurs du marché (et les journalistes) espèrent des réponses claires permettant de balayer les incertitudes, tout en sachant dans le fond que les banques centrales sont dans l’incapacité de les leur donner pour la simple raison qu’elles ne peuvent pas se pré-engager. L’avenir n’est-il pas pavé d’incertitudes ?
La conférence de presse du président de la Fed n’a toutefois finalement pas manqué d’intérêt, et pas seulement pour ce commentaire selon lequel la politique budgétaire des Etats-Unis est sur une trajectoire non viable, qu’il va falloir rapidement rectifier, ou pour sa remarque sur les effets néfastes d’une hausse généralisée et durable des droits de douane sur les travailleurs américains, mais aussi et surtout pour ses observations sur les facteurs qui déterminent la politique monétaire. Premièrement, il a fait une mise au point, en annonçant que la politique reste accommodante, même si le terme a été supprimé dans le communiqué de presse, qui a aussitôt été accueillie par un repli des rendements obligataires pendant la conférence de presse (graphique 1). Deuxièmement, le président a insisté à plusieurs reprises (de manière implicite) sur la dépendance des décisions de politique monétaire à l’égard de la conjoncture, ce qui n’était pas sans rappeler son discours à Jackson Hole en août dernier. Troisièmement, le FOMC tient compte des évolutions sur les marchés financiers : « S’il y a des évolutions auxquelles nous devons réagir c’est soit une correction significative – significative – et durable sur les marchés financiers, soit un ralentissement économique non conforme à nos prévisions » et « vous savez, ce que nous allons faire, en supposant que nous restions sur cette trajectoire, nous allons surveiller de près les données d’activité comme celles sur les marchés financiers et nous demander si notre politique tend vers les objectifs que nous voulons atteindre ». Et d’ajouter aussitôt, comme pour se garder de générer un « Powell put » sur le marché actions « mais, vous savez, je ne voudrais pas – je ne voudrais pas spéculer sur ce que devraient être les conséquences d’une correction du marché ». Il a, enfin, minimisé l’importance des projections à long terme : « Vous savez, il s’agit d’un avenir lointain. Je pense qu’on peut difficilement dire avec certitude que telle sera – que telle sera la tournure des événements ». Autant de raisons qui expliquent pourquoi le taux des Fed Funds attendu (tel que découlant des contrats à terme) est bien inférieur aux projections du FOMC (graphique 2). Non que les investisseurs entendent les propos du président sans les écouter ; bien au contraire, ils leur prêtent la plus grande attention et, à l’instar du FOMC, parient sur le fait que la courbe de Phillips restera plate.