par Thomas Julien et Inna Mufteeva, économistes chez Natixis
La Réserve Fédérale a créé la surprise en laissant inchangé son programme d’achats quantitatifs lors de la réunion des 17 et 18 septembre. Elle continuera ainsi d’acheter 45Md$ de titres du Trésor et 40Md$ de MBS par mois. Alors que les attentes tablaient sur une réduction du rythme des achats, cette décision a engendré une hausse marquée des marchés actions et une baisse des taux obligataires, principalement sur les maturités de 2 à 10 ans.
A l’issue de la réunion, la Fed a avancé trois raisons principales pour expliquer sa décision : la première, et certainement la plus importante, est une amélioration des conditions économiques jugée insuffisante par rapport aux attentes du comité, qui anticipait une accélération de la croissance en seconde partie d’année. La Fed a ensuite mentionné la détérioration des conditions de financement qui s’est matérialisée au travers de la hausse des taux d’intérêt depuis le mois de mai. Pour finir, la banque centrale s’inquiète également de l’impact du resserrement fiscal sur l’économie, en particulier, des coupes dans les dépenses liées à la séquestration et des incertitudes qui pourraient être associées aux négociations à venir sur le plafond de la dette (la date butoir est fixée mi-octobre). Par ailleurs, la Fed a souligné que l’inflation est restée faible bien que cela soit en partie attribuable aux fluctuations des prix de l’énergie.
En parallèle, le communiqué de la réunion de politique monétaire de septembre indique une légère dégradation de la perception de l’environnement macroéconomique par la Fed. En effet, le commentaire relatif à l’amélioration du marché du travail reste toujours très prudent, tandis que le resserrement des conditions financières représente une inquiétude croissante pour les membres du FOMC, notamment vis-à-vis de l’impact sur le marché immobilier. Les prévisions de croissance du comité ont été révisées à la baisse pour les années 2013-2014. Seul 2015 a été légèrement révisé à la hausse. Le Comité s’est également prononcé sur les perspectives 2016 avec une croissance au-dessus de son potentiel (de 2,5% à 3,3%). En revanche, le taux de chômage a été revu à la baisse sur la période 2013-2014 mais légèrement à la hausse pour 2015.
Malgré ces anticipations plus optimistes à moyen long terme, le biais « dovish » du FOMC en ce qui concerne la première hausse du taux directeur, s’est vue très légèrement renforcée, avec toujours une large majorité des membres qui anticipent la première hausse en 2015. De même, bien que les perspectives de croissance soient attendues fortement positives en 2016, les prévisions du taux Fed Funds par les membres (autour de 2% contre un niveau de long-terme estimé à 4%), indiquent que la normalisation de la politique des taux ne sera que très graduelle.
La sortie en douceur des politiques accommodantes semble une question cruciale pour la Fed, qui s’apprête à s’appuyer davantage sur l’autre élément clef de son approche actuelle, la « forward guidance » ou l’engagement conditionnel à maintenir la politique des taux zéro. Bien que ce dernier n’ait pas subi de changements lors de la dernière réunion de la Fed, Bernanke a souligné la poursuite des discussions à ce sujet, ce que devraient confirmer les prochaines Minutes du FOMC (attendues dans trois semaines). Si une baisse du seuil du taux de chômage de 6,5% à 6,0% semble désormais moins probable, la Fed cherche actuellement à affirmer l’idée que les taux ne seront relevés qu’une fois le taux de chômage aura atteint un niveau « considérablement » inférieur à 6,5% (dixit Bernanke). La seconde option actuellement discutée pourrait prendre la forme d’une cible basse d’inflation, dans le but de défendre l’objectif de stabilité des prix poursuivi par la Fed.
Avant d’envisager le début de la réduction du QE, il sera impératif d’observer une dynamique de croissance plus soutenue. En particulier, les indicateurs du marché du travail devront être suivis avec attention. Avec peu de nouvelles données macroéconomiques disponibles avant la réunion qui aura lieu fin octobre, il apparait assez peu probable que la Fed choisisse cette date pour modifier sa politique. La réunion de décembre en revanche, constitue un bon candidat, puisque suffisamment d’indicateurs auront pu être observés tandis que la dynamique de croissance est attendue en meilleure tenue et les incertitudes fiscales auront probablement été évacuées. La fin du QE pourrait ainsi intervenir en deuxième partie d’année 2014. Quant à la politique des taux, nous maintenons nos attentes pour une première hausse envisagée mi-2015.