par Jalila Aziki, Gérante de portefeuille taux et monétaire chez BFT Investment Management
Dans un contexte de hausse attendue des taux d’intérêts, l’écartement des spreads devrait se poursuivre en 2019, préservant l’attractivité des fonds monétaires. Ainsi, après avoir atteint un point bas, les performances devraient progressivement retrouver des couleurs.
L’année 2018 ne restera pas comme un grand cru pour le marché français des fonds monétaires au global. Après des années de forte collecte dans un contexte de taux négatifs du fait de l’assouplissement monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), la classe d’actifs a en effet subi un mouvement de décollecte depuis le deuxième trimestre 2018. Les sociétés de gestion commencent également à être confrontées à une concurrence accrue des grandes banques commerciales qui cherchent à séduire les entreprises en leur offrant des taux préférentiels sur les dépôts à vue, préparant ainsi le terrain à une remontée graduelle des taux d’intérêts.
Des performances attendues en hausse
Pour autant, les encours des fonds monétaires restent encore confortables et la classe d’actifs conserve tout son attrait. Certes, depuis trois ans, les taux monétaires sont à leur plus bas niveau, dans un contexte d’accroissement de l’excès de liquidités soutenu par les mesures non-conventionnelles de la BCE. En parallèle, pendant toute l’année 2017 et une bonne partie de l’année 2018, les marges de crédit (« spreads ») ont également atteint leur plus bas niveau. Toutefois, depuis quelques mois, nous avons constaté un écartement de ces spreads. Cet écartement se révèle particulièrement intéressant sur les émetteurs bancaires qui anticipent la fin du quantitative easing et du TLTRO de la BCE pour placer davantage de titres sur le marché. Cette tendance à l’écartement des spreads devrait donc se poursuivre tout au long de l’année 2019 ce qui, pour les fonds monétaires, donne la possibilité d’accéder à des taux ou des marges plus élevés. Dans un tel environnement, nous avons réduit la duration moyenne des investissements pour ne pas pâtir de cet écartement des spreads et pour pouvoir investir sur des taux plus élevés.
Par ailleurs, la hausse attendue des taux d’intérêt en 2019, même modeste et plutôt dans la deuxième partie de l’année, devrait redonner de l’attrait aux fonds monétaires. Enfin, les performances, même si elles demeurent encore faibles à l’aune du niveau des taux d’intérêt, ont atteint un plancher. Nous anticipons donc une remontée des performances en 2019. Finalement, le marché des fonds monétaires a atteint un point d’inflexion sur les marges et les taux d’intérêt. En termes de rendement, le pire est donc certainement derrière nous. Cependant, les marchés sont de plus en plus volatils et les investisseurs de plus en plus averses au risque. Le monétaire peut alors apparaître comme un actif de repli, d’autant que ses performances s’améliorent.
Un nouveau cadre réglementaire
En Europe, l’industrie des OPCVM monétaires va désormais apprendre à vivre avec un nouveau cadre réglementaire. Le règlement européen sur les fonds monétaires (Money Market Funds Regulation ou MMFR) va en effet pleinement entrer en vigueur à compter du 21 janvier 2019. Sa principale vocation est de mieux encadrer les produits monétaires et de réduire les risques liés à un désengagement brutal et massif des investisseurs. Cette réglementation découle de bonnes pratiques prudentielles auxquelles se conforment déjà un bon nombre d’acteurs de ce marché.
Ainsi, le règlement MMFR fixe des règles d’investissements plus restrictives dans un souci de renforcement de la diversification : ratio de 5% appliqué au groupe émetteurs, évaluation plus stricte de la qualité de crédit, introduction de nouveaux ratios de liquidités (7,5% de l’actif géré à 1 jour et 15% de l’actif géré à une semaine). Les plus gros chantiers portent finalement sur le volet « reporting » de la réforme. De fait, les équipes de gestion des risques des sociétés de gestion doivent déployer d’importants moyens pour fournir des « stress tests » sur les fonds monétaires. Les sociétés de gestion vont également devoir s’astreindre à publier deux nouveaux reportings clients : le premier sur une base hebdomadaire et le second sur une base trimestrielle. Au regard de ces nouvelles obligations, et du niveau de liquidité à conserver, les petites sociétés de gestion pourraient éprouver des difficultés pour conserver une telle activité en leur sein. Dans ce contexte, nous pourrions assister à une concentration du marché et des acteurs, ceux n’ayant pas la taille critique étant alors contraint de sortir du secteur.
Adieu l’EONIA, bonjour l’ESTER
Le principal chantier de l’année 2019 reste toutefois la mise en place d’un nouveau taux de référence pour les produits obligataires et monétaires. La BCE a en effet rendu son verdict et a décidé de sélectionner l’Ester (European Short Term Rate) comme indice sur les taux d’intérêts de référence pour succéder à l’Eonia. Ce dernier ne pourra donc plus être la référence dans les contrats financiers à partir du 1er janvier 2020. Jugé plus solide que l’Eonia, l’Ester s’appuiera sur les statistiques collectées par la banque centrale auprès de 52 établissements bancaires de la zone euro. Un panel plus large que l’Eonia (qui se concentre sur 28 banques seulement aujourd’hui) qui se veut le garant d’une plus grande représentativité des pays européens. En outre, là où l’Eonia se concentrait exclusivement sur les opérations déclarées par les banques, l’Ester pourra prendra en compte à la fois les transactions bancaires et celles d’autres entités financières. Le marché est désormais dans l’expectative et attend la publication officielle de l’Ester, prévue pour octobre 2019. Tous les intervenants sur les marchés obligataires et monétaires doivent d’ores et déjà se préparer à l’Ester. Or, à ce stade, beaucoup d’incertitudes demeurent, notamment sur les étapes de la transition de l’Eonia vers l’Ester.