France : à la recherche de la croissance perdue

Par Laetitia Francois, économiste au Crédit Agricole

• Comme prévu, l’activité n’a pas réussi à décoller au deuxième trimestre. Le PIB est à nouveau resté stable en volume pour le deuxième trimestre consécutif.

• La demande intérieure finale (hors stocks) a contribué positivement à l’activité, la bonne performance de la consommation des ménages compensant le recul de l’investissement total. En revanche, la contribution du commerce extérieur à la croissance a été négative, en raison de la stagnation des exportations. Les variations de stocks ont également eu un impact légèrement défavorable (contribution négative à l’activité de 0,1 point).

• Pour le troisième trimestre, nous maintenons notre pronostic de reprise très modérée de la croissance. Elle serait soute- nue par un rebond de l’investissement des entreprises, par la progression de la demande des ménages, et par une demande étrangère plus soutenue.

Croissance nulle au deuxième trimestre

Notre scénario tablait sur une reprise très laborieuse de l’activité en France, ce fut le cas. Le PIB en volume est resté stable pour le deuxième trimestre consécutif.

Notre diagnostic sur les différentes composantes du PIB s’est, dans l’ensemble, révélé exact :

• La consommation des ménages a rebondi (+0,5% t/t, après -0,5% t/t). Cette hausse s'explique surtout par celle des dépenses en énergie, après la contraction du premier tri- mestre (elles avaient baissé en raison des températures douces), et par un rebond mécanique après l'impact de la hausse de TVA au 1er janvier. Par contre les achats de produits manufacturés sont restés étales.

• L’investissement total recule (-1,1% t/t, après -1,0% t/t), en-deçà de nos attentes. Le repli de l’investissement des entreprises s’accentue en raison de l’incertitude face à la crise ukrainienne et à la politique fiscale. De plus, l’effet des réformes de compétitivité menées par le gouvernement tarde à se faire sentir. L’investissement des ménages continue à se contracter (-2,4% t/t, après -2,9% t/t), plombé par un marché immobilier fonctionnant au ralenti. Par ailleurs, la production est en baisse (-0,1% t/t), tirée vers le bas par la construction et la production manufacturière sur laquelle les ponts du mois de mai ont pesé.

• La contribution du commerce extérieur a été négative (-0,1 point, après une contribution neutre). Les importations ont certes décéléré, mais moins fortement que les exportations qui sont restées stables. Ce ralentissement s’explique par la croissance plus faible que prévu de nos partenaires (-0,2% t/t en Allemagne et en Italie, contre une prévision respective de +0,2% t/t et +0,1% t/t), aggravée par le déficit structurel de compétitivité de l’économie française.

• Enfin, la contribution des variations de stocks a été très légèrement négative (-0,1 point, après +0,5 point), en raison du déstockage de produits pétroliers raffinés.

Quelle croissance au troisième trimestre ?

Il n'y a pas encore de données dures pour le troisième trimestre ; seules les enquêtes du mois de juillet sont disponibles pour confirmer ou infirmer notre scénario de croissance.

Ces enquêtes sont toutefois cohérentes avec notre scénario d’une légère amélioration de l’activité au troisième trimestre.

• Les PMI ont progressé au mois de juillet. Les résultats sont cependant disparates selon les secteurs. L’indicateur a continué de se dégrader dans l’industrie, mais est dans les services repassé dans la zone d’expansion de l’activité, avec des perspectives bien orientées. De plus, l'enquête suggère un ralentissement du rythme de destruction de l’emploi. Le PMI composite ressort ainsi à 49,5, en zone de contraction de l’activité, mais en hausse sur le mois.

• Après une dégradation en fin de trimestre, les enquêtes INSEE sont stables en juillet. L’indicateur du climat des affaires global, cal- culé à partir des réponses des chefs d’entre- prises des principaux secteurs d’activité, ressort inchangé à 93. Là aussi, on constate des divergences entre sous-secteurs. Le climat des affaires s’est détérioré dans le bâtiment et le commerce de gros, mais est stable dans l’industrie. Il s’améliore dans le commerce de détail et les services. L’analyse des compo- santes des enquêtes est intéressante. Dans l’industrie notamment, la composante relative à l’activité passée reste proche de son niveau moyen, tandis que les perspectives person- nelles de production et les carnets de commandes globaux sont en-deçà de leur moyenne de longue période. Ces derniers se sont néanmoins redressés en juillet.

Notre scénario table sur une progression du PIB en volume de 0,3% t/t au troisième trimestre (après 0,0% t/t au deuxième trimestre).

Après une croissance atone en début d’année, la croissance devrait accélérer graduellement.

• La consommation privée continuerait de progresser, compte tenu de la faiblesse de l’inflation qui soutient le pouvoir d’achat des ménages.

• L’investissement total augmenterait également légèrement, tiré par les services. Tandis que l’investissement des ménages devait pour- suivre son ajustement, celui des entreprises bénéficierait d’un renforcement des débouchés européens et d’une amélioration de la situation financière des entreprises grâce aux effets du CICE, restant néanmoins contraint par l’incertitude relative à la crise en Ukraine.

• La contribution du commerce extérieur devrait être légèrement positive. D’un côté les importations resteraient modérées. De l’autre, les exportations devrait progresser grâce à la consolidation de la demande européenne, et malgré l’embargo russe sur certains produits agroalimentaires, dont l’impact sur nos exportations devrait rester limité.

• Enfin, la contribution des variations de stocks serait neutre, la confiance peinant à se redresser.

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