par Olivier Bizimana et Olivier Eluère, économistes au Crédit Agricole
L’activité en France s’est fortement contractée en fin d’année 2008 (-1,1 % t/t). La demande interne a reculé, sous l’effet de la forte chute de l’investissement des entreprises (-1,4 % t/t), et dans une moindre mesure du recul de l’investissement des ménages (-0,3 % t/t). En revanche, la consommation des ménages a légèrement accéléré (+0,3 % t/t). Le commerce extérieur a contribué négativement à la croissance (-0,3 point), les exportations (-3,5 % t/t) ayant reculé plus fortement que les importations (-2,3 % t/t). L’essentiel du repli de l’activité s’explique par la contribution négative des variations de stocks (-0,8 point). Au total, en moyenne sur l’ensemble de l’année 2008, le PIB a progressé de 0,7 %.
Le recul du PIB attendu en début d’année 2009 devrait être d’une ampleur équivalente à celui enregistré à la fin 2008. La baisse des enquêtes de confiance dans tous les secteurs (industrie, services et bâtiment) s’est amplifiée. La chute de la production manufacturière en début d’année est historique. En outre, tout laisse penser que les ajustements dans le secteur manufacturier devraient se poursuivre.
Les industriels jugent les niveaux des stocks encore élevés et les carnets de commande se vident. La seule bonne surprise pourrait venir de la consommation privée, les dépenses des ménages en produits manufacturés ayant rebondi en début d’année grâce aux achats d’automobiles (effet prime à la casse). Au total, nous anticipons un nou- veau repli marqué de l’activité au premier trimestre 2009 (-1,3 % t/t).
Aujourd’hui, la véritable incertitude porte sur le moment où l’économie française touchera un point bas. Jusqu’ici, la récession de 1993 servait de période de référence pour caractériser l’ampleur de l’ajustement cyclique à l’œuvre. Désormais, il faut remonter au lendemain du premier choc pétrolier (1974) pour retrouver les niveaux et l’ampleur du repli des indicateurs conjoncturels observés ces derniers mois. Rien n’indique pour le moment qu’une inversion de tendance se dessine à brève échéance. La confiance au niveau global atteint des niveaux historiquement bas et la situation sur les marchés financiers est loin d’être stabilisée.
Nous anticipons donc une récession profonde de l’économie française en 2009 (-2,5 % en moyenne). La demande intérieure va fortement se replier en raison surtout de la baisse de l’investissement. Les entreprises devraient continuer à couper dans leurs dépenses d’investissement (-5,9 % en moyenne en 2009) et à réduire leurs stocks. Malgré la baisse des taux d’intérêt, les conditions de financement resteront difficiles, les banques restant vigilantes et sélectives. Les perspectives de débouchés (domestique et extérieure) vont rester défavorables. Les besoins d’investissement vont également continuer à se réduire, les taux d’utilisation des capacités de production ayant atteint un plus bas historique.
La situation financière des entreprises, qui s’est déjà fortement détériorée en 2008, ne devrait pas s’améliorer. Sur l’ensemble de l’année 2008, l’excédent brut d’exploitation des entreprises non financière a en effet nettement décéléré (+0,7 %, après +4,5 % en 2007) et le taux de marge s’est replié à 37,4 % (après 38,0 % en 2007).
Nous anticipons une poursuite de cette tendance en 2009, en particulier au premier semestre. Le taux de marge devrait continuer à baisser (28,5 % en 2009), en raison du recul marqué de la productivité en début d’année, l’emploi réagissant avec retard aux inflexions du cycle d’activité.
Par ailleurs, l’investissement des ménages devrait également continuer à reculer ((-3,7 %), en lien avec la correction du marché de l’immobilier (attentisme des acheteurs, chute de la confiance des ménages).
La consommation des ménages devrait en revanche résister. La forte baisse de l’inflation (0,2 % en 2009, après 2,8 % en 2008), la revalorisation des prestations sociales et les mesures de relance (prime à la casse, baisse d‘impôts pour les bas revenus…) devraient soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Le pouvoir d’achat du revenu disponible brut progresserait de 1,6 % (après +1,2 % en 2008). Les revenus d’activité vont freiner, du fait de la dégradation attendue du marché du travail (taux de chômage à 9 % à la fin 2009). Le revenu disponible brut des ménages est attendu en hausse de 1,8 % cette année (après +3,9 % en 2008). Un environnement très anxiogène devrait être de surcroît plutôt favorable à la constitution d’une épargne de précaution. On attend une remontée du taux d’épargne à 16,1 % en moyenne en 2009 (après 15,7 % en 2008).
Enfin, nos exportations vont continuer à baisser, nos principaux partenaires commerciaux étant également en récession. Les importations devraient aussi se replier, sous l’effet de la baisse de la demande intérieure et des consommations intermédiaires contenues dans les exportations. Au final, en moyenne sur l’ensemble de l’année 2009, la contribution du commerce extérieur sera négative (-1,2 point).
Nous prévoyons un redressement progressif de la conjoncture courant 2010, à la faveur d’une amélioration de l’environnement global. Toutefois, la croissance restera molle, la phase d’ajustement sur le marché du travail se prolongeant en 2010, avec un pic de chômage estimé à 10 %. En outre, si la croissance mondiale peut se redresser courant 2010, grâce à la reprise anticipée aux États-Unis, l’économie française ne devrait pas en bénéficier immédiatement, du fait des contraintes structurelles pesant sur son commerce extérieur (manque de compétitivité, essentiels des débouchés européens…).
Plusieurs aléas entourent notre scénario central. Tout d’abord, l’ampleur de l’ajustement de l’investissement et des stocks reste difficile à estimer. Ensuite, les tensions restent vives sur les marchés financiers, ce qui pèse sur les conditions de financement. Enfin, les effets des plans de relance, que ce soit en France ou chez nos partenaires commerciaux (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne), restent difficiles à évaluer dans un contexte de grande incertitude.