par Hélène Baudchon, économiste chez BNP Paribas
• Le nombre des demandeurs d’emploi a, de nouveau, nettement augmenté en mai.
• Il est encore trop tôt pour voir le chômage refluer sous les effets de la reprise qui s’amorce.
• Mais le retour anticipé de la croissance, combiné aux mesures diverses et variées de soutien à l’emploi, devrait déboucher sur une inversion d’ici la fin de l’année.
Les signes de reprise de l’activité économique ont beau se confirmer (cf. ce numéro d’Ecoweek, «Zone euro: un printemps plutôt plaisant », page 3) et les mesures de soutien à l’emploi se multiplier, rien n’y fait pour le moment : les rangs des demandeurs d’emploi continuent de grossir. En mai, le nombre d’inscrits à Pôle emploi en catégorie A (ceux n’ayant exercé aucune activité dans le mois) a en effet progressé de 0,5% m/m (soit au même rythme élevé que la moyenne mensuelle observée depuis 2012), pour atteindre 3,552 millions de personnes (en France métropolitaine). Sur un an, la hausse est de 5%. En incluant ceux ayant exercé une activité réduite (catégories B et C), la hausse est plus importante encore puisqu’elle est de 1,3% sur le mois et de 7,9% sur un an (et le nombre de demandeurs d’emploi totalise 5,414 millions). Il peut y avoir différentes interprétations au nombre croissant de personnes cumulant chômage et contrats de travail très courts. Ceux-ci donnent de la flexibilité aux entreprises et aident à entrer sur le marché du travail. Leur hausse peut signaler un surcroît d’activité. C’est l’effet recherché des droits rechargeables (les gens hésitent moins à accepter un emploi même de très courte durée de peur de perdre leurs droits au chômage). Mais ce n’en sont pas moins des emplois précaires qui ne permettent pas de sortir véritablement du chômage.
Par ailleurs, en mai, aucune tranche d’âge n’a été épargnée : +2,2% m/m pour les moins de 25 ans en catégories A, B, C(qui représentent 15% du total) ; +1,3% m/m pour les plus de 50 ans (23%) et +1,1% m/m pour les 25-49 ans (62%). Les entrées à Pôle emploi ont certes reculé (de 5,2% m/m) mais les sorties plus encore (-9,5% m/m). Pôle emploi avance une explication, concernant la chute inhabituelle des sorties pour défaut d’actualisation. La première relance usuelle ayant révélé un nombre plus faible que d’ordinaire de situations actualisées, l’organisme a procédé à deux autres relances. Celles-ci ont abouti à une forte baisse des statistiques de sorties du chômage pour défaut d’actualisation et donc à une forte hausse du nombre de demandeurs d’emploi. Cet effet « relance » corrigé, la progression du nombre des demandeurs d’emploi en mai aurait été environ deux fois moins importante.
Cette poursuite de la hausse du nombre des demandeurs d’emploi est une mauvaise nouvelle mais ce n’est pas une surprise. Il est encore trop tôt pour voir le chômage refluer sous les effets de la reprise qui s’amorce. Cependant, d’après nos prévisions, la courbe devrait commencer à s’inverser d’ici la fin de l’année. C’est également ce que prévoit l’Unédic. L’amélioration resterait modeste mais elle est rendue possible par le retour anticipé de la croissance, et l’effet des mesures diverses et variées de politique économique visant à enrichir le contenu en emplois de cette croissance. Ces mesures visent à abaisser le rythme de croissance à partir duquel l’économie crée suffisamment d’emplois pour au moins stabiliser le chômage, soit en-deçà du chiffre de 1,5% communément admis. Dans sa note de conjoncture de juin, l’INSEE a procédé à sa propre estimation de ce rythme et arrive à un chiffre à peine plus élevé de 1,6%. L’institut estime, par ailleurs, que les allègements du coût du travail en 2015 permis par le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et le pacte de responsabilité contribueraient à abaisser ce rythme de 0,5 point. En outre, les emplois aidés dans la sphère non marchande l’abaisseraient de 0,1 point supplémentaire. 1% de croissance suffirait ainsi à stabiliser le taux de chômage. Avec une prévision de croissance un peu plus élevée en 2015 (1,2% en moyenne annuelle, 1,7% en glissement), nous obtenons une légère baisse du taux de chômage d’ici la fin de l’année (10,2% contre 10,4% un an auparavant) et un recul un peu plus net l’année prochaine (9,7%).
D’autres mesures de soutien à l’emploi sont en passe d’être votées (loi Macron, plan « Tout Pour l’Emploi », cf. encadré) dont les effets, même si on les anticipe limités, viendront s’ajouter au reste. Une réflexion est également en cours sur la complexité et les rigidités du code du travail qui doit déboucher en septembre. La renégociation à venir de l'assurance-chômage devrait aussi être l’occasion d’accroître les incitations au retour à l'emploi. Face à l’ampleur du problème, le débat n’est, en fait, jamais clos. Ainsi, Louis Gallois est revenu cette semaine sur le dilemme du ciblage des allègements de charges : viser les bas salaires pour un effet plus rapide sur le chômage ou viser les salaires plus élevés pour un effet plus favorable, à terme, sur la croissance.
ENCADRE : Le plan TPE : Tout Pour l’Emploi
Le 9 juin dernier, le Premier ministre, Manuel Valls, a dévoilé son plan de relance de l’emploi dans les TPE-PME, intitulé « Tout Pour l’Emploi » et présenté comme un Small Business Act à la française. Ce plan devrait avoir un effet positif sur l’emploi mais d’ampleur limitée très probablement. Le gouvernement continue en effet de procéder par petites touches pour réformer le marché du travail, ce qui limite les effets à attendre de ce nouveau train de mesures, malgré des avancées certaines et bienvenues. Il ne change qu'un peu la donne. De plus, ce type de réformes met du temps à produire des effets et leur déploiement sera étalé dans le temps, entre le second semestre 2015 et 2016, ce qui en dilue aussi l'impact.
Les objectifs annoncés (lever les freins à l'emploi dans les TPE- PME ; développer l'activité des TPE-PME ; faciliter la création et la reprise des TPE-PME ; alléger les formalités des TPE-PME) répondent à des difficultés réelles des TPE-PME. C'est la portée des dix-huit mesures correspondantes pour atteindre ces objectifs qui pose question.
S'agissant, par exemple, de la mesure numéro 1, l'aide de 4000 € à la première embauche (en CDI ou CDD de plus de 12 mois), elle est appropriée dans le cas où le coût du travail est effectivement le frein à l'embauche. Mais l'effet positif à en attendre est minimisé par sa durée limitée dans le temps (l’aide est versée pour tous les contrats de travail signés à compter du 9 juin 2015, jusqu’au 8 juin 2016). Et cette aide sera sans effet sur les TPE qui n'embauchent pas faute de croissance. Et elles sont certainement nombreuses. C'est sur la stimulation de l'activité qu'il faut mettre l'accent (c'est la croissance qui conditionne l'embauche) plutôt que sur une nouvelle aide financière, d'autant que le coût du travail a déjà fait l'objet récemment de réductions multiples et significatives. En fait, dans le contexte actuel, la nécessité d'une nouvelle aide financière ne saute pas aux yeux.
Par ailleurs, certaines mesures sont plus concrètes que d'autres. C'est le cas de celles visant à lever les freins à l'emploi, notamment les mesures 4 à 7 qui pourraient avoir des effets plus significatifs que les autres en créant un environnement un peu plus "business-friendly". Il s’agit de :
- autoriser deux renouvellements (au lieu d’un) pour les CDD et les contrats d’intérim, toujours dans la limite de 18 mois pour le droit commun (n°4) ;
- simplifier et réduire les effets de seuil (n°5) ;
- favoriser la préservation de l’emploi en cas de difficultés économiques en assouplissant les conditions encadrant le recours aux accords de maintien dans l’emploi (AME) introduits dans la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 (n°6).
- réduire l’insécurité juridique liée aux contentieux sur les licenciements en plafonnant les indemnités prud’homales versées dans le cas des licenciements dénués de cause réelle et sérieuse (n°7).
Mais les autres mesures, notamment celles visant à développer l'activité des TPE-PME, relèvent plus de la déclaration d'intention et risquent de rester un vœu pieu. L’accès à la commande publique et la réduction des délais de paiement sont de bons exemples. Ce sont des problématiques importantes et anciennes, qui ont déjà fait l'objet de nombreuses tentatives de résolution. Il est souhaitable mais pas certain que les nouvelles mesures auront plus de succès.
Enfin, entre les annonces et ce qui sera effectivement voté et intégré aux lois Macron, Rebsamen et budgétaires, il faut s'attendre à des amendements compte tenu de l'opposition à certaines mesures (notamment les numéros 4, 6 et 7) d'une partie de la majorité et des syndicats de travailleurs.