France : la situation sur le marché du travail à la fin de 2009

par Frédérique Cerisier, économiste chez BNP Paribas 

  • L'INSEE a estimé à près de 360 000 le nombre d'emplois salariés détruits au cours de 2009 dans les secteurs principalement marchands. Près de 50% de ces emplois ont été détruits dans l'industrie.
  • Outre la forte modération du rythme des destructions de postes au T4 2009 (-0,1% t/t), plusieurs signes témoignent d'une amélioration des perspectives d'emplois. Une stabilisation est possible d'ici mi-2010. Un retour significatif des créations de postes paraît néanmoins très peu probable cette année.
  • Dans ces conditions, le taux de chômage va continuer d'augmenter. Il s'est établi à 9,6% de la population active en France métropolitaine au T4 2009, renouant avec un niveau inégalé depuis la fin de 1999.

par Frédérique Cerisier, économiste chez BNP Paribas 

  • L'INSEE a estimé à près de 360 000 le nombre d'emplois salariés détruits au cours de 2009 dans les secteurs principalement marchands. Près de 50% de ces emplois ont été détruits dans l'industrie.
  • Outre la forte modération du rythme des destructions de postes au T4 2009 (-0,1% t/t), plusieurs signes témoignent d'une amélioration des perspectives d'emplois. Une stabilisation est possible d'ici mi-2010. Un retour significatif des créations de postes paraît néanmoins très peu probable cette année.
  • Dans ces conditions, le taux de chômage va continuer d'augmenter. Il s'est établi à 9,6% de la population active en France métropolitaine au T4 2009, renouant avec un niveau inégalé depuis la fin de 1999.
  • La faiblesse de l'emploi pèse également sur l'évolution des salaires. La DARES a confirmé la très faible augmentation du salaire mensuel de base au T4 2009. La progression annuelle a été ramenée à 1,9% fin 2009, au plus bas depuis neuf ans.

 

A l'occasion de la publication de la seconde estimation des données trimestrielles d'emploi pour le quatrième trimestre 2009, l'INSEE a fortement revu en baisse l'ampleur des destructions de postes dans les secteurs principalement marchands. Le recul de l'emploi salarié s'est finalement établi à 0,1% t/t au T4, contre 0,4% t/t annoncé lors de l'estimation provisoire1. Au T3, la baisse s'était finalement établie à 0,5% t/t, après une première estimation à 0% t/t.

Cette nouvelle révision d'une ampleur significative incite, pour l’avenir, à la prudence dans l’analyse des données publiées lors de l'estimation provisoire. Toutefois, elle met surtout en évidence une amélioration relativement marquée de la situation du marché du travail à la fin de 2009.

Au final, près de 358 000 postes ont été détruits au cours de 2009 dans les secteurs marchands, après une repli de plus de 173 000 en 2008. Compte tenu de la persistance de créations de postes dans les secteurs non marchands2, l'effet sur l'emploi salarié total (hors agricole) est un peu plus modéré (-322 000 après -129 000 en 2008).

Sans grande surprise, compte tenu de son exposition particulière à la crise, près de 50% des emplois détruits dans les secteurs marchands en 2009 l'ont été dans l'industrie (-173 000, soit -4,9% par rapport à fin 2008), alors que ce secteur ne représente qu'un peu plus de 20% des emplois salariés marchands. Les pertes y sont légèrement plus importantes que dans les services marchands (-134 700, soit -1,2%), dont le poids dans l'emploi est plus de trois fois supérieur. Dans la construction, le repli des effectifs a également été très marqué, avec près de 50 000 postes détruits en 2009 (-3,9%). Dans l'ensemble, l'emploi salarié marchand était revenu fin 2009 à un niveau proche de celui de la fin de 2004.

Vers une stabilisation de l'emploi dans les secteurs marchands au cours de 2010

Plusieurs signes témoignent d'une amélioration des perspectives d'emplois. Tout d'abord, l'évolution de l'intérim, un indicateur avancé des évolutions de l'emploi "régulier" dans les autres secteurs. Après avoir été réduit de 35% entre le T1 2008 et le T1 2009, les effectifs intérimaires ont recommencé à croître, très modérément, au T2 2009. Au T3 comme au T4 2009, les créations d'emplois intérimaires ont été vigoureuses (+5,6% t/t puis +5,0% t/t). D’une part, ce mouvement a été assez vigoureux, pour contribuer, en dépit de la faible taille du secteur, de façon significative à la croissance de l'emploi salarié marchand (+0,15% t/t en moyenne au cours des deux derniers trimestres). D’autre part, il traduit probablement un redressement des besoins d'emplois, en particulier dans les secteurs qui ont le plus recours à l’intérim, l'industrie et la construction.

Hors intérim, l'amélioration est surtout perceptible dans les services. Après trois trimestres consécutifs de contraction (-0,4% t/t en moyenne), l'emploi s'est stabilisé au T4 dans le secteur tertiaire (hors intérim), en particulier dans le commerce, les services aux entreprises et les activités financières et d'assurance. Il a recommencé à progresser dans l'hébergement et la restauration (+0,6% t/t) et les services aux particuliers (+0,4% t/t).

Ailleurs, les destructions de postes se poursuivaient fin 2009, de façon relativement vigoureuse (-1,0% t/t après -1,4% au T3 dans l'industrie, et -0,8% t/t après -1,0% t/t dans la construction).

Cependant, lorsque l'on tient compte, comme le fait la Dares3, de l'emploi intérimaire affecté à ces secteurs et de son évolution, la modération des destructions de postes tout au long de l'année de 2009 apparaît beaucoup plus clairement, en particulier dans l'industrie.

Au final, le ralentissement des destructions d'emplois salariés dans les secteurs marchands nous semble s'appuyer sur une base relativement large. Il apparaît également cohérent avec les marges de manœuvre offertes par le retour des gains de productivité induit par la reprise et avec le redressement des perspectives d'embauches annoncé par les enquêtes.

En particulier, l'indice composite d'emploi calculé à partir des données de l'enquête auprès des directeurs d'achats apparaît particulièrement bien corrélé aux évolutions de l'emploi salarié. Selon cette enquête, les intentions d'embauches se redressent assez rapidement depuis la fin de l'été, à la fois dans l'industrie et les services. Début 2010, l'enquête a montré une poursuite du redressement des indices d'emplois. A 47,6 au mois de février, le PMI emploi composite (calculé à partir des indicateurs d'emplois dans l'industrie et dans les services) se maintient encore dans une zone annonciatrice d'une poursuite des destructions de postes au premier trimestre, mais continue de se redresser rapidement.

Dans l'ensemble, une stabilisation de l'emploi salarié marchand nous paraît possible d'ici mi-2010, si la reprise progressive de l'économie française se poursuit. Un retour significatif des créations de postes paraît néanmoins très peu probable cette année, compte tenu de la faiblesse attendue de la reprise (le PIB pourrait croître de 1,4% cette année). En moyenne annuelle, l'emploi salarié marchand pourrait donc encore reculer de 0,4% en 2010, après -2,5% en 2009.

Après une stabilisation temporaire au T3, le chômage a repris sa progression fin 2009

Selon les résultats de l'enquête emploi menée par l'INSEE, le taux de chômage s'est établi à 9,6% de la population active en France métropolitaine au T4 2009 (à 10% sur l'ensemble du territoire français, en incluant les départements d'outre-mer), après une courte période de stabilisation au T3, peu en ligne avec l'évolution à cette période des données d'emplois. 

Contrairement à l'INSEE, Eurostat fournit des estimations mensuelles du taux de chômage pour tous les pays européens.

En France, elles se fondent sur les inscriptions des demandeurs d'emploi à Pôle Emploi. Ces estimations ont confirmé que la progression du chômage se poursuivait début 2010, le taux de chômage ayant augmenté d'un dixième de point au mois de janvier, à 10,1% sur l'ensemble du territoire français (métropole et outre-mer). Compte tenu d’une récession moins brutale, le taux de chômage a moins augmenté en France que dans d’autres pays de la zone, et l'écart avec le taux moyen dans la zone euro s'est quasiment refermé au cours de 2009.

Toutefois, malgré cette comparaison favorable avec certains pays de la zone, le taux de chômage a fortement augmenté. Il est en hausse de 2,5 points par rapport au point bas du T1 2008, dépassant son précédant pic de la fin 2005 et du début 2006 (9,1% en France métropolitaine et 9,6% sur l'ensemble du territoire) pour rejoindre un niveau qui n'avait plus été atteint depuis la fin de 1999..

Tout en étant plutôt favorables, nos perspectives d'emplois ne permettent pas d'espérer une stabilisation du taux de chômage cette année. Celui-ci devrait néanmoins augmenter plus lentement dans les mois à venir, et pourrait plafonner autour de 10,5% (sur l'ensemble du territoire) fin 2010 – début 2011. 

La faiblesse de l'emploi pèse également sur l'évolution des salaires

D'après les résultats définitifs publiés par la DARES, l'indice du salaire mensuel de base (SMB) a progressé de seulement 0,2% t/t au T4 2009. Sa progression annuelle a été ramenée à 1,9% fin 2009, au plus bas depuis le milieu de 2000, lorsque la réduction du temps de travail s'était accompagnée d'un freinage important des salaires mensuels. La progression du salaire moyen par tête (SMPT, incluant notamment l'évolution des primes et heures supplémentaires) au T4 n'est pas encore publiée4, mais sa progression pourrait rester légèrement inférieure à celle du SMB, comme c'est le cas depuis le début de 2009.

L'an dernier, la très faible progression des prix à la consommation (0,4% g.a. au T4) avait permis une progression substantielle des salaires réels. Le retour cette année d'une croissance des prix à la consommation légèrement inférieure à 1,5% (1,3% en février) implique de très faibles perspectives de progression des salaires réels cette année.

NOTES

  1. L'estimation provisoire de l'emploi salarié dans les secteurs marchands est publiée en même temps que la première estimation du PIB (13 février 2010 pour le T4 2009). Des données révisées, plus détaillées au niveau sectoriel, et incluant une estimation de l'emploi salarié privé dans les secteurs non marchands sont publiées environ un mois plus tard.
  2. Il s'agit ici de l'emploi salarié privé dans les administrations publiques, l'enseignement, la santé et l'action sociale.
  3. Voir "l'emploi salarié au quatrième trimestre 2009", Premières Informations, n°012, mars 2010, DARES.
  4. Elle le sera lors de la publication détaillée des comptes nationaux du T4.

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