France : la tentation de l’optimisme

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Les perspectives pour l’économie française s’éclaircissent progressivement depuis quelques mois laissant planer la possibilité d’une accélération de la croissance en 2015 après trois longues années de stagnation où le PIB n’a progressé que de 0,4% par an.

Les statistiques publiées en fin d’année 2014 ont commencé à être un peu plus positives et les enquêtes de conjoncture montrent un retournement de la confiance des agents économiques, d’une part des ménages dont le moral se redresse graduellement, d’autres part des entreprises qui redeviennent plus optimistes. S’il faut rester prudents étant donné le caractère fragile du retournement d’un certain nombre d’indicateurs, plusieurs vents favorables commencent cependant à souffler sur la zone euro dans son ensemble et sur la France en particulier. C’est la conjonction de ces vents favorables – chute du prix du pétrole, dépréciation de l’euro et assouplissement des politiques économiques – qui pourrait finalement permettre une reprise un peu plus soutenue de la croissance française.

Si la France souffre d’un problème d’offre que l’on peut illustrer par la forte perte de parts de marché lors de la dernière décennie et par la faiblesse du taux de marge de ses entreprises, elle pâtit également d’un déficit de demande à court terme. Or les facteurs mentionnés ci-dessus pourraient permettre d’atténuer ces deux problèmes.

Du côté de la demande, la forte chute du prix du pétrole (40% du Brent en euro) a conduit à un fort recul de l’inflation française (0,1% en décembre) qui devrait se poursuivre en début d’année avec son passage en territoire négatif à partir de janvier/février. L’inflation devrait être très faible cette année (0,3% selon nos estimations) permettant un raffermissement du pouvoir d’achat des ménages malgré la faiblesse de la hausse des salaires et l’atonie de l’emploi suggérant une accélération de la consommation. Par ailleurs, la Commission Européenne a annoncé des changements importants concernant son appréciation des finances publiques des différents pays (cf « Nouvel assouplissement des règles budgétaires et QE de la BCE : de l’helicopter money « par voie détournée » ? »), avec notamment la prise en compte du cycle dans les efforts de consolidation budgétaire que les pays doivent faire mais aussi l’exclusion des montants investis dans le cadre du plan Juncker du déficit structurel ce qui constitue une forte incitation pour les Etats à investir puisqu’ils ne seront pas pénalisés par ces investissements.

Cet assouplissement budgétaire constitue donc une bonne nouvelle pour la croissance à court terme. De plus, le QE de la BCE consistant en un vaste programme d’achats de titres incluant les titres souverains (cf edito BCE : quelles conséquences du QE) a déjà permis aux taux français de baisser significativement ces derniers mois (le 10 ans se situe à 0,57%). La conséquence est une amélioration des conditions de financement pour l’Etat mais aussi pour les agents privés. D’ailleurs, la demande de prêt se raffermit d’après la dernière BLS1 et on commence à voir une légère progression des crédits aux entreprises. Point noir de ces trois dernières années, le marché immobilier, qui commence à montrer quelques signes d’amélioration avec la légère remontée des permis de construire et des mises en chantier, pourrait également profiter de la faiblesse taux d’intérêt. Rappelons que contrairement à d’autres marchés européens, la France n’a pas subi d’excès d’offre de logements lors de la dernière décennie.

Du côté de l’offre, les entreprises vont profiter d’une amélioration assez significative de leur environnement. La dépréciation du taux de change de l’euro qui atteint désormais 10% en termes effectifs devrait avoir un effet positif sur la compétitivité des entreprises françaises et un impact significatif sur la croissance (de l’ordre de 0,9pt de PIB à horizon un an)2. Après leur stabilisation en 2014, les parts de marché des entreprises françaises pourraient commencer à s’améliorer en 2015, les effets volume de la dépréciation du taux de change étant généralement longs à se matérialiser. Cet effet devrait contribuer à la poursuite de la réduction du déficit commercial français qui a déjà commencé en 2014 sous l’effet de la baisse du prix du pétrole (il a atteint 53,4Md€ en 2014 après 61,5md€ en 2013). Avec la hausse de la demande anticipée, la faiblesse des taux d’intérêt (et plus généralement l’assouplissement des conditions de crédit), le début d’amélioration de la situation financière des entreprises avec la stabilisation de leur taux de marge (premiers effets du CICE, pacte de responsabilité), les conditions semblent réunies pour envisager une reprise de l’investissement.

Les grincheux verront dans cette embellie conjoncturelle la possibilité donnée à la France de ne pas mettre en œuvre les réformes structurelles nécessaires (consolidation des finances publiques / réformes des retraites, réformes sur le marché du travail,…). Les optimistes y verront au contraire l’opportunité de mettre en place les réformes impopulaires qui pourraient conduire à terme à une amélioration de la situation économique française.

NOTES

  1. BLS : Bank Lending Survey, BdF
  2. D’après les estimations de Natixis

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