par Hélène Baudchon, économiste chez BNP Paribas
• Faute d’une croissance assez forte, le chômage poursuit sa hausse. Au troisième trimestre, le taux de chômage atteint ainsi 10,6% de la population active d’après l’INSEE.
• On observe toutefois une inflexion du rythme de hausse du nombre de demandeurs d’emploi, qui a nettement ralenti depuis juin.
Les derniers chiffres du chômage sont sans conteste décevants et reportent encore dans le temps la baisse tant attendue. Tout d’abord, le nombre des demandeurs d’emplois inscrits en catégorie A à Pôle emploi (n’ayant exercé aucune activité dans le mois) a fortement rebondi en octobre (+1,2% m/m), bien plus qu’il n’avait baissé le mois précédent (-0,7% m/m).
Le mouvement inverse est observé sur les catégories B et C (ayant exercé une activité réduite), en forte baisse en octobre après une progression importante en septembre. Les trois catégories confondues, cela se traduit par un nombre de demandeurs d’emploi stable en septembre et en hausse de 0,2% m/m en octobre, soit 5,741 millions de personnes en France.
Si l’inversion de la courbe n’est pas encore amorcée, ces oscillations contribuent toutefois à une inflexion du rythme de hausse du nombre de demandeurs d’emploi. Depuis juin, il a ralenti à +0,1% en moyenne par mois après +0,5% de mi-2013 à mi-2015 et +0,7% les deux années précédentes (de mi-2011 à mi-2013). Il y a donc un mieux relatif. Pour la ministre du travail, Myriam El Khomri, cette volatilité est typique d’une reprise, les gens alternant les phases d’activité courte et de chômage avant de parvenir à s’insérer durablement sur le marché du travail. La précédente phase de retournement à la baisse de la courbe du chômage en France date de 2005 ; elle s’était opérée quatre ans après le creux d’activité de 2001, à la faveur d’une croissance relativement soutenue (supérieure à 2% en rythme annuel, de 2004 à 2007). Un début de baisse du chômage est inscrit dans notre scénario pour 2016, mais il ne peut encore être tenu pour acquis, compte tenu des risques qui pèsent sur la croissance.
Aujourd’hui, seule la courbe des demandeurs d’emploi de moins de 25 ans a cessé de progresser, depuis la mi-2013, à la faveur des dispositifs d’emplois aidés. Pour les autres tranches d’âges, les mesures diverses de soutien à l’emploi (la flexisécurité permise par la loi sur la sécurisation de l’emploi, les baisses de charges des pactes de compétitivité et de responsabilité, le plan TPE (« Tout Pour l’Emploi»), la loi Macron, la réforme de la formation professionnelle, les droits rechargeables) ne suffisent pas à renverser la tendance et à redynamiser le marché du travail : pour cela, il faudrait une croissance mieux arrimée et plus vigoureuse.
La hausse de 0,2 point au troisième trimestre du taux de chômage tel que mesuré par l’INSEE (à 10,6% de la population active1) atteste aussi de ce manque de croissance. Légèrement supérieure à 1% en rythme annuel, la progression de l’activité n’est pas encore assez forte pour créer des emplois en nombre suffisant (+0,1% t/t pour l’emploi salarié marchand) par rapport à l’évolution de la population active (+0,6% t/t). Le dynamisme de celle-ci s’explique notamment par celui de la démographie, l’allongement des carrières avec le report de l’âge de départ à la retraite et un possible effet de flexion2. Le taux de chômage reste, par ailleurs, orienté à la hausse, comme le confirme la série mensuelle d’Eurostat, qui s’inscrit à 10,8% en octobre. Ainsi mesuré, le taux de chômage français se situe à un plus haut depuis 1997 et à un niveau supérieur à celui de la zone euro (10,7%) pour la première fois depuis la fin 2007.
NOTES
- 10,2% en France métropolitaine.
- Une conjoncture mieux orientée incite en effet plus de personnes à se positionner sur le marché du travail. Ainsi, selon la conjoncture, le taux d’activité, c’est-à-dire le rapport entre la population en quête d’un emploi et la population en âge de travailler, peut varier : cette variation est appelée « flexion conjoncturelle ».