par Jean-Christophe Caffet et Camille de Williencourt, économistes chez Natixis
Le gouvernement français a annoncé mercredi 24 août au soir un nouveau train de mesures afin de satisfaire ses engagements budgétaires (un déficit public finalement ramené à 4,5% du PIB en 2012). Alors que l’effort portait jusqu’ici principalement sur la maitrise des dépenses publiques, ce plan d’austérité met l’accent sur la hausse des recettes fiscales via, notamment, la suppression pour près de 6 Mds EUR de dispositifs fiscaux dérogatoires (niches fiscales et sociales). Nous revenons ici sur les grandes lignes d’un plan d’austérité légèrement en-deçà des attentes mais qui ne remet pas drastiquement en cause l’objectif de déficit retenu.
Le ralentissement de l’activité est (partiellement) acté
Prenant acte du coup d’arrêt de l’économie au printemps1et de la nette dégradation des perspectives d’activité pendant l’été, le gouvernement a tout d’abord révisé de manière significative ses prévisions de croissance pour 2011(-0,25 pt à 1,75%) et 2012 (-0,5 point à 1,75% également). Cette révision à la baisse des hypothèses de croissance justifie2 à elle seule la recherche de plus de 2 Mds EUR d’économies supplémentaires en 2011 et 5 Mds EUR en 2012. Les 11 Mds EUR annoncés pour 2012 confirment donc qu’en l’absence de révision à la baisse des perspectives de croissance, la trajectoire de déficit n’était pas assurée 3 .
Les grandes lignes du plan de rigueur français
Les mesures dévoilées mercredi soir par François Fillon ciblent essentiellement les prélèvements obligatoires. Après avoir réaffirmé que la consolidation budgétaire française passerait principalement par la maitrise des dépenses publiques (avec un effort supplémentaire de 1 Md EUR en 2012)4, le Premier Ministre a passé sous revue les grandes mesures du plan d’austérité, portant toutes sur les recettes. Visant, entre autres, la convergence des taux de taxation du travail et du capital et l’harmonisation des fiscalités françaises et allemandes, celles-ci s’articulent autour de trois axes que sont la justice sociale, la réduction des niches, et la modification des comportements en matière de santé publique et d‘environnement.
Des mesures suffisantes ?
Les mesures annoncées sont un peu inférieures à nos attentes, pour deux principales raisons :
- La première a trait, comme souvent, aux prévisions de croissance retenues par le gouvernement. Qualifiées à juste titre de « prudentes » dans la mesure où, pour une fois, elles sont légèrement inférieures au potentiel de croissance tel qu’estimé dans le programme de stabilité 5 , celles-ci nous paraissent toujours assez optimistes, notamment pour 20126 (1,2% selon nous). Partant du principe que le second semestre 2011 s’annonce mauvais, les 1,75% annoncés pour l’an prochain supposent en effet une accélération très nette de l’activité pendant l’année. Nous pensons qu’il s’agit là d’un excès d’optimisme de la part du gouvernement français qui semble tabler sur une bonne tenue de l’investissement des entreprises et de la consommation privée. En l’absence de reprise franche du crédit au secteur privé, le partage des revenus actuel nous semble pour notre part davantage plaider pour l’atonie d’au moins l’un de ces deux moteurs d’activité. Les entreprises françaises abordent en effet le ralentissement actuel dans une position financière et de profitabilité nettement plus dégradée qu’avant la crise de l’automne 2008, sujet sur lequel nous reviendrons dans une prochaine publication.
- En termes de fiscalité dérogatoire, l’effort d’harmonisation nous parait certes louable mais relativement insuffisant dans la mesure où subsistent nombre de niches «dont l’efficacité n’est pas démontrée » ou génératrices « d’effets d’aubaine », donc candidates à un coup de rabot selon la grille de lecture réaffirmée par le Premier Ministre7. Le coup de rabot prévu pour 2011 s’apparente à cet égard davantage à un coup de lime qu’à une véritable réforme ou tournant fiscal. La campagne présidentielle qui débute à la rentrée aura probablement incité les pouvoirs publics à faire preuve de réserve, l’opportunité d’une vaste réforme de la fiscalité française s’annonçant comme l’un des grands débats des prochains mois.
Nous ajustons donc nos prévisions de déficit public en ligne avec ce qui a été annoncé. Si la cible à 5,7% du PIB devrait être atteinte cette année, nous sommes relativement plus pessimistes pour l’an prochain (4,9% du PIB). Par écart au déficit stabilisant, la dette publique progresserait encore de plus de 5 points de PIB d’ici 2012 (à 87,7%,
Un plan qui devrait participer au maintien de conditions de financement favorables
Les mesures présentées hier soir sont évidemment les bienvenues mais pourraient naturellement s’avérer insuffisantes en cas de ralentissement plus marqué que prévu de l’activité. Elles devraient selon nous permettre à l’Etat français de continuer à se financer dans des conditions très favorables, même si le marché se montre en ce moment plus discriminant à l’égard des AAA européens.
En l’état actuel des choses, la solvabilité budgétaire intertemporelle de l’Etat français ne nous parait toujours pas menacée et la probabilité d’un évènement de crédit, telle qu’estimée à partir de la valorisation des CDS, hautement biaisée par le sentiment de marché actuel sur les souverains européens.
NOTES
1 Voir Special Report n°2011-89 : France : l’économie cale, au mauvais moment.
2 En partant du principe que le gouvernement français souhaitait naturellement atteindre ses objectifs de déficit public, par ailleurs qualifiés « d’intangibles ».
3 Voir Flash n°2010-503 : France : consolidation budgétaire, Acte 1.
4 L’objectif étant de ne pas dépasser une croissance de 0,8% par an en volume sur la période 2011-2014. Voir Flash 2010-503 pour plus détails sur le sujet.
7 Voir Flash n°2011-612 : France : quelles niches raboter ?