par Charlotte de Montpellier, Senior Economist chez ING
L’inflation française augmente à nouveau en avril, en raison d’effets de base moins favorables. Bien que les pressions inflationnistes restent très élevées, plusieurs signes indiquent devraient s’atténuer progressivement et la faiblesse de la demande devrait aider. L’inflation française restera néanmoins supérieure à celle des autres pays européens pendant toute l’année.
Comme attendu, l’inflation augmente de nouveau en France en avril. Elle s’est établie à 5.9%, contre 5.7% en mars. L’indice harmonisé, important pour la BCE, s’établit à 6.9% contre 6.7%. Cette hausse est notamment due aux effets de base sur l’énergie, la baisse sur un an des prix des produits pétroliers étant moins marquée que celle de mars. L’inflation énergétique s’établie donc à 7% en avril, contre 4.9% en mars. Compte tenu du bouclier tarifaire qui a limité la hausse des prix du gaz et de l’électricité en France à 4% en 2022 et 15% en 2023, l’énergie continue à contribuer positivement à l’inflation française, contrairement aux autres pays européens qui ont vu les factures d’énergie baisser en 2023 après la très forte hausse de 2022.
Grâce à une décélération des prix des produits frais, l’inflation alimentaire ralenti pour s’établir à 14.9% sur le mois contre 15.9% en mars. Les prix de l’alimentation hors frais continuent d’être très dynamiques, dans la foulée des négociations entre fournisseurs et distributeurs d’alimentation conclues en mars conduisant à une augmentation des prix payés par la grande distribution à ses fournisseurs de l’ordre de 10%, qui se répercutent progressivement sur les prix de ventes. L’alimentation reste le premier contributeur à l’inflation française. En outre, le prix des services repart à la hausse, la croissance s’établissant à 3.2% sur un an en avril contre 2.9% en mars. L’inflation des prix des produits manufacturés diminue légèrement, pour s’établir à 4.7% contre 4.8% en mars.
Les pressions inflationnistes devraient s’atténuer progressivement
Plusieurs signes laissent penser que les pressions inflationnistes restent importantes mais s’atténuent, ce qui indique que l’inflation française devrait se mettre à diminuer dans les prochains mois. La croissance des prix à la production, qui donne une indication sur l’évolution des coûts de production, continue de diminuer nettement tous les mois. En mars, les prix à la production augmentaient de 6.5% par rapport à mars 2022, une progression bien moins rapide que les 30% observés lors du pic d’août et en baisse par rapport au 13.3% de février. Cette diminution des coûts de production sera néanmoins progressive et lente,l’évolution d’un mois à l’autre laissant penser que la situation est encore loin d’être normale.
Par ailleurs, les prévisions de prix de vente des entreprises se sont largement repliées en avril, notamment dans le secteur industriel et de la construction. Le repli est particulièrement marqué dans l’industrie, où les prévisions de prix de vente des entreprises se trouvent désormais au niveau de début 2021, avant la forte hausse de l’inflation. L’inflation des produits manufacturés devrait donc baisser dans les prochains mois. Dans les services, le repli des anticipations de prix n’est pas encore très marqué, ce qui indique que l’inflation des services pourrait prendre plus de temps avant de se normaliser. Enfin, compte tenu du recul des prix des denrées agricoles sur les marchés internationaux et de la faiblesse de la demande, l’inflation alimentaire devrait progressivement reculer, une fois que l’impact des négociations commerciales aura été absorbé, donc au cours de l’été.
In fine, l’inflation devrait donc diminuer dans les prochains mois, aidé par la faiblesse de la demande. Néanmoins, l’inflation en France devrait restée supérieure à celle observée dans les autres pays européens jusqu’à la fin de 2023. Cela s’explique par des « effets de base » moins favorables en France qu’ailleurs, les factures énergétiques des ménages français n’ayant quasiment pas augmenté en 2022 au moment où elles explosaient dans les autres pays. Cela avait permis une inflation bien plus modérée en 2022 en France que dans les pays voisins. À la suite de la hausse des prix du gaz et de l’électricité de 15% début 2023, les factures énergétiques des Français continuent d’augmenter en comparaison avec 2022, alors que dans les autres pays elles ont entamé une diminution progressive, dans le sillage de la forte chute des prix énergétiques sur les marchés internationaux. Nous tablons sur une inflation à 5% en moyenne sur l’année (5.6% pour l’inflation harmonisé).