par Julien Manceaux, Senior Economist chez ING
C’était attendu, c’est maintenant chiffré. 31,7% de la population active était concernée par le manque de travail au second trimestre, une moyenne historiquement élevée, tirée à la hausse par les semaines de confinement. Faire revenir la confiance chez près de 10 millions de Français ne se fera pas en un semestre.
Le taux de chômage de 7,1% n’est pas une bonne mesure de la situation
Les chiffres du chômage publiés cette semaine nous rappelle, si besoin en était, la situation précaire du marché du travail dans l’hexagone. Si le chômage au sens strict a poursuivi sa décrue, c’est uniquement une question de définition. En effet au sens du Bureau International du Travail (BIT) le chômage prend en compte les personnes « âgées de 15 ans ou plus qui satisfont aux trois critères suivants : être sans emploi pendant une semaine donnée ; être disponible pour travailler dans les deux semaines à venir ; avoir effectué, au cours des quatre dernières semaines, une démarche active de recherche d’emploi » (INSEE).
Les mesures de confinement ont rendu les deux derniers critères plus difficiles à satisfaire et beaucoup de chômeurs bénéficiant du chômage partiel ne pouvaient y répondre (notamment ceux qui n’ont pas du tout pu aller travailler, sans pour autant avoir perdu leur emploi). Si l’on y ajoute le sous-emploi, c’est-à-dire tout ceux qui, partiellement employés, avaient la volonté de travailler plus, les chiffres sont encore plus élevés. Ainsi, pour 2 millions de personnes au chômage, on dénombrait au second trimestre 2,5 millions de personnes qui ne pouvaient pas être disponibles ou être en recherche d’emploi (puisqu’elles en avaient un et ne pouvaient s’y rendre) et 5,3 millions en situation de sous- emploi.
Ces 9,9 millions de personnes représentaient au second trimestre 31,7% de la population active, soit près du double de l’an dernier (+4,3 millions en comparaison). Ces chiffres sont à considérer comme une moyenne pour le trimestre, ce qui explique pourquoi ils sont inférieurs au pic observé dans les bénéficiaires de chômage partiel (plus de 12 millions) au cours du second trimestre.
Le retour à la normale passera par des taux de chômage plus élevés
Si ces chiffres appartiennent désormais au passé, ils n’en donnent pas moins la mesure du travail de réembauche à accomplir pour qu’un retour à la normale se dessine sur le marché du travail et que la confiance revienne pour ces millions de consommateurs. Cela ne se produira pas entièrement au second semestre et nous continuons de penser qu’à mesure que le choc de demande sera digéré par les entreprises, plus de travailleurs entreront à nouveau, au fil des restructurations, dans la statistique de chômage, que nous attendons à 10,5% au début 2021. Il n’y a là qu’un jeu d’écriture comptable qui ne doit en aucun cas banaliser la situation dramatique du marché du travail actuel et qui ne fait que souligner à quel point la reprise devrait prendre du temps.