par Thibault Mercier, Economiste chez BNP Paribas
Depuis la seconde moitié des années 1980, le taux de chômage français n’est jamais durablement descendu en deçà de 8%. C’est sur ce constat, davantage que sur celui de la progression du chômage durant la crise, qu’entend se fonder la réforme du code du travail. Les effets devraient être positifs à moyen terme. A court terme, la question est plus délicate : la littérature indique que le point de départ importe lorsqu’il s’agit d’évaluer les effets à court terme des réformes structurelles.
Promise lors de la campagne, la réforme du code du travail s’affiche comme la première réforme économique d’envergure de la présidence Macron. Elle fait suite à la loi El Khomri, adoptée à l’été 2016, dont elle se propose d’approfondir les dispositions. L’objectif tel que défini dans la lettre de cadrage du Premier ministre est de « faire converger performance sociale et performance économique, en faisant évoluer […] notre droit du travail pour prendre en compte la diversité des attentes des salariés et des besoins des entreprises ». L’idée est de donner plus de flexibilité aux entreprises face aux évolutions conjoncturelles, aux mutations technologiques ainsi qu’aux difficultés induites par la mondialisation. Pour cela, deux grands axes sont poursuivis : d’une part, la réforme donnera plus de souplesse aux entreprises dans la gestion de leurs effectifs; d’autre part, l’établissement de la norme dans la relation de travail fera une plus grande place à la négociation au sein de l’entreprise.
Pour justifier sa réforme, le gouvernement s’appuie sur un constat : en termes de taux de chômage, mais surtout de taux d’emploi, la France accuse des performances moins satisfaisantes que nombre de ses voisins. Ce décalage est imputé au fonctionnement du marché du travail.
Le présent article vise deux objectifs : dresser l’état des lieux du marché du travail début 2017 en se focalisant sur le niveau élevé du chômage et ses causes ; décrire les effets de la réforme du marché du travail sur l’économie, en distinguant ce qui relève du court ou du moyen-terme.
Etat des lieux
– Dégradation du marché du travail durant la crise…
• Hausse du chômage
Il y a dix ans, le taux de chômage français (France métropolitaine+ DOM) s’établissait autour de 8% de la population active et était orienté à la baisse. De fait, il toucha un point bas au premier trimestre 2008, à 7,2%. Depuis, la France a traversé deux crises majeures : la crise financière mondiale de 2008-2009 communément appelée Grande Récession, puis, à partir de 2010 et jusqu’à l’été 2012, celle des dettes en zone euro. Cette période de quasi-stagnation (0,1% t/t de croissance économique en moyenne entre mi-2008 et mi-2016 contre 0,5% entre 2000 et mi-2008) a provoqué une hausse significative du chômage. Le nombre de chômeurs (France métropolitaine) au sens du Bureau international du travail (BIT)1 est passé de 1,9 million au T1 2008 à 2,9 millions mi-2015 avant de baisser quelque peu pour s’établir à 2,6 millions au T1 2017.
En termes de taux de chômage (c’est-à-dire le nombre de chômeurs rapporté à la population active), la hausse a également été importante, celui-ci étant passé de 7% environ début 2008 à 10,5% fin 2015 avant de connaître une légère décrue depuis. Il s’établissait à 9,6% au T1 2017, soit toujours près de 2,5 points au-dessus du dernier point bas.
• …due au manque de dynamisme de l’emploi
En dix ans, la situation sur le marché du travail s’est donc fortement dégradée. Pourtant, à la différence de l’Italie ou de l’Espagne (il est vrai davantage touchées par la crise), la France n’accuse pas de destructions nettes d’emplois par rapport à 2008, mais au contraire une légère progression2. Dans l’ensemble, c’est donc essentiellement le manque de dynamisme des créations de postes au regard de la démographie qui est responsable de la montée du chômage.
La résistance de l’emploi face à la crise a été insuffisante pour prévenir la montée du chômage. Elle doit, de surcroît, être nuancée. D’une part, elle s’explique en partie par l’augmentation des contrats aidés dans les secteurs non marchands, dont de récentes études3 montrent la faible efficacité en termes de réinsertion professionnelle durable. En ne retenant que l’emploi salarié dans les secteurs marchands (hors agriculture), des destructions nettes sont toujours à déplorer et ce, malgré le rebond à l’œuvre depuis le T2 2015 (0,3% t/t en moyenne). Ainsi, au T1 2017 l’emploi salarié marchand non agricole était toujours 1,3% en deçà du niveau de début 2008.
D’autre part, la « qualité » des emplois créés s’est détériorée. La part des entrepreneurs et des indépendants dans l’emploi total a augmenté, de même que celle des emplois à temps partiel. Celle-ci a crû d’un point et demi en dix ans, notamment du fait de sa progression chez les hommes4. Une mesure en équivalent temps plein indique que le niveau d’emploi début 2017 n’excédait que de 0,8% le pic d’avant-crise. Quant aux formes particulières d’emplois (CDD, intérimaires, apprentis), leur part dans l’emploi total a augmenté d’un point entre 2007 et 2016, passant de 11,9% à 12,9%. Cette progression a été particulièrement sensible pour les jeunes en CDD (18-24 ans) passés de 25,8% de l’emploi de cette tranche d’âge en 2007 à 31,3% en 2016.
– … et incertitude quant au chômage structurel
Dans son dernier jeu de prévisions (printemps 2017), la Commission européenne (CE) estime le taux de chômage structurel (ou NAWRU5) français à 9,4% en 2017, soit un niveau très proche du taux de chômage effectivement constaté au premier trimestre 2017, à 9,6%. En d’autres termes, d’après la Commission, la faiblesse de la demande ne joue qu’un rôle marginal dans le niveau élevé du chômage français : le chômage conjoncturel est quasiment inexistant. Cette estimation est proche de celle effectuée par l’OCDE qui calcule un taux de chômage structurel à 9,2% en 2017.
Dans les deux cas, les évaluations sont à la hausse, bien que de manière différente. Pour l’OCDE, la crise a fait monter le chômage structurel du fait d’un phénomène d’hystérèse lié à la persistance du chômage de longue durée6. Pour la Commission, le chômage structurel est plus stable dans le temps, mais autour d’une moyenne qui ne cesse d’être réévaluée.
En mettant bout à bout les estimations du NAWRU de l’année N réalisées l’année N (l’estimation de 2009 faite en 2009, celle de 2010 faite en 2010, etc.), on constate à la fois une grande volatilité et une tendance à la réappréciation graduelle du chômage d’équilibre, qui suit la montée du chômage effectivement constaté.
Cette option implique toutefois de considérer que l’économie française était en surchauffe (écart de production positif) entre 2000 et 2008, ce qui n’a rien d’évident : l’inflation est restée proche de 2%, le partage de la valeur ajoutée ne s’est pas déformé et le solde courant, même s’il s’est dégradé, est resté très contenu (le déficit courant atteignait 1% du PIB en 2007).
Comment justifier théoriquement la hausse du chômage structurel durant la crise? Le phénomène d’hystérèse explique qu’une hausse durable du chômage peut se transformer en une hausse permanente du chômage du fait de l’érosion des compétences des chômeurs de longue durée, qui deviennent inemployables. Mais rien ne permet de dire qu’un tel phénomène rend compte de la totalité de l’augmentation estimée du chômage structurel. On sait qu’en période de crise il est possible que la méthode d’estimation par les coûts salariaux unitaires exagère la hausse du chômage structurel7. En d’autres termes, la méthode d’estimation peut encore surestimer la véritable ampleur du chômage structurel même en tenant compte d’un éventuel effet d’hystérèse. D’autre part, si l’on admet qu’une faiblesse prolongée de la demande peut affecter l’offre, il faut aussi considérer le cas inverse : celui où une stimulation prolongée de la demande permet de relever l’offre potentielle et de faire baisser le chômage structurel. En phase de reprise, le rebond de l’investissement augmente le stock de capital, ce qui joue en faveur de la croissance potentielle. De même, dans une économie durablement stimulée, les entreprises finiront par recruter des chômeurs de longue durée et à re-développer leurs compétences rendant de nouveau employables ceux qui ne l’étaient pas dans une mauvaise conjoncture.
La question du niveau de chômage structurel mérite d’autant plus d’être posée que l’économie française ne présente actuellement aucun signe de tension sur les prix ou les salaires Or, une des conséquences d’une hausse du chômage structurel est précisément de voir se former des tensions inflationnistes à un niveau de chômage plus élevé que par le passé puisqu’une partie des chômeurs, devenue inemployable, n’est plus censée peser sur la formation des salaires.
• Sous-emploi et halo du chômage
Plusieurs explications ont été avancées pour expliquer ce décalage. L’une des plus courantes consiste à dire que la pente de la courbe de Phillips n’est pas constante, c’est-à-dire qu’elle varie selon la conjoncture. Dans une période de chômage élevé, les salaires et les prix seraient faiblement réactifs (la courbe s’aplatit) mais la réactivité augmenterait (la courbe se re-pentifie) avec l’amélioration conjoncturelle. Une fois le taux de chômage structurel atteint, et à plus forte raison dépassé, les salaires accéléreraient de nouveau8.
Un autre argument consiste à dire que le taux de chômage ne donne qu‘une image partielle de la situation sur le marché du travail. Des indicateurs plus larges qui tiennent compte du sous-emploi (le temps partiel subi) et du halo du chômage (les personnes disponibles pour travailler mais qui ne sont pas en recherche active ou les personnes en recherche active mais qui sont temporairement indisponibles) expliquent mieux l’inertie des prix.
De telles mesures, comparables au « U6 » américain, font état d’une sous-utilisation du travail de 18,5% début 2017 contre 15,4% en 2008. Elles indiquent assez clairement que l’embellie conjoncturelle n’est pas sur le point de buter sur des contraintes de production. La crise a surtout eu un effet sur la qualité des emplois créés, comme en témoigne l’augmentation du nombre d’emplois à temps partiel subis et des contrats temporaires. Mais rien ne permet a priori de penser que cette augmentation est irréversible.
L’hypothèse selon laquelle la «rigueur » de la législation française sur le travail aurait accentué le phénomène (dans une conjoncture incertaine, les entreprises ont davantage recours aux contrats courts et/ou à temps partiel si la législation sur les licenciements est rigide) bute sur la comparaison avec des pays qui ont flexibilisé leur marché du travail pendant la crise. L’Espagne ou l’Italie affichent des tendances encore plus marquées9. En Allemagne, l’indicateur type U6 a baissé depuis dix ans, tout comme le taux de chômage mais l’écart entre les deux mesures a augmenté. Cela tend à limiter le rôle joué par les institutions du marché du travail.
Le redressement de la demande observé depuis trois trimestres devrait se traduire par une baisse du sous-emploi. Le rythme de créations nettes de postes a déjà significativement accéléré, atteignant 259 k postes sur un an au T1 2017 contre 103 k en moyenne entre mi-2013 et mi-2016. L’accélération des salaires pourrait néanmoins tarder à se matérialiser, l’amélioration conjoncturelle passant d’abord par une réduction de la « marge intensive », à savoir l’écart entre le chômage et le sous-emploi global : augmentation du nombre d’heures travaillées, transformation de contrats temporaires en CDI, réintégration des chômeurs découragés sur le marché du travail.10
Ce qui fonde la réforme
La précédente partie a permis de souligner les difficultés qui entourent l’estimation du chômage d’équilibre. Notre analyse invite en outre à relativiser la pertinence de cet indicateur, qui capte de moins en moins bien la réalité du sous-emploi en France. Reste que la France souffre depuis une trentaine d’année d’un taux de chômage élevé en moyenne. Depuis la seconde moitié des années 1980, celui-ci n’est jamais durablement descendu en deçà de 8%. Le taux d’emploi est historiquement faible pour les jeunes et les seniors qui occupent par ailleurs les postes les plus précaires. C’est sur ce constat, davantage que sur celui de la progression du chômage durant la crise, qu’entend se fonder la réforme du code du travail. Les effets devraient être positifs à moyen terme. A court terme, la question est plus délicate : la littérature indique que le point de départ importe lorsqu’il s’agit d’évaluer les effets de court terme des réformes structurelles.
– Des performances insuffisantes
Les difficultés françaises liées à l’emploi peuvent être appréhendées en comparant les performances françaises à celles de pays similaires (pays de l’OCDE, pays membres de la zone euro) ou à celles des pays qui affichent les meilleurs résultats. Il ne sera toutefois jamais possible de départager parfaitement ce qui relève des institutions du marché du travail, de la conjoncture, de structures économiques différentes ou de choix sociaux. Par exemple, la France accuse un déficit d’emplois industriels vis-à-vis de l’Allemagne, mais il n’est pas uniquement imputable à une différence de coût du travail ou de rapport qualité/prix. La structure productive allemande est davantage tournée vers l’industrie pour des raisons historiques et géographiques qui dépassent la question du coût du travail. Ces différences de spécialisation ont pu s’accentuer avec l’adoption de l’euro et l’industrialisation des pays émergents. De même, comparer des taux de chômage n’a guère de sens lorsqu’il s’agit de pays qui ont des modèles sociaux très différents (Etats-Unis, Royaume-Uni par exemple).
En gardant ces remarques en tête donc, il est néanmoins possible de dégager les caractéristiques suivantes :
-) Le taux de chômage est élevé en moyenne, notamment chez les jeunes les moins diplômés
Depuis la seconde moitié des années 1980, la France connaît un taux de chômage important, sensiblement plus élevé, en moyenne, qu’aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni mais nettement moins volatil. Relativement à la zone euro, la France a connu un taux de chômage proche mais légèrement inférieur à la moyenne entre 2000 et 2008. L’écart s’est creusé à partir de 2009, culminant à près de deux points fin 2013. Depuis il n’a cessé de se réduire : au T1 2017, le taux de chômage français était équivalent à celui de la zone euro.
Au sein de l’Union économique et monétaire, trois pays11 font significativement mieux que la France en matière de taux de chômage : l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Autriche. La qualité de l’emploi, mesurée par l’indice Job Quality Index de l’European Trade Union Institute, y est, de plus, globalement supérieure12.
L’écart de taux de chômage avec ces pays vaut pour toutes les tranches d’âge mais il est particulièrement prononcé chez les jeunes (15-24 ans). Depuis 2000, le taux de chômage des jeunes est plus de deux fois plus élevé en France qu’en Allemagne aux Pays-Bas ou en Autriche. C’est également en France que le taux de chômage des moins qualifiés (niveau brevet des collèges ou inférieur) est le plus élevé. Là encore, les jeunes sont les plus touchés : le taux de chômage des jeunes sans qualification atteint 33% en moyenne depuis 2000 contre 13% en Allemagne, 11%, aux Pays-Bas et 13% en Autriche. En outre, alors qu’il a plutôt augmenté en France depuis le début de la crise, il est resté stable dans les autres pays considérés.
Le fort taux de chômage des jeunes se double d’un faible taux d’activité. Chez les 15-24 ans, il est depuis 2000 singulièrement plus faible en moyenne en France (38%) qu’en Allemagne (50%), aux Pays-Bas (71%) ou en Autriche (58%). Cela s’explique en partie par l’organisation des études : les enquêtes d’Eurostat sur la raison principale de ne pas chercher d’emploi indiquent, qu’en France, l’inactivité des 15-24 ans résulte, dans plus de 90% des cas, du fait de suivre des études ou une formation professionnelle, une proportion légèrement plus importante que dans les autres pays cités. Reste qu’en France le taux d’activité des moins diplômés est relativement faible13, ce à quoi la durée des études est moins susceptible d’apporter une réponse. Au final, bien que ce soit en France que le taux de chômage des jeunes les moins diplômés soit le plus élevé, leur part dans le chômage total des jeunes y est moindre qu’en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Autriche. Mais cela tient uniquement à des différences de taux d’activité.
– ) Le taux d’emploi est relativement faible aux deux extrémités de la Taux d'emploi vie active
Intéressons-nous désormais non plus au taux de chômage, mais au taux d’emploi (c’est-à-dire au nombre d’emplois rapporté à la population d’une classe d’âge). En France, le taux d’emploi de l’ensemble de la population en âge de travailler (15-64 ans) atteignait 64% en 2016 contre 75% en Allemagne et aux Pays-Bas, et 72% en Autriche. De plus, alors qu’il stagne en France depuis 2003, le taux d’emploi a augmenté de dix points en Allemagne, de trois points en Autriche et d’un point aux Pays Bas où il est historiquement élevé.
La faiblesse relative du taux d’emploi français se vérifie là aussi pour 0 toutes les classes d’âge. Sans surprise, elle est particulièrement marquée chez les jeunes (15-24 ans) : le taux d’emploi n’y atteint que 30% en moyenne depuis 2000 contre 45% en Allemagne, 65% aux Pays-Bas et 52% en Autriche. Il est également faible, significativement inférieur à l’Allemagne et aux Pays-Bas (mais comparable à l’Autriche) chez les seniors (60-64 ans). En revanche, le taux d’emploi est élevé et très proche de la moyenne des autres pays pour la tranche 25-49 ans.
Une analyse du taux d’emploi par niveau d’éducation14 montre que la France accuse un déficit à tous les niveaux, mais que l’écart avec les autres pays est le plus conséquent chez les moins diplômés, en particulier les titulaires de diplômes de deuxième cycle de l'enseignement secondaire (baccalauréat) et de l’enseignement post-secondaire non-supérieur. Le taux d’emploi y est de 68% en moyenne depuis 2000 contre 73% en Allemagne, 78% aux Pays-Bas et 74% en Autriche.
Une comparaison franco-allemande sur ce segment de la population fait apparaître deux évolutions opposées au cours des quinze dernières années : partant du même taux d’emploi en 2002 (70%), l’Allemagne a gagné dix points lorsque la France en perdait quatre.
En recoupant les données par tranche d’âge et niveau de diplômes, on constate que la faiblesse relative du taux d’emploi des moins qualifiés concerne essentiellement les jeunes et les seniors. Ainsi, par exemple, si la France accuse en moyenne, depuis 2000, un déficit d’environ six points du taux d’emploi des moins diplômés par rapport à la moyenne des pays les plus performants, l’écart se concentre chez les 15-24 ans (-30 points) et les 60-64 ans (-7 points), tandis qu’il est inexistant chez les 25-49 ans et qu’il joue même en faveur de la France chez les 50-59 ans (graphique 14). Cette distribution des écarts de taux d’emplois se retrouve de la même manière chez les diplômés du supérieur, bien que dans ce cas la faiblesse relative du taux d’emploi des jeunes puisse davantage provenir de l’organisation des études. D’autre part, si pour une classe d’âge donnée le taux d’emploi augmente toujours avec le niveau de qualification, cet effet est plutôt moins marqué en France qu’en moyenne dans les autres pays.
L’exception se trouve chez les jeunes (15-24 ans) : en dépit du faible taux d’emploi des diplômés du supérieur, l’écart avec les faiblement qualifiés reste très important. Il indique surtout l’extrême difficulté pour les jeunes sans qualification à s’insérer sur le marché du travail : seuls 9,5% d’entre eux avaient un emploi en 2016 (15% en 2006) contre 30% en Allemagne, 52% aux Pays-Bas et 35% en Autriche.
En définitive, la France souffre essentiellement d’un faible taux d’emploi aux deux extrémités de la vie active, à savoir les 15-24 ans et les 60-64 ans. Ces difficultés sont particulièrement marquées chez les moins diplômés: comparativement aux pays affichant les meilleures performances, plus la qualification est basse et plus les écarts de taux d’emploi se creusent, notamment chez les jeunes. Par ailleurs, les jeunes français a fortiori les moins diplômés occupent plus généralement des emplois précaires (CDD, temps partiel subi) : plus d’un jeune salarié sur deux est employé en contrat temporaire, 55% de ceux à temps partiel le sont involontairement.
Si l’on se concentre en revanche sur les 25-59 ans, la France présente des résultats légèrement inférieurs mais comparables aux autres pays en moyenne depuis 2000, et ce quel que soit le niveau d’éducation. Notons toutefois que la crise a accentué les différences en défaveur de la France, en particulier chez les moins qualifiés.
-) Les faiblesses françaises sont plus prononcées chez les hommes
Enfin, les performances sur le marché du travail peuvent aussi être appréciées selon la distinction homme/femme. En France, comme en Allemagne et en Autriche, le taux de chômage des femmes était en 2016 légèrement inférieur à celui des hommes. Mais tandis qu’en Allemagne, et dans une moindre mesure en Autriche, ce constat se vérifie depuis le début des années 2000, il n’est vrai en France que depuis 2012. Il s’explique par l’effet relatif de la crise sur le taux de chômage. Entre 2008 et 2016 celui des hommes est passé de 6,7% à 10,3% quand celui des femmes est passé 7,4% à 9,9%.
En France, comme dans les autres pays étudiés, le taux d’activité des femmes est inférieur à celui des hommes mais l’écart s’est réduit de cinq points depuis quinze ans du fait d’une hausse chez les femmes et d’une légère baisse chez les hommes.
Si l’on s’intéresse désormais au taux d’emploi, on constate que la faiblesse relative de la France est légèrement moins prononcée chez les femmes. Le taux d’emploi des femmes en âge de travailler (15-64 ans) était de 60,9% en 2016 en France contre 69,5% en moyenne en Allemagne, aux Pays-Bas et en Autriche (pour les hommes 67,6% en France contre 77,8%)
De manière générale, on constate que ce qui caractérise négativement la France vis-à-vis des pays les plus performants est plutôt moins marqué chez les femmes que chez les hommes. Il en va ainsi des écarts de taux d’emploi concernant les jeunes et les seniors mais aussi des jeunes et des seniors les moins diplômés. Par contre, la qualité de l’emploi est comparativement plus faible pour les femmes en France que dans les autres pays étudiés.
– Quelles mesures, pour quels effets ?
La réforme du code du travail (voir encadré 1) vise à améliorer le fonctionnement du marché travail, notamment à en réduire la dualité et à permettre un meilleur ajustement des salaires et des conditions de travail aux évolutions conjoncturelles et/ou technologiques. Les effets ne sont pas seulement à attendre sur le volume global d’emplois mais aussi sur sa composition. Par ailleurs, l’objectif est également d’améliorer la compétitivité des entreprises.
-) La protection de l’emploi
L’un des principaux enjeux de la réforme concerne la protection de l’emploi, c’est-à-dire la législation qui encadre les ruptures de contrat de travail15. Comme le rappelle le rapport Combrexelle, inspirateur de la loi El Khomri : « le droit du travail s’est construit […] sur un constat : le contrat conclu entre l’employeur et le salarié, le contrat de travail, était un contrat par nature inégal au profit de l’employeur. Progressivement, une série de dispositions législatives, réunies dans le code du travail, ont été prises pour compenser cette inégalité et assurer la protection du salarié ». Le code du travail stipule ainsi que tout licenciement doit être motivé par « une cause réelle et sérieuse ». Il s’agit tout d’abord de faire respecter les droits fondamentaux de la personne. Ne peuvent être invoqués, par exemple, la nationalité, le sexe, la religion, les mœurs, etc.
Au-delà du respect des droits fondamentaux, le code du travail encadre également les licenciements sur le plan économique. En cas de litiges le juge évalue la pertinence des motifs de rupture du contrat de travail. Les critères retenus sont alors les difficultés économiques ou les mutations technologiques que connait l’entreprise. Un licenciement abusif, c’est-à-dire dépourvu de cause réelle et sérieuse, donnera lieu à des indemnités de dommages et intérêts, au-delà des indemnités de licenciement proportionnelles à l’ancienneté.
Un licenciement économique s’accompagne, en outre, d’une procédure préétablie. Celle-ci est plus exigeante lorsque le licenciement est qualifié de collectif (c’est dire qu’il concerne au moins deux salariés sur une même période de 30 jours). Lorsqu’il concerne au moins dix salariés dans une entreprise de plus de 50 salariés, l’entreprise doit élaborer un plan social appelé « plan de sauvegarde de l’emploi » incluant, entre autre, une obligation de favoriser le reclassement, la formation et l'accompagnement du personnel, qui peut contester juridiquement ce plan social.
L’OCDE construit des indices qui permettent d’appréhender le degré de protection des emplois contre les licenciements individuels et collectifs. Ils intègrent les obligations de notification et de consultation, les délais de préavis et les indemnités de licenciement, les répercussions d’un licenciement jugé abusif ainsi que les surcoûts associés aux licenciements collectifs.
Ces indices ont une valeur comprise entre 0 et 6 : plus l’indice est élevé, plus la protection de l’emploi est tenue pour importante. La France fait partie des pays ayant la législation la plus rigoureuse, aux côtés d’autres pays d’Europe continentale, comme l’Allemagne ou les Pays- Bas, traditionnellement plus protecteurs que les pays de Common Law (Nouvelle-Zélande, États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Australie, Irlande). La loi française se distingue surtout par une protection importante des licenciements individuels.
-) Protection de l’emploi, emploi et chômage
Parler de protection de l’emploi aujourd’hui revient essentiellement à qualifier la capacité des salariés à conserver leur emploi au gré des fluctuations conjoncturelles. De prime abord, une législation rigoureuse semble aller dans le sens d’une limitation du chômage, les destructions de postes étant freinées en cas de retournement de cycle. Ce n’est pas évident : une protection stricte peut être source de rigidité pour les entreprises, dès lors réticentes à embaucher, y compris dans les bonnes conjonctures. Les entreprises savent qu’en cas de choc négatif de demande elles devront s’acquitter d’un coût de licenciement élevé auquel s’ajoutent l'insécurité juridique du licenciement économique ainsi que les délais et incertitudes qui entourent les procédures judiciaires. Macroéconomiquement, une forte protection se traduit par une moindre sensibilité de l’emploi aux variations du PIB, ce qui se vérifie lorsque l’on compare le cas de la France à celui des Etats-Unis ou du Royaume-Uni.
Théoriquement l’effet de la protection de l’emploi sur le chômage est ambigu. En effet, avec une législation protectrice, les entreprises embauchent moins de salariés dans les bonnes conjonctures mais en licencient moins en cas de baisse de l'activité. Avec une législation souple, elles embauchent plus pour faire face à une recrue d'activité mais licencient également davantage en cas de retournement du cycle.
Les nombreuses études empiriques16 sur le sujet ne permettent pas de conclure à un lien significatif entre la législation sur les licenciements et le taux de chômage. Mais elles montrent que la durée du chômage augmente généralement avec le degré de protection de l’emploi. C’est en fait sur le taux d’emploi qu’une législation rigoureuse a le plus d’incidence : une forte protection de l’emploi tend à diminuer le taux d’emploi, en particulier celui des jeunes et des seniors. L’effet différencié sur le taux d’emploi et le taux de chômage s’explique par la baisse du taux d’activité, à mettre en lien avec la durée du chômage : plus longue dans les pays les plus protecteurs, elle induirait un découragement plus important. L’assouplissement de la législation sur la protection de l’emploi semble a priori répondre aux principales difficultés du marché du travail français, à savoir la faible participation des jeunes et des seniors. Reste que l’Allemagne et les Pays-Bas, qui affichent de meilleures performances que la France en la matière, présentent selon l’OCDE des degrés également élevés de protection de l’emploi (y compris pour les licenciements individuels).
Leurs performances sont par ailleurs comparables à celles du Royaume-Uni. D’autres variables doivent donc être considérées. Il ressort en particulier de plusieurs études17 qu’à partir d’un certain niveau, une progression trop rapide du salaire minimum relativement au salaire médian aurait un impact négatif sur l'emploi des personnes les moins qualifiées, les employeurs ayant tendance, pour le même salaire minimum ou pour un salaire légèrement supérieur, à substituer des travailleurs qualifiés aux travailleurs moins qualifiés. En France, les plus jeunes et les femmes feraient ainsi les frais de cet effet de substitution.
-) Protection de l’emploi et segmentation
La question de la protection de l’emploi ne concerne pas uniquement le volume d’emplois, elle a aussi trait à sa composition. On constate qu’une législation rigoureuse sur les licenciements (protégeant essentiellement les contrats à durée indéterminée) s’accompagne généralement d’une proportion élevée de contrats temporaires dont une faible part donne accès à un l’emploi permanent (environ 10% aujourd’hui en France). Le marché du travail est segmenté entre les personnes bénéficiant d’un emploi stable et celles qui alternent contrats temporaires et périodes de chômage. Cette précarité se concentre chez les catégories socialement les plus fragiles (exemplairement les jeunes les moins qualifiés). Les conséquences d’une telle situation s’étendent au-delà du marché du travail : un emploi temporaire rend par exemple plus difficile l’accès à un logement ou à un crédit.
Cette segmentation a tendance à s’accentuer dans les mauvaises conjonctures, les employeurs ayant recours plus fréquemment aux contrats temporaires.
Ainsi, en France, si la part des contrats temporaires dans l’emploi total salarié n’a progressé que d’un point durant la crise (il y a eu initialement beaucoup d’emplois temporaires détruits), cette évolution masque une dualisation croissante de l’emploi : sur 100 embauches réalisées entre 2012 et 201518, 83 étaient des contrats en CDD (contre 71 entre 2000 et 2006) dont une part de plus en plus grande de très courte durée : 70 d’entre eux se concluent au bout d’un mois et ce, malgré la surtaxe sur les CDD de courte durée mise en place à partir de 2013. Le taux de rotation de la main-d’œuvre a fortement augmenté mais ne concerne qu’une minorité de personnes sur qui pèsent les risques liés à la conjoncture.
Assouplir les conditions du licenciement revient à répartir l’incertitude sur un plus grand nombre d’acteurs et à réduire le coût relatif d’une embauche en CDI, ce qui aurait a priori pour effet d’inciter les entreprises à recourir davantage à ce type de contrat.
-) Protection de l’emploi et productivité
Une protection élevée de l’emploi peut également avoir des effets néfastes sur la productivité, en tant que celle-ci résulte en partie d’un phénomène de destruction créatrice qui serait rendu plus difficile. Bouis et al (2011)19 estiment ainsi qu’une réforme de la protection de l’emploi facilitant la réallocation du travail, en réponse aux modifications de la demande, permettrait une hausse de la productivité allant de 0,25% à 0,75% selon les pays. Une hausse de la productivité contribue à réduire le chômage structurel en permettant d’octroyer des hausses de salaires réels sans générer d’inflation.
En outre, il est probable qu’une forte segmentation de l’emploi pèse sur le niveau de productivité du travail via une moindre formation professionnelle et moins d’accumulation de capital humain spécifique aux entreprises.
-) La négociation collective
Assouplir la législation sur les licenciements économiques revient à donner plus de flexibilité aux entreprises pour gérer leurs effectifs en fonction de l’état de la demande. Cette flexibilité est dite « externe ». Il existe une autre source de flexibilité, « interne », qui consiste à jouer sur les volumes d’heures de travail et sur les salaires. Pour un niveau donné de protection de l’emploi, une plus grande flexibilité interne augmente théoriquement l’incitation à embaucher en CDI.
De nombreux facteurs peuvent influencer la flexibilité interne (la présence de syndicats et leur pouvoir de négociation, la législation sur le droit de grève, le montant du revenu de remplacement, etc.) parmi lesquels le degré de centralisation des négociations collectives.
Rappelons qu’en matière de droit du travail, il existe trois sources de normes : la loi, le contrat de travail et les accords collectifs. Les accords collectif peuvent être signés essentiellement à trois niveaux: l’entreprise, la branche (dont le périmètre est défini par les partenaires sociaux) et, enfin, le niveau national interprofessionnel. Ces trois sources s’articulent selon deux grands principes : 1/ une hiérarchie qui établit la supériorité des normes légales et réglementaires sur les accords négociés par les partenaires sociaux et, entre accords négociés, des conventions de branche sur les accords d’entreprise ; 2/ un principe de faveur qui stipule qu’une norme de rang inférieur ne peut déroger à une norme de rang supérieur que si elle est plus favorable aux salariés.
La théorie20 distingue le cas où la négociation est complétement centralisée (niveau national), celui où elle est complétement décentralisée (niveau des entreprises) et celui où elle s’effectue à un niveau intermédiaire (niveau des branches). Dans le premier cas, les revendications salariales internalisent les effets sur l’emploi, dans le deuxième chaque entreprise négocie selon les conditions dans lesquelles elle évolue. La négociation au niveau intermédiaire produirait les moins bons résultats car les conditions négociées seraient trop pénalisantes pour une partie des entreprises, tandis que les acteurs n’internaliseraient pas les conséquences négatives en termes d’emploi : les différences de pouvoir de marché des entreprises se traduiraient par un salaire trop élevé pour certaines d’entre elles, alors contraintes de réduire l’emploi pour s’ajuster ou vouées à disparaître. Ce phénomène est accentué par les procédures d’extension qui rendent applicable, par arrêté ministériel, une convention ou un accord collectif à toutes les entreprises dans son champ d’application, y compris celles qui ne sont pas adhérentes à l’une des organisations syndicales signataires. Ainsi, en termes d’arbitrage emploi/salaire, les systèmes très centralisés ou au contraire très décentralisés seraient les plus optimaux au sens de Pareto (améliorer la situation des uns sans dégrader celle des autres).
Les différentes réformes apportées au droit du travail français au cours des trente dernières années ont largement modifié l’articulation des normes, à la fois en développant le champ de la négociation par rapport à la loi, en autonomisant les différents niveaux de négociations (voir encadré 3) et en introduisant des exceptions au principe de faveur.
Ainsi, si la branche reste l’échelon dominant de l’ordre conventionnel, un nombre conséquent de thèmes des relations de travail sont aujourd’hui négociés au niveau des entreprises. C’est le cas, en particulier, de l’aménagement du temps de travail pour lequel la négociation d’entreprise prime désormais sur l’accord de branche,21 ce qui explique que l’on parle à ce propos « d’inversion de la hiérarchie des normes ». La réforme à venir du code du travail entend poursuivre ce mouvement de décentralisation des négociations collectives en élargissant les domaines où l’accord d’entreprise l’emporte sur celui de la branche (par exemple l’octroi des primes d’ancienneté, 13ème mois).
Une plus grande flexibilité interne offre en principe une alternative au licenciement en cas de retournement de cycle22. L’idée est aussi de permettre de mieux moduler les conditions de travail (rémunération, horaires, organisation interne, etc.) en fonction de chaque situation diminuant les distorsions de concurrence entre grandes et petites entreprises : la différenciation des rémunérations est un moyen de compenser les écarts de productivité au sein d'une branche. Au niveau agrégé, cet effet devrait se traduire par une moindre progression des coûts salariaux unitaires, ce qui s’apparente à des gains de compétitivité-coût, toutes choses égales par ailleurs.
Cela n’épuise pas pour autant la question de la concurrence entre branches et au sein même des branches. D’une part, la traduction des gains de compétitivité-coût en baisse de prix suppose un marché des produits suffisamment concurrentiel. Le CAE (2015) 23 note que le problème de compétitivité français est moins lié aux coûts unitaires du travail dans l’industrie manufacturière qu’aux coûts des consommations intermédiaires. Ceux-ci ont fortement augmenté depuis dix ans du fait, notamment, d’une concurrence insuffisante dans les secteurs en amont de la chaîne de production. En d’autres termes, la compétitivité française est pénalisée par le niveau des marges dans le secteur abrité. Blanchard et Giavazzi (2003)24 soulignent l’importance d’une approche globale en matière de déréglementation. La libéralisation du marché des biens apparaît comme un préalable souhaitable à celle du marché du travail en tant qu’elle rendrait plus acceptable la modération salariale.
D’autre part, la question des conditions de la concurrence entre firmes d’une même branche reste ouverte : une dérégulation trop poussée augmente le risque de dumping social, à savoir d’une généralisation des accords d’entreprise les moins-disant. C’est ici, notamment, que la définition de « l’ordre public conventionnel » trouve sa pertinence.
Enfin, la décentralisation des négociations collectives pose la question de la capacité des entreprises à obtenir des accords alors que la plupart des PME française n’ont pas de représentation syndicale. La possibilité de négocier en l’absence de syndicat dans les entreprises de moins de 50 salariés pourrait répondre à ce problème, à condition toutefois qu’elle ne traduise par une dégradation du climat social. Notons que si le faible taux de syndicalisation (moins de 10% des salariés) peut certes s’expliquer par les procédures d’extension, il résulte aussi de la dégradation de l’image des syndicats dans l’opinion et de la confiance limitée entre interlocuteurs sociaux.
– Les effets à court terme
Jusqu’ici nous avons abordé les effets à attendre de la réforme à moyen-terme, c’est-à-dire implicitement selon l’hypothèse que l’économie évoluait à son niveau potentiel. Cela signifie plus spécifiquement que l’économie ne connaît pas de déficit de demande : la baisse du chômage ne bute que sur des contraintes d’offre que la réforme est précisément supposée lever. Or, nous avons vu dans la première partie que la crise avait laissé d’importantes séquelles sur le marché du travail français. Une part encore significative du sous-emploi est imputable à une demande insuffisante. Celle-ci se redresse mais demeure toujours inférieure à l’offre, générant un écart de production (output gap) négatif.
L’influence de court terme des politiques d’offre est sujette à débat. Souvent, des effets négatifs sur l’emploi et la consommation se font sentir avant que les effets positifs ne se matérialisent (Cacciatore et al. 2016). Un effet positif immédiat peut néanmoins se produire si l’anticipation d’une hausse future de revenu, liée à l’anticipation d’une hausse du PIB potentiel, agit comme un effet de richesse: la consommation et l’investissement sont stimulés à court terme. Mais cette réponse positive de la demande suppose, d’une part, que les agents économiques forment des anticipations rationnelles25 et, d’autre part, qu’ils ne soient pas contraints par la liquidité. Or, cette seconde hypothèse est moins crédible dans une conjoncture fragile (lorsque l’output gap est négatif). A l’inverse, un certain nombre d’effets négatifs ont plus de chance de se matérialiser.
-) Rétablissement des marges et épargne de précaution
Nous avons vu qu’une législation rigoureuse sur le licenciement économique limitait la progression du chômage dans les mauvaises conjonctures. Si cela permet de réduire la perte de revenus pour les ménages, du point de vue des entreprises cela se traduit par des pressions baissières sur la rentabilité. Une baisse de la demande à effectif constant implique un ralentissement de la croissance de la productivité du travail. Oscillant autour de 1,1% en moyenne entre 2000 et 2007, elle n’atteint en France que 0,4% (en moyenne) depuis 2012, ce qui suggère la présence de sureffectifs.
Assouplir la législation sur les licenciements dans une telle situation peut conduire à des destructions nettes d’emplois à très court terme même s’il convient de noter que le risque est moindre si la reprise reste bien ancrée, ce qui semble le cas aujourd’hui. L’effet sur la croissance peut néanmoins se révéler négatif si le rétablissement des marges induit aussi une hausse de l’épargne des ménages. Nous avons vu, en effet, qu’un des objectifs de la réforme du code du travail était de modifier la répartition de l’incertitude économique. Il s’agit essentiellement d’un transfert (partiel) des coûts de l’incertitude depuis les entreprises et les outsiders vers les insiders. Si en réponse ces derniers accroissent leur épargne, il s’ensuivra une moindre progression de la demande.
-) Moindre progression des salaires et taux réels
La décentralisation des négociations collectives devrait se traduire par un ralentissement de la croissance des coûts salariaux unitaires réels. Les effets peuvent être positifs sur le plan microéconomique (stimuler l’embauche dans certaines firmes) mais négatifs macro économiquement si l’output gap est déjà négatif (le ralentissement des salaires accentue le déficit de demande). Il s’agit d’un exemple typique de sophisme de composition : appliqué à l’ensemble des agents économiques, une évolution spécifique peut, dans un certain contexte, produire un résultat contraire26.
La modération salariale peut, en outre, exercer des effets négatifs via la hausse des taux réels si la politique monétaire a touché un plancher et, à plus forte raison, si elle s’engage parallèlement vers un resserrement monétaire.
Le FMI a récemment complété ces considérations théoriques par une évaluation empirique27 de l’effet des politiques d’offre en distinguant les situations d’output gap positif et d’output gap négatif. Les résultats viennent plutôt conforter les modèles : introduites lorsque l’écart de production est négatif, les politiques de dérégulation du marché du travail tendent à avoir un effet négatif sur l’activité à court terme, notamment pour ce qui est de l’assouplissement de la législation sur les licenciements.
-) Les effets sur la compétitivité
Enfin, comme nous l’avons noté, la modération salariale peut jouer en faveur de la compétitivité, ce qui permet de capter une part plus grande de la demande mondiale. La hausse des exportations peut alors compenser, au moins partiellement, l’affaiblissement de la demande intérieure, ce qu’on a pu constater dans le cas espagnol, par exemple.
Il faut néanmoins noter que l’amélioration de la compétitivité ne peut résulter que d’une baisse du prix relatif des biens et services d’un pays vis-à-vis de ses concurrents. Autrement dit, dans une zone commercialement intégrée, l’introduction simultanée de politiques d’offre tend à en réduire les effets. Les gains sont d’autant plus importants que les réformes sont mises en œuvre isolément. A l’inverse, le statu quo est une stratégie risquée si les autres pays s’engagent sur la voie de la modération salariale. Les réformes récentes en Italie ou en Espagne ont accru le risque encouru par la France, en restant à l’écart de ces politiques.
Gaulier (2016)28 analyse l’introduction non coordonnée de politiques d’offre dans une union monétaire sous la forme d’un « dilemme du prisonnier », en partant du postulat que ces réformes ont un impact positif sur la demande intérieure lorsque l’environnement macroéconomique est favorable (output gap positif ou nul) et négatif lorsqu’il est défavorable (output gap négatif).
Il considère deux pays qui peuvent faire le choix, ou non, de déréguler leur marché du travail. Si l’environnement macroéconomique est favorable, les deux pays ont intérêt à réformer car ils obtiendront un gain en termes de PIB. Ce dernier sera limité et passera essentiellement par la demande intérieure si les réformes sont introduites simultanément dans les deux pays (les effets sur la demande extérieure s’annulent). Le gain sera maximal pour le pays qui dérégule seul : il détournera à son profit une part de la demande étrangère. Symétriquement, le pays qui n’a pas dérégulé subira une perte de parts de marché. Du point de vue collectif, la réforme est préférable au statu quo.
La situation est différente lorsque l’environnement macroéconomique est défavorable. La réforme a un effet négatif sur la demande intérieure de telle sorte qu’une mise en œuvre simultanée produit un effet global négatif. Du point de vue collectif, le statu quo est préférable à la réforme. On se trouve alors dans une configuration de type « dilemme du prisonnier » : le pays 1 n’a pas intérêt à réformer mais ne pas réformer laisse courir le risque de perdre des parts de marché au détriment du pays 2 si ce dernier se réforme. Or, réformer seul est avantageux : le gain en termes de demande extérieure excède le coût en termes de demande intérieure. Il résulte que les deux pays vont réformer, ce qui est sous-optimal d’un point de vue collectif.
Conclusion
La réforme du Code du travail est susceptible d’avoir des effets positifs sur le marché du travail français : la flexibilité donnée aux entreprises pourrait accroître le taux d’emploi, notamment pour les jeunes et les seniors, et réduire la segmentation du marché ; la décentralisation des négociations collectives devrait permettre de réduire les distorsions de concurrence entre firmes et de gagner en compétitivité-coût. Au final, le taux de chômage structurel pourrait baisser. Comme c’est généralement le cas avec les réformes de structure, ces effets devraient toutefois se matérialiser au bout d’un certain temps. A court terme les conséquences sont plus nuancées. Toutes choses égales par ailleurs, le risque est de peser davantage sur la demande alors que l’output gap est encore négatif. Mais, bien entendu, rien ne se passe jamais toutes choses égales par ailleurs. En l’espèce, les perspectives de croissance et d’emploi à court terme seront bien plus déterminées par les évolutions du policy mix (politique monétaire et budgétaire) que par les modifications structurelles induites par la réforme.
Encadré 1 :
Les principales mesures de la future loi
Les ordonnances relatives à la réforme du code du travail, qui devraient rentrer en vigueur fin septembre, ont été rendues publiques le 31 août. En voici les principaux points
Nouvelle articulation de l’accord d’entreprise et de l’accord de branche
La répartition des domaines de compétence entre branches et entreprises s’articulera autour de trois blocs. Le premier bloc correspond aux thématiques exclusives de la branche. Cinq thèmes sont maintenus : minima salariaux, classification des métiers, formation, protection sociale complémentaire, égalité professionnelle. Deux nouveaux sont intégrés. Il s’agit des règles de recours au CDD et à l’intérim, jusqu’ici fixées par la loi (durée, renouvellements, délai de carence) et le recours au CDI «de chantier» ou «d’opération», qui s’arrête à la fin de la mission du salarié. Un deuxième bloc concerne les thèmes sur lesquels les branches auront la possibilité d’instaurer une clause de verrouillage : pénibilité, prévention des risques professionnels, handicap et conditions d’exercice d’un mandat syndical Enfin dans un troisième bloc se trouvent tous les thèmes pour lesquels les accords d’entreprises primeront sur les accords de branche, à l’exception des blocs 1 et 2. A partir du 1erer mai 2018, pour être validés, les accords d’entreprise devront être approuvés par des organisations représentant 50 % des voix, et non plus 30 % comme aujourd’hui. Nouvelles modalités du dialogue social Dans les entreprises de plus de 50 salariés, comité d’entreprise, CHSCT et délégués du personnel vont fusionner en une instance appelée «Comité social et économique». Ce dernier pourra solliciter des expertises et saisir la justice mais il devra s’acquitter de 20 % de leur coût. Désormais, même en l’absence de syndicats, les dirigeants des entreprises de moins de 50 salariés pourront négocier sur tous les sujets directement avec un élu du personnel. Pour négocier et conclure des accords, les dirigeants de PME devaient jusqu’à présent traiter avec un représentant des salariés mandaté par un syndicat. Les ordonnances élargissent la possibilité pour les employeurs de soumettre des accords à référendum. Dans les entreprises de moins de 20 salariés dépourvues d’élu du personnel, les dirigeants pourront négocier directement avec les salariés, puis soumettre des accords au vote sur tous les sujets de négociation : rémunération, temps et organisation du travail, etc. Ce n’est aujourd’hui possible que dans quelques domaines (intéressement, travail du dimanche). L’accord devra être ratifié par les deux tiers des salariés. Par ailleurs la loi El Khomri prévoyait qu’un accord d’entreprise soit adopté s’il était signé par des syndicats représentant au moins 50 % des voix aux élections professionnelles, ou par des organisations minoritaires (au moins 30 %) après validation par référendum. Seuls les syndicats peuvent aujourd’hui déclencher un tel vote. Les ordonnances élargissent cette option aux employeurs. Les syndicats majoritaires garderont toutefois la possibilité de s’y opposer. Modification des règles régissant les licenciements Les ordonnances prévoient la barémisation des indemnités de dommages et intérêts en fonction de l’ancienneté. Celle-ci devrait concerner essentiellement les licenciements abusifs (sans cause réelle et sérieuse) pour motif économique puisque seront exclus du barème obligatoire les cas de harcèlement, de discrimination ou les atteintes aux libertés fondamentales des salariés. Le barème s'articule autour d'un plancher et d'un plafond, avec une progressivité en fonction de l'ancienneté du salarié. Avec deux ans d’ancienneté et au-delà, le plancher est fixé à 3 mois de salaire brut. Quant au plafond il sera de trois mois de salaire avec deux ans d’ancienneté, augmenté à raison d’un mois par année d’ancienneté, jusqu’à 10 ans, puis en hausse d’un demi-mois par an pour atteindre 20 mois maximum pour 30 années dans la même entreprise. Un barème différent s’appliquera aux entreprises de moins de 11 salariés mais seulement pour le plancher : il sera compris entre 0,5 et 2,5 mois de salaire suivant l’ancienneté. En contrepartie, les indemnités de licenciement passeront à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté (au lieu d'1/5 actuellement).
Les délais pour contester un licenciement devant les Prud’hommes, aujourd’hui fixés à entre un et deux ans, seront ramenés à un an, quel que soit le motif de rupture. Par ailleurs, le périmètre retenu pour évaluer les difficultés économiques d’un groupe international qui licencie en France pourrait également être revu : jusqu’ici, en cas de litige, le tribunal apprécie les difficultés économiques de l’ensemble du groupe. Avec la réforme le périmètre pourrait être restreint à la France.
Enfin, le gouvernement va créer un dispositif de rupture conventionnelle collective. Aujourd'hui, ces ruptures à l'amiable ne peuvent être conclues qu'individuellement entre un salarié et son employeur. Suite à la réforme, il sera possible par accord de définir un cadre commun de départ volontaires.
ENCADRE 2
Pourquoi protéger l’emploi ?
Macroéconomiquement, la protection de l’emploi se justifie par la distinction entre valeur privée et valeur sociale de l’emploi.
La production réalisée par une personne employée dans une entreprise représente la valeur privée de l’emploi. Elle donne lieu à une répartition en salaire et profit. Mais l’emploi a également une valeur sociale : sa valeur pour la collectivité. Celle-ci correspond à la somme de la valeur privée et des externalités, à savoir les répercussions des décisions relatives à l’emploi qui dépassent les intérêts de l’employeur et de l’employé concerné.
Ainsi, détruire un emploi implique un coût social qui s’ajoute au coût privé. Ceci s’explique par le fait que la majorité des recettes fiscales provient des personnes ayant un emploi. L’écart entre la valeur sociale et la valeur privée de l’emploi dans le cas d’un licenciement est égal à la perte des recettes fiscales à laquelle s’ajoute le montant des transferts sociaux. L’écart est encore plus grand si l’on tient compte du financement de la protection sociale. Au final, le coût total pour la collectivité peut être très important. Or les entreprises ne tiennent compte que de la valeur privée de leur décision, d’où la nécessité de protéger l’emploi (au-delà du respect des droits fondamentaux de la personne).
Cette protection peut générer des distorsions. C’est pourquoi certains auteurs privilégient d’autres mesures pour rapprocher valeur privée et valeur sociale de l’emploi. Blanchard et Tirole (2003) proposent ainsi d’internaliser les coûts sociaux liés aux pertes d’emploi par l’instauration d’une taxe sur les licenciements s’inspirant de l’expérience des pays d’Amérique du Nord : aux États-Unis et au Canada, chaque entreprise contribue à l’assurance chômage en fonction des indemnisations qui ont été versées aux salariés qu’elle a licenciés par le passé.
ENCADRE 3
Quinze ans de décentralisation du processus de négociations collectives en France
L’idée selon laquelle les relations de travail sont centralisées et essentiellement régies par la loi est de moins en moins fondée en France. De nombreux thèmes (salaires minimum de branches, formation, qualifications, prévoyance, etc.) sont négociés collectivement. Si historiquement la branche est le lieu privilégié du dialogue social (plus de 95 % des salariés sont ainsi couverts par un accord de branche, notamment en raison des procédures d’extension) les accords d’entreprises se sont développés depuis le début des années 1980.
L’obligation annuelle de négocier dans l’entreprise sur les salaires effectifs, la durée effective et l’organisation du temps de travail date de 1982 avec les lois dites Auroux. Cette obligation ne concerne que les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives. Les textes législatifs de 1982 permettent aussi la création d’accords dérogatoires au niveau de l’entreprise en matière d’heures supplémentaires.
En 2004, la loi dite Fillon renforce l’accord d’entreprise en l’autonomisant par rapport à l’accord de branche. Un accord d’entreprise signé après cette date peut dès lors déroger à un accord de niveau supérieur – y compris en dehors du principe de faveur – sous réserve que celui-ci ne l’exclue pas. Cette possibilité de dérogation est ouverte sur tous les sujets de négociation, sauf les salaires minima, les classifications, la mutualisation des fonds de la formation professionnelle et la mutualisation des fonds de la protection sociale complémentaire, sanctuarisés par la loi (c’est le socle minimal de garanties de la branche).
La loi d’août 2008, dite loi Bertrand, instaure la primauté de l’accord d’entreprise sur certains domaines de l’aménagement du temps de travail : contingent d’heures supplémentaires, répartition et aménagement des horaires. La convention de branche ne s’applique qu’à défaut d’un tel accord d’entreprise, et la loi qu’en l’absence d’un accord
La loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013 ouvre à la négociation d’entreprise les plans de sauvegarde de l’emploi, qui faisaient jusqu’ici l’objet d’une procédure unilatérale de l’employeur (avec consultation du comité d’entreprise) : ce sont les accords de maintien dans l’emploi (AME). Ils permettent à une entreprise qui traverse « de graves difficultés conjoncturelles» de signer des accords collectifs temporaires aménageant temps de travail et/ou salaires, en contrepartie d’un maintien de l’emploi.
La loi El Khomri d’août 2016 a étendu les champs où l’accord d’entreprise prime à 37 sujets relatifs au temps de travail, aux congés et au repos : définition des jours chômés et des modalités de report des congés, majoration des heures supplémentaires, etc. En dehors de ces thèmes et s’inscrivant dans le cadre défini par la loi de 2004, la loi Travail de 2016 a instauré la disposition pour les branches à définir "l’ordre public conventionnel" à savoir les thèmes sur lesquels des accords d'entreprise moins favorables ne pourront pas être signés.
Par ailleurs, deux thèmes ont été ajoutés au socle minimal de garanties de la branche : la prévention de la pénibilité et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Enfin, la loi a instauré la possibilité de signer des accords « offensifs» (en référence à la version « défensive » des AME) portant sur le temps de travail pour les entreprises cherchant à améliorer leur compétitivité. L’accord collectif prévaut alors sur les dispositions du contrat individuel. Tout changement est conditionné au vote d’un accord majoritaire d’entreprise, c’est-à-dire signé par l’employeur et les syndicats ayant recueilli plus de 50% des voix (contre 30% normalement).
NOTES
- Pour être considéré comme chômeur au sens du BIT il faut cumuler trois conditions : être sans emploi et ne pas avoir travaillé ne serait-ce qu'une heure durant la semaine de référence ; être disponible pour travailler dans un délai de deux semaines (sauf maladie de moins d'un mois) ; être en la recherche effective d'un travail ou avoir trouvé un emploi qui débute dans les trois mois. La recherche effective d'un emploi suppose d'avoir entrepris au moins une démarche active pour en trouver un (contact avec une agence d'intérim, démarche auprès d’un employeur, recherche d'un local professionnel, etc.).
- Après une baisse, complètement effacée mi-2012, l’emploi français a progressé modérément. Mesuré par le nombre de personnes employées, le volume global d’emplois se situait, au premier trimestre (T1) 2017, 2,2% au-dessus du niveau d’avant-crise.
- Bernard S., Rey M. (2017), Les contrats aidés : quels objectifs, quel bilan ? DARES, mars
- Malgré cette augmentation chez les hommes, le travail à temps partiel concerne bien davantage les femmes. Mais tandis que chez les femmes la part du temps partiel dans l’emploi total est restée globalement stable, autour de 30%, chez les hommes elle est passée de 5,7% début 2007 à 8,1% au T1 2017.
- L’estimation la plus courante du taux de chômage structurel est le NAIRU (Non- Accelerating Inflation Rate of Unemployment) ou taux de chômage non accélérateur de l’inflation. La Commission européenne utilise un concept proche du NAIRU, le NAWRU (Non-accelerating wage rate of unemployment) ou taux de chômage n’accélérant pas la croissance des salaires.
- Le chômage de longue durée (supérieure à 12 mois) est passé de 40% à 45% du chômage total entre 2007 et 2017.
- Voir par exemple Sterdyniak H. (2015) Faut-il encore utiliser le concept de croissance potentielle ?, Revue de l’OFCE, N°142
- “The slope of the Phillips curve may steepen again when the economy reaches and surpasses full potential” (Mario Draghi)
- Le nombre de personnes en temps partiel involontaire a augmenté en Italie de près de 60% entre 2010 et 2016. En Espagne, l’augmentation est de 40%. En France la progression, bien qu’importante, a été moindre : elle atteint 35%. Rappelons toutefois que l’Espagne et l’Italie ont été plus sévèrement touchées par la crise.
- Sur ce point, et bien d’autres abordés dans cette partie, on se rapportera au discours de B.Coeuré (2017), Scars or scratches ? Hysteresis in the euro area, BCE, mai.
- La Belgique et la Finlande affichent également de meilleures performances, surtout depuis 2009, mais l’écart est nettement moins marqué. Le Luxembourg présente de meilleures performances que la France mais la structure de l’économie n’y est guère comparable.
- Ce qui n’évacue pas la question des employés à bas salaires qui comptent pour 22% de l’emploi en Allemagne, 18% aux Pays-Bas, 15% en Autriche contre 9% en France.
- Dans tous les pays concernés, le taux d’activité augmente avec le niveau d’éducation. Pour chaque niveau d’éducation la France affiche un taux d’activité plus faible, mais c’est chez les moins qualifiés que l’écart est le plus marqué.
- Il s’agit de la classification internationale type de l’éducation de 2011 utilisée par Eurostat.
- La protection de l’emploi se rapporte aussi à la réglementation des contrats temporaires mais elle n’est pas spécifiquement ciblée par la loi en préparation.
- 16 Voir en particulier Blanchard O. Tirole J. (2003), La protection de l’emploi, Conseil d’Analyse Economique, Octobre. Pour une synthèse des travaux empiriques, voir par exemple Addison J. Teixeira P. (2003), The Economics of Emplyment Protection, Journal of Labor Research, vol.24
- Voir en particulier Laroque G. et Salanié B. (2004), Salaire minimum et emploi et présence de négociations salariales, Annales d’économie et de statistique, N°73
- Il s’agit de la dernière donnée disponible, la DARES ayant provisoirement arrêté de diffuser les statistiques des mouvements de main-d’œuvre après cette date.
- Bouis R. Duval R (2011), Raising potential growth after the crisis: Quantitative assessment, OECD WP 835
- Voir Calmfors L. et Driffill J. (1998), Bargaining Structure, Corporatism and Macroeconomic Performance, Economic Policy, n°6
- La négociation ne porte pas sur la durée légale du travail, fixée à 35 heures hebdomadaires. Mais il ne s’agit pas d’un plafond d’heures travaillées, uniquement du seuil à partir duquel s’applique la majoration due par l’employeur en cas d’heures supplémentaires.
- Notons que la loi sur la sécurisation de l’emploi de 2013 avait déjà ouvert la possibilité aux entreprises en difficulté de conclure des accords de maintien dans l’emploi (AME) dont les dispositions sont moins favorables aux contrats de travail. D’après les résultats du bilan réalisé par le ministère du Travail en 2015 ces AME avaient été peu utilisés ; plusieurs causes ont été mises en avant pour expliquer le faible succès, notamment la durée maximale de deux ans de l’accord, jugée trop courte.
- Voir Bas M., Fontagné L., Martin P, Mayer T. (2015), A la recherche des parts de marché perdues, Les notes du conseil d’analyse économique, n°23 mai
- Voir Blanchard O. Giavazzi F. (2003), The Macroeconomic Effects of Regulation in Goods and Labor Markets, The Quarterly Journal of Economics, vol.118
- C’est-à-dire que les agents économiques utilisent parfaitement toute l’information disponible pour former leurs anticipations et qu’en moyenne ils ne se trompent pas.
- Le cas d’école est bien sûr le « paradoxe de l’épargne » popularisé par Keynes : si tous les agents économiques cherchent à accroître simultanément leur épargne, l’affaiblissement induit de la demande provoquera une baisse de l’épargne agrégée.
- http://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2016/01/pdf/c3.pdf
- Gaulier G. (2016), Politique d’offre en économie ouverte : un dilemme du prisonnier quand la politique monétaire est contrainte ?, France Stratégie